Est-on témoin d’une baisse durable ou est-ce seulement un événement passager ?
Quelles sont les raisons de la baisse des prix de l’essence ?
La raison principale vient surtout du haut de la chaîne : la chute prix du baril de Brent. Bien qu’il se soit légèrement relevé depuis quelques jours, son prix a baissé de presque 10 dollars sur les six derniers mois.
Le “Brent” est un type de pétrole brut, c’est à dire non raffiné, servant de référence aux marchés mondiaux. Il s’agit d’un pétrole léger (peu visqueux) et doux (faible en soufre). C’est donc un pétrole parfait pour être facilement raffiné et utilisé comme carburant. Un baril de Brent (soit 159 litres) s’échange ces dernières semaines contre un peu plus de 71 dollars, soit 65 euros.
Prix de l’essence : la croissance chinoise en berne
Alors, pourquoi une telle baisse ? Bien qu’il existe de nombreux facteurs, l’un des principaux est la dynamique de la croissance chinoise, un des grands consommateurs du précieux or noir. La Chine est actuellement empêtrée dans un ralentissement économique, dû en partie à la crise immobilière, au surendettement des administrations locales et à la surproduction industrielle. Les marchés anticipent donc une baisse de l’activité économique, s’accompagnant du recul de la demande pour le pétrole.
Appréciation de l’euro par rapport au dollar
Un autre facteur à considérer dans le cas de la zone euro est le taux de change euro-dollars. L’euro s’est en effet apprécié depuis son point bas fin 2022, et une nouvelle dynamique positive apparait depuis le mois d’avril. Les barils de Brent s’échangeant en dollars, cette appréciation donne un meilleur pouvoir d’achat aux acheteurs de la zone euro.
Pour l’État français, une baisse durable du cours du pétrole serait synonyme d’une baisse de ses recettes. En effet, plus de la moitié du prix payé à la pompe est en fait en ensemble de taxes au profit de l’État.
La baisse du prix du pétrole est-elle durable ?
Le prix du pétrole dépend d’un contexte économique complexe.
Tout d’abord, il faut garder en mémoire que cette baisse est relative, il y a quatre ans, le prix d’un litre de gazole tournait autour de 1,25 euro. Ce même litre de gazole coûtait à peine plus d’un euro en 2016. Même si l’on peut s’imaginer à rêver d’un retour à ces tarifs, ces niveaux semblent difficilement atteignables.
Les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), organisation de pays producteurs de matières premières (gaz, pétrole), semblent vouloir stabiliser le prix du baril entre 80 et 90 dollars, ce qui impliquerait une hausse du prix actuel. Pour cela, ils limitent leur production depuis plusieurs années. Cependant, certains de ces membres comme l’Arabie Saoudite ne souhaitent plus réduire leur production, car ils dépendent très fortement du revenu du pétrole.
Par ailleurs, baisser la production permettrait aux autres producteurs de pétrole non-membres de l’OPEP (comme la Russie, les États-Unis ou la Norvège) de gagner des parts de marché. Les États-Unis ont particulièrement bousculé le marché par leur production de pétrole de schiste, devenant le premier producteur mondial. On peut observer sur le graphique ci-dessous cette dynamique très forte, rebattant les cartes économiques et géopolitiques.
L’utilisation de l’équivalent en térawattheure permet de se rendre compte de la quantité d’énergie que peut produire le pétrole.
La Russie aussi fait tout pour maximiser sa production afin de financer la guerre en Ukraine. L’OPEP est donc dans une situation délicate. L’Angola, précisément en raison d’un désaccord au sujet des quotas, a quitté l’organisation fin 2023.
Il est intéressant d’évoquer la problématique inverse, à savoir une production trop faible qui verrait les prix s’envoler. Bien que cette problématique ne semble pas à l’ordre du jour, elle serait tout aussi destructrice pour les modèles économiques des producteurs de pétrole. A l’heure d’un développement durable qui prend de l’ampleur partout dans le monde, un pétrole trop cher pousserait certains pays vers une fin accélérée de son utilisation. C’est donc un jeu d’équilibriste que les producteurs doivent opérer, entre faiblesse des revenus et érosion du modèle énergétique.