Dégradation de la note financière de la France par Fitch
Fitch est, avec Standard & Poor’s et Moody’s, l’une des trois principales agences de notation opérant à l’échelle internationale. Elle a décidé, vendredi 28 avril 2023, de dégrader la note financière de la France d’un cran. Celle-ci passe de AA à AA-. À titre de comparaison, il s’agit également de la note financière attribuée par cette agence de notation à la Belgique, au Royaume-Uni ou encore à l’Estonie.
Rôle des agences de notation
Les agences de notation sont des entreprises privées dont le rôle principal est de mesurer le risque de non-remboursement des dettes contractées par un émetteur, qu’il s’agisse d’entreprises ou d’États. Les notes produites diffèrent selon les agences de notation mais s’échelonnent habituellement de AAA (« triple A »), la meilleure note traduisant un risque de défaut faible, à D, caractérisant une situation de défaut de paiement. Pour établir ces notes, les agences de notation utilisent de nombreux critères censés impacter la solvabilité d’un émetteur. Dans le cas d’un État, on retrouve les perspectives de croissance économique, d’évolution des dépenses publiques, la capacité à lever des impôts, la stabilité politique, etc.
Les agences de notation se retrouvent régulièrement sous le feu des critiques. Elles se voient notamment reprocher leur manque d’indépendance et de fiabilité, ainsi que leur comportement procyclique.
Pourquoi l’agence Fitch a-t-elle dégradé la note financière de la France ?
Dans le document accompagnant sa décision, l’agence Fitch a avancé trois facteurs principaux justifiant la dégradation de la note financière de la France :
- La persistance d’un déficit budgétaire élevé : Fitch critique tout d’abord la lenteur de l’assainissement budgétaire en France après la pandémie de Covid-19. L’agence note ainsi que le déficit budgétaire demeure élevé en France, notamment en comparaison avec les pays disposant de notes similaires. L’agence estime à 2,3 % le déficit budgétaire médian des pays notés AA, bien en-dessous donc des 4,7 % affichés par la France en 2022.
Fitch doute, en outre, du programme de stabilité présenté par le gouvernement. Celui-ci prévoit un retour à un déficit budgétaire inférieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2027, mais serait fondé sur des hypothèses trop optimistes en matière de croissance économique selon Fitch. Enfin, l’agence souligne que les dépenses publiques devraient rester à un niveau élevé, tandis qu’une plus grande incertitude demeure sur les recettes publiques, en raison de la volonté affichée par le gouvernement de poursuivre sa politique de baisse d’impôts.
Selon l’agence Fitch, la réforme des retraites récemment adoptée en France n’aura un impact que « modérément positif » sur les finances publiques, générant environ 17,7 milliards d’euros d’économies brutes chaque année.
- Un niveau de dette publique élevé : la dette publique représentait, fin 2022, près de 111,6 % du PIB. Il s’agit du niveau le plus élevé atteint par un pays noté AA selon l’agence Fitch. Celle-ci estime, en outre, que la dette publique française reste sur une pente ascendante et prévoit qu’elle atteindra 114,3 % du PIB en 2027.
- L’augmentation des taux d’intérêt : si celle-ci est, en partie, la conséquence du durcissement de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne (BCE), matérialisée notamment par l’augmentation des taux d’intérêt directeurs, elle génère une charge supplémentaire pour l’État français. Les charges d’intérêt se sont alourdies de 15,2 milliards d’euros l’année dernière et devraient continuer à augmenter au cours des années à venir.
Outre ces trois facteurs principaux, Fitch met également en avant le ralentissement attendu de la croissance économique en France, ainsi que les tensions sociales présentes actuellement dans le pays. L’agence de notation craint notamment que « cette agitation sociale complique l’élaboration des politiques d’assainissement budgétaire ».
Quelles seront les conséquences de la dégradation de la note financière de la France ?
Insistons d’emblée sur un point : la soutenabilité de la dette publique française n’est pas remise en cause par la dégradation par l’agence Fitch de la note financière de la France. Autrement dit, l’État français a la capacité d’honorer ses engagements financiers à terme. Avec une note AA-, la France reste classée parmi les émetteurs dotés d’une « qualité de crédit très élevée » pour reprendre le verbatim de Fitch. Les obligations émises par l’État français devraient donc continuer à attirer les investisseurs, nationaux et internationaux, d’autant plus qu’elles font figure de valeur refuge au sein de l’Union européenne, à l’instar des titres émis par l’État allemand.
La dégradation de la note financière de la France pourrait, toutefois, entraîner un léger durcissement des conditions d’emprunt de l’État. Considérés comme plus risqués, les titres de dette émis par la France pourraient voir leur taux d’intérêt augmenter, ce qui alourdirait la charge des intérêts versés par l’État.
Enfin, la dégradation de la note financière de la France pourrait, dans une certaine mesure, peser sur la politique menée par le gouvernement et pourrait, en particulier, remettre en cause les mesures d’ores et déjà annoncées, comme la baisse de certains impôts.