Les fondements du Pacte de Stabilité et de Croissance
Fondé sur les articles 121 et 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le pacte de stabilité et de croissance (PSC) est un ensemble de mesures que les 27 États membres de l’UE se sont engagés à respecter pour permettre une meilleure coordination de leurs politiques budgétaires et limiter les déficits publics nationaux. Adopté le 17 juin 1997 au Conseil européen, le PSC constitue un élément clé de la dynamique d’intégration européenne en insistant sur le devoir de régulation nationale des déficits publics des États membres. En effet, contrairement à la politique monétaire qui est menée par la Banque Centrale Européenne (BCE) au niveau supranational, la politique budgétaire relève d’une compétence nationale qui suppose un effort de la part de chaque État membre afin d’harmoniser les déficits publics dans la zone euro.
Fondements du pacte de stabilité et de croissance
Le PSC repose sur deux fondements :
- D’une part, il constitue un outil de surveillance multilatérale, c’est-à-dire que chaque année, les États membres présentent leurs objectifs budgétaires qu’ils s’engagent à respecter. En cas de dérapage budgétaire, le Conseil Ecofin envoie un signalement rapide au pays en question.
- D’autre part, il dissuade les États membres d’avoir recours à des déficits publics excessifs. En principe, les États s’engagent à ne pas dépasser le seuil de 3 % du PIB pour le déficit public et 60 % du PIB pour la dette publique (critères de convergence définis lors du traité de Maastricht en 1992). En cas de déficit supérieur à 3 %, le Conseil Ecofin invite le pays à réduire son déficit ; autrement, il peut lui imposer certaines sanctions pouvant prendre la forme d’amendes.
Le Conseil pour les affaires économiques et financières, ou Conseil Ecofin, est un groupe du Conseil de l’Union européenne constitué des ministres des Finances des différents États membres. Il est l’organe de référence en ce qui concerne les sujets économiques et financiers, et il partage la responsabilité de la préparation et de l’adoption du budget avec le Parlement européen.
Nouvelles règles budgétaires européennes : quelles sont les mesures adoptées ?
L’ancienne version du PSC avait déjà été critiquée pour son manque de flexibilité conduisant à de réelles lourdeurs bureaucratiques qui complexifiaient la mise en œuvre de ses règles par les États-membres. De plus, l’uniformisation des mesures constituait un risque en cas de crise pouvant entraver les dispositifs de relance économique.
Ainsi, après sa mise en suspens à la suite de la crise du Covid-19, le Parlement européen a voté en faveur du nouveau texte structurant le contenu du PSC le 23 avril dernier. Cela fait écho à un vaste processus de modernisation des règles budgétaires au sein de l’Union Européenne initié en 2022, ayant finalement abouti à la réactivation du pacte le 1er janvier 2024 à la suite d’une série d’âpres négociations en décembre 2023 par les différents ministres des Finances des États membres.
En pratique, les seuils de 3 % et 60 % demeurent inchangés. Toutefois, le nouveau texte aspire à octroyer davantage de flexibilité et de crédibilité dans sa mise en œuvre, et devrait permettre « une réduction progressive des dettes publiques sans compromettre la croissance », selon Paolo Gentiloni, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires.
Les États devront présenter un plan d’application sur 4 ans en vue de retrouver une trajectoire budgétaire viable, pouvant être prolongée de 3 ans si besoin. En cas de déficits excessifs, un certain degré de tolérance sera accepté si les États membres concernés s’engagent à initier des efforts d’investissements et de réformes structurelles importantes. En outre, sera davantage prise en considération la situation particulière de chaque pays.
Autre aspect important de la réforme : un objectif minimal de réduction de la dette et du déficit en cas de relâchement budgétaire excessif a été négocié par un ensemble de pays réputés pour leur rigueur budgétaire, en particulier l’Allemagne. Après l’obtention d’un compromis en fin d’année 2023 visant à concilier sérieux budgétaire et marge de manœuvre en termes de dépenses d’investissement, ces propositions supplémentaires viennent durcir le projet de réforme, ce qui n’a pas manqué de susciter des réticences de la part de la France et de l’Italie notamment.
Si son entrée en vigueur a été programmée pour le 1er janvier 2025, le texte sera d’ores et déjà mis en application en cours d’année par les ministres des Finances des 27 membres de l’Union Européenne, notamment dans une logique de préparation des budgets 2025.
Pacte de Stabilité et de Croissance : réactions politiques variées à l’annonce de l’adoption du texte révisé
Soutenu largement par les principaux partis politiques européens (PPE, S&D, Renew Europe), à tendances sociales-démocrates et conservateurs, le nouveau texte adopté incite à un retour à la « frugalité » en matière de politique budgétaire, propre notamment à l’Allemagne et ses alliés.
Si pour les eurodéputés Markus Ferber (PPE) et Margarida Marques (S&D) l’adoption des nouveaux termes du PSC marque un retour à la responsabilité budgétaire, censée pallier les défaillances de mise en œuvre des anciennes règles, d’autres (Les Verts, la gauche radicale, certains élus S&D) rejettent totalement la réforme. En effet, perçu comme un frein aux programmes d’investissements publics, le nouveau texte du PSC servirait l’intérêt des populismes à l’approche des élections européennes le 9 juin prochain.
Certains eurodéputés écologistes tels que Philippe Lamberts et Marie Toussaint y voient une ligne directrice répressive et austère qui risque de museler les pays en difficulté et considèrent qu’un retour rapide à la stabilité budgétaire n’est ni réaliste ni soutenable. Les nouvelles règles doivent néanmoins permettre une meilleure flexibilité et prise en considération de la situation particulière de chaque pays.
En 2023, selon Eurostat, 24 des 27 membres de l’Union européenne affichent un déficit public, dont 11 supérieurs à 3 % du PIB. 13 États membres affichent un ratio de dette publique supérieur à 60 % du PIB, les plus élevés étant la Grèce (161,9 %), l’Italie (137,3 %) et la France (110,6 %).