Dans quel contexte s’effectue la nouvelle réforme du chômage ?
L’assurance-chômage est un système de protection sociale qui assure la couverture sociale des salariés privés d’emplois. Les personnes qui perdent involontairement leur emploi peuvent ainsi prétendre à bénéficier d’un revenu d’aide sous forme d’allocation. Cette mesure est pilotée par l’Unédic, une association paritaire de syndicats de salariés et d’organisations patronales.
En principe, toute réforme sociale doit faire l’objet de discussions entre les partenaires sociaux depuis la loi Larcher de 2007. La procédure normale, c’est que lorsque les partenaires trouvent un accord, le gouvernement l’entérine, donne son agrément. Cependant, depuis une loi de 2018, les discussions entre partenaires sociaux sont fortement encadrées ; le gouvernement peut, dans un document de cadrage, limiter l’objet et la durée des discussions. En l’absence d’accord entre les partenaires sociaux, le gouvernement peut imposer la réforme de son choix, par un décret, décret dit « de carence ».
Petite histoire de la réforme du chômage
La réforme de 2019 (décret de carence du 26/07/2019) n’a été appliquée qu’en 2021, notamment pour cause de Covid. Elle devait s’appliquer jusqu’au 1er novembre 2022. Il a fallu une loi du 21 décembre 2022 (complétée par un décret du 26/01/2023) pour la prolonger jusqu’au 31 décembre 2023 et poser les bases de la modulation de la durée d’indemnisation en fonction de la situation du marché du travail.
Parallèlement les partenaires sociaux s’étaient mis d’accord en novembre 2023 (protocole d’accord du 10 novembre 2023) sur une nouvelle convention d’assurance chômage qui devait s’appliquer à partir du 1er janvier 2024… à condition que le gouvernement la valide par décret. Ce qu’il n’a pas fait. Il a simplement, par décret, prolongé jusqu’au 30 juin 2024 les règles issues de la réforme de 2019 en rajoutant de nouveaux objectifs, notamment sur l’emploi des seniors.
De nouvelles négociations s’en sont suivies, Qui n’ont pas abouti, de sorte que le gouvernement est habilité à imposer sa réforme par décret. Celui-ci devrait intervenir d’ici le 1er juillet pour une entrée en vigueur le 1er décembre.
Que prévoit la nouvelle réforme de l’assurance-chômage ?
D’abord, la réforme prévoit un durcissement de l’ouverture des droits à l’assurance-chômage. En effet, à compter de sa mise en œuvre, il faudra avoir travaillé au moins 8 mois (contre 6 actuellement) au cours des 20 derniers mois. Alors qu’avant la réforme de 2019, il suffisait d’avoir travaillé 4 mois sur les 28 derniers mois.
Ensuite, la durée maximale d’indemnisation sera portée à 15 mois pour les moins de 57 ans (contre 22,5 mois actuellement pour les salariés âgés de 53 à 54 ans et 27 mois pour ceux de 55 ans et plus), sous réserve que le taux de chômage soit compris entre 6,5 % et 9 %. Pour les 57 ans et plus elle sera de 22,5 mois.
En parallèle, la réforme prévoit l’instauration d’un « bonus emploi senior » pour inciter les seniors à reprendre un emploi, même moins rémunéré. L’allocation servira à compenser le différentiel de salaire jusqu’à 3000 euros, pendant un an.
Au niveau du calcul de l’assurance, elle sera la même chaque mois et ne prendra plus en compte le nombre de jours dans le mois. Cela correspond à une perte de 5 à 6 jours par an d’indemnisation pour les chômeurs.
Par ailleurs, dans une logique « contracyclique », un nouveau seuil de taux de chômage à 6,5 % sera ajouté. Dans cette situation, la durée d’indemnisation sera alors baissée de 40 % et passera à 12 mois (18 mois pour les plus de 57 ans).
Enfin, la nouvelle réforme prévoit un renforcement du système « bonus-malus. » L’objectif est de durcir ou alléger la contribution patronale d’assurance chômage en fonction du différentiel entre le « taux de séparation » des entreprises et le taux médian de leur secteur, cela afin de pénaliser les entreprises recourant fortement aux contrats courts, plus précaires.
Quelles réactions face au contenu de la réforme ?
Globalement, la réforme se veut être un durcissement des conditions d’accès à l’assurance-chômage, ainsi qu’un levier d’incitation à l’emploi valorisant le travail. Selon le ministère du Travail, les économies réalisées pourraient être de l’ordre de 3,6 milliards d’euros et 90 000 personnes pourraient obtenir un emploi.
Toutefois, pour plusieurs économistes, la réforme n’aura pas d’impact significatif à court terme au vu de la conjoncture actuelle. Selon Alexandra Roulet (Prix du meilleur jeune économiste 2024), une durée d’indemnisation plus longue augmente (mais dans une moindre proportion) la durée du chômage. Toutefois, elle n’impacte pas les critères de recherche d’emploi et ne conduit donc pas à trouver un meilleur emploi. Mais si la réduction de la durée d’indemnisation peut inciter à retrouver un emploi plus rapidement, la qualité de l’emploi pourrait en pâtir. Pour l’économiste Damien Euzénat, la réduction de la durée d’indemnisation force les demandeurs d’emplois à accepter des offres moins satisfaisantes. Enfin, selon Bertrand Martinot, économiste à l’Institut Montaigne, l’assurance-chômage pèse dix fois moins lourd que les retraites : son impact sur les finances publiques serait donc limité.
D’autre part, la nouvelle réforme est globalement très mal accueillie par les syndicats. En effet, la majeure partie des représentants syndicaux y voient une mesure pénalisante pour les séniors de moins de 57 ans, et soutiennent que la réforme est davantage un levier de réduction des dépenses publiques qu’un dispositif d’aide de réinsertion à l’emploi.
Selon Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, il s’agit de la réforme « la plus violente, injuste et injustifiée » depuis sept ans. Pour François Hommeriel, président de la CFE-CGC, le bonus de reprise d’emploi pour les seniors pénaliserait davantage les cadres.
À l’inverse, le président du Medef, Patrick Martin, salue la nouvelle réforme tout en émettant des réserves sur la généralisation du système « bonus-malus ».