Une inflation persistante malgré un durcissement des politiques monétaires
Selon les données de l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), le taux d’inflation a atteint 4,5 % en rythme annuel en France en juin 2023. Pour le deuxième mois consécutif, les taux d’inflation baissent : la désinflation se poursuit donc en France. L’inflation demeure toutefois à un niveau élevé : la France n’a connu que des taux d’inflation inférieurs à 3,8 % entre 1991 et début 2022.
La flambée des prix de l’énergie a, dans un premier temps, été le premier poste à contribuer à l’inflation. Depuis l’été 2022, les prix de l’alimentation constituent le principal moteur de l’inflation en France : à eux seuls, ils expliquent près de la moitié de la hausse totale du niveau général des prix.
Parfois assimilé à ses débuts à un phénomène transitoire, le retour de l’inflation est, au contraire, persistant, malgré le net durcissement des politiques monétaires, que ce soit celle de la Réserve Fédérale (FED) aux États-Unis ou celle menée par la Banque centrale européenne (BCE) au sein de la zone euro. Cette dernière a, par exemple, relevé à 8 reprises son principal taux d’intérêt directeur entre juillet 2022 et juin 2023.
Depuis le 21 juin 2023, le principal taux d’intérêt de la BCE est fixé à 4 %. Il était de 0 % avant le 27 juillet 2022.
Comment expliquer la persistance de l’inflation ?
Pour certains économistes, la persistance de l’inflation s’expliquerait en partie par l’existence d’une boucle prix-profit. Cette hypothèse, avancée pour la première fois par l’économiste Isabella Weber, est de plus en plus retenue par les économistes. Selon celle-ci, certaines entreprises auraient profité du climat d’incertitude post-pandémie de Covid-19 et du contexte de forte hausse des prix de l’énergie, pour augmenter leurs prix de vente plus que proportionnellement au choc initialement subi sur leurs coûts de production… ce qui aurait contribué à augmenter l’inflation !
Les entreprises confrontées à une faible concurrence, ne craignant pas de voir leurs ventes chuter à la suite d’une augmentation des prix, sont le plus susceptibles d’avoir suivi un tel comportement.
Dans le monde anglo-saxon, un tel phénomène est parfois désigné sous le terme de « greedflation », contraction de « greed » (ou avidité) et « inflation ».
Dans un document de travail paru en juin 2023, les économistes Axelle Arquié et Malte Thie du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) confirment l’existence d’une telle boucle prix-profit pour l’économie française. Disposant de données confidentielles portant sur le bilan d’entreprises françaises, ils montrent en effet que les entreprises les moins exposées à la concurrence sont celles qui ont davantage répercuté la hausse des prix de l’énergie sur leurs prix de vente.
Ainsi, les entreprises de cinq secteurs de l’économie française, parmi les moins concurrentiels, ont, en moyenne, augmenté leurs prix de vente plus que la hausse de leurs coûts de production ne l’aurait nécessité. Parmi ces secteurs, on trouve notamment l’industrie alimentaire et les boissons.
Selon cette étude, après une hausse de 100 % du prix de l’énergie payé par les entreprises de l’industrie alimentaire, ces dernières augmentaient de 110 % leurs prix de vente. Une implication importante de cette étude est que la forte augmentation des prix de l’alimentation s’explique, en partie, par la faible concurrence caractérisant ce secteur.
Lecture : les secteurs pour lesquels le taux de transmission des prix de l’énergie aux prix de vente est inférieur à 100 %, ont vu leurs prix de vente augmenter moins que proportionnellement à ceux de l’énergie.
Quelles implications pour les politiques économiques ?
L’existence d’une boucle prix-profit a de nombreuses implications pour la conduite de la politique économique. La lutte contre l’inflation pourrait, en effet, passer par une politique de la concurrence plus agressive.
Une autre possibilité consiste en la taxation des profits excessifs induits par de tels comportements (parfois appelés « surprofits »). Enfin, I. Weber préconise l’instauration temporaire de blocages de prix dans les secteurs concernés par une telle boucle prix-profit.