Le coût du réchauffement climatique
Intitulée « Les risques climatiques et leurs coûts pour la France. Une évaluation macroéconomique » et parue en décembre 2023, l’étude de l’Agence de la Transition Écologique (ADEME) présente deux modélisations distinctes des risques climatiques. La première suppose un réchauffement climatique de +3,5 °C en 2100 et en compare les effets sur l’activité économique par rapport à un scénario fictif sans changement climatique.
Cela permet d’estimer le coût du réchauffement climatique pour l’économie française. Celui-ci représenterait jusqu’à 10 points de produit intérieur brut (PIB) en 2100. Autrement dit, dans l’hypothèse d’une élévation des températures de 3,5 °C en 2100, le PIB serait inférieur de 10 points de pourcentage en 2100 à ce qu’il serait dans un scénario sans réchauffement climatique. Le PIB français de 2100 n’est, par définition, pas connu à ce jour. Une estimation basse du coût du réchauffement climatique peut toutefois être obtenue en le rapportant au PIB de 2022, soit 2639,1 milliards d’euros. Le réchauffement climatique coûterait donc, a minima, 264 milliards d’euros.
Dans cette modélisation, les dommages les plus importants causés par le réchauffement climatique sont tout d’abord les catastrophes naturelles se produisant hors de France. Celles-ci auront, en effet, un impact négatif sur les échanges extérieurs et les flux touristiques en France. Elles contribuent à plus de la moitié de l’effet total du réchauffement climatique (environ 6 points de PIB). Les autres dommages importants sont liés à la baisse des rendements agricoles, la montée du niveau de la mer et les catastrophes naturelles ayant lieu sur le territoire français.
Le coût du réchauffement climatique dépasse ainsi nettement le coût de la décarbonation de l’économie française. Le rapport Pisani-Ferry/Mahfouz, paru en mai dernier, estimait, en effet, à 67 milliards d’euros le montant des investissements nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux de la France. Celle-ci s’est notamment engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 47,5 % d’ici 2030 et à atteindre la neutralité carbone en 2050. Cela plaide pour la mise en œuvre d’une politique économique résolument orientée vers la lutte contre le réchauffement climatique.
Les scénarios économiques de transition
La deuxième modélisation menée par l’ADEME tente d’estimer les conséquences économiques de l’attente dans la mise en œuvre de la transition écologique.
Ce scénario « suppose la poursuite des politiques existantes et le développement des énergies fossiles jusqu’en 2030. À partir de cette date, les pouvoirs publics imposent des politiques soudaines et non anticipées, pour rattraper les engagements sur le long terme et maintenir la hausse de température inférieure à 2°C d’ici la fin du siècle ». Ce scénario est comparé à celui supposant la mise en œuvre dès à présent et progressive de la transition écologique débouchant sur une neutralité carbone à l’horizon 2050.
Typologie des risques climatiques
Dans un discours resté célèbre du 29 septembre 2015, Mark Carney, alors Gouverneur de la Banque d’Angleterre et Président du Conseil de stabilité financière, a distingué trois types de risques liés au changement climatique :
– Les risques physiques imputables à l’augmentation de la fréquence d’occurrence d’évènements climatiques extrêmes ;
– Les risques de transition liés au passage à une économie bas carbone ;
– Les risques de responsabilité générés par les éventuelles poursuites judiciaires pour avoir favorisé le réchauffement climatique ou, au contraire, pour inaction climatique.
L’étude de l’ADEME considère à la fois les risques physiques et les risques de transition.
Selon les estimations de l’ADEME, retarder la mise en œuvre de la transition écologique pourrait causer une perte équivalente à 1,5 point de PIB en 2030 et à 5 points de PIB en 2050. En prenant comme référence le PIB de 2022, cela représente respectivement 39,6 et 132 milliards d’euros.
Dans ce scénario, les pertes accumulées à partir de 2030 s’expliquent en grande partie par l’importance des actifs échoués, c’est-à-dire des actifs ayant perdu leur valeur en raison des changements liés à la transition écologique. Ils devraient, en effet, avoir un impact sur les capacités de financement des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages. Par exemple, face à la baisse de la valeur de leurs logements énergivores, les ménages devront épargner davantage (et donc consommer moins) pour pouvoir financer les travaux de rénovation.
Le rapport de l’ADEME insiste sur la très probable sous-estimation des conséquences économiques du réchauffement climatique. En effet, il ne prend pas en compte les effets indirects du changement climatique (les déplacements de population, les coûts d’adaptation au réchauffement climatique, etc.), ni le coût économique de la perte de biodiversité.