FED : De quel taux parle-t-on ?
Comme toutes les banques centrales, la Réserve fédérale (Fed) mène à bien sa politique monétaire par le contrôle de son taux d’intérêt directeur. Il s’agit du taux auquel elle prête aux banques commerciales.
Chaque banque a le choix d’emprunter et de prêter, soit à la banque centrale, soit à une autre banque. Il existe donc, en parallèle du taux directeur, le taux du marché entre banques, qu’on peut considérer comme « privé » puisque n’impliquant pas la banque centrale. On l’appelle le « taux monétaire ». La banque centrale a bien entendu une influence cruciale sur ce dernier, puisqu’elle propose toujours une solution de repli aux banques prêteuses et emprunteuses.
En fait, ce qu’a annoncé la Fed est la nouvelle cible du taux monétaire. La banque centrale va simplement ajuster les taux qu’elle pratique avec les banques, afin de garantir que le taux monétaire atteigne bien sa cible.
Pourquoi baisser ce taux directeur maintenant ?
Cette baisse est la première décision accommodante aux États-Unis depuis la crise du Covid. La Fed avait en effet enclenché une politique monétaire restrictive en mars 2022, en réaction à la poussée inflationniste ayant secoué le pays.
Deux raisons principales sont invoquées pour expliquer la bascule de la Fed. Tout d’abord, l’inflation reflue. Elle est attendue aux alentours de 2,1 % en 2025, soit la cible de long-terme de la banque centrale. Une politique monétaire restrictive n’a donc plus beaucoup d’intérêt. Surtout, la prévision du taux de chômage, elle, grimpe à 4,4 %. Ce niveau peut sembler bas, mais sa hausse inquiète de nombreux analystes, et probablement une partie des membres du comité fédéral.
Ces inquiétudes sont corroborées par ce qu’on appelle la « règle de Sahm ». Il s’agit d’une régularité économique servant d’indicateur avancé de récession. Selon cette règle : « Lorsque la moyenne sur les trois derniers mois du taux de chômage est supérieure de plus de 0,5% à son niveau le plus bas au cours des douze mois précédents, une récession surgit ». Cette règle peut sembler compliquée et franchement tirée du chapeau. Et c’est le cas, la règle de Sahm est « heuristique », c’est-à-dire sans théorie économique sous-jacente, mais est diablement efficace empiriquement.
Depuis peu, le seuil de 0,5 % a été franchi, et laisse donc présager d’une crise économique, que la Fed a tout intérêt à anticiper.
Certains analystes appellent à être prudent concernant la règle de Sahm. De nombreux autres indicateurs avancés de récession restent, eux, au vert. Surtout, toutes les crises sont différentes, et utiliser une simple régularité statistique n’est pas fiable si la prochaine crise prend une forme nouvelle, dans un contexte toujours inédit.
La Fed, toujours plus audacieuse que la BCE
A côté du « Jumbo cut » de la Réserve fédérale, l’annonce de la BCE en date du 12 septembre parait bien plus frileuse. La Fed stoppe net son cycle restrictif face à un taux de chômage de 4,4 %, et communique déjà sur de futures baisses d’ici la fin de l’année. La BCE, elle, abaisse timidement son taux de rémunération des dépôts de 0,25%, alors que le chômage pointe à 6,5 % en zone euro.
La différence de priorités dans les mandats des deux banques centrales, entre inflation et croissance, est plus que jamais évidente. Semble également exister une disparité dans les règles de décisions des banques centrales : tributaire des données en zone euro, tributaire des scénarios aux États-Unis.
La Fed passe sous silence tout risque de remontée de l’inflation suite à sa décision. Le futur nous dira si cette dernière était avisée ou au contraire imprudente, en cette période électorale en proie à toutes les tensions.