Économie en Chine : des mesures de relance pour atteindre les 5 % de croissance annuelle
La Banque populaire de Chine (BPC) a annoncé, mardi 24 septembre, une série d’assouplissements monétaires afin de soutenir l’économie chinoise et atteindre les 5 % de croissance réelle en 2024, malgré les doutes émis par de nombreux analystes.
Le volet le plus important de cette annonce est la baisse de 50 points de base (-0,50 %) du taux des réserves obligatoires. Ce taux correspond à la proportion des dépôts que chaque banque doit détenir auprès de la banque centrale. Une telle mesure pourrait favoriser l’offre de crédit et, in fine, la consommation des ménages, structurellement très faible. Les autorités chinoises espèrent que cette mesure permettra à terme de générer plus de 1 000 milliards de yuans (127 milliards d’euros) de liquidités dans le système financier pour stimuler le crédit. En complément, les autres taux directeurs ont été abaissés.
La BPC vient également au secours du marché immobilier, grâce à une baisse du taux d’intérêt de référence emprunts immobiliers de 0,5 % et une baisse de l’apport minimum (de 25 % à 15 %). La BPC a parallèlement conduit un programme de facilité de crédit à hauteur de 300 milliards de yuan à destination des banques, pour leur assurer des liquidités suffisantes.
Toutes ces mesures visent à renforcer l’offre de crédit à destination des entreprises et surtout des ménages, avec l’espoir que ceux-ci augmenteront leur consommation et leur investissement dans l’immobilier, secteur en pleine crise depuis 2021.
Croissance en Chine : ce plan est-il suffisant ?
Ces nombreuses annonces ont surpassé les attentes des marchés. Cela étant, les conséquences de long-terme restent incertaines. Les 1 000 milliards de yuans de liquidités termes annoncés espérées à terme par Pan Gongsheng, le gouverneur de la Banque populaire de Chine, semblent assez dérisoires compte tenu de la taille de l’économie chinoise (le PIB de la Chine en 2023 était de 124 754 milliards de yuan).
La croissance chinoise n’a cessé de ralentir depuis 2007, et peine aujourd’hui à atteindre les 5 %. Évidemment, de tels chiffres seraient considérables pour un pays comme la France, mais la Chine n’a pas rattrapé le niveau de vie des pays occidentaux. Le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat était de 73 637 dollars aux États-Unis en 2023, de 55 214 dollars en France, et de seulement 22 135 dollars en Chine. L’empire du Milieu est donc encore en phase de développement.
Les raisons du ralentissement économique chinois
Crise immobilière et fuite des investisseurs étrangers
L’immobilier chinois, géant aux pieds d’argile
La Chine fait face à des défis économiques structurels. L’une des problématiques est le secteur immobilier. Depuis 2021, ce secteur est entré dans une crise profonde en Chine, exacerbée par la faillite du géant Evergrande.
En Chine, nulle personne physique ou morale ne peut posséder un terrain, c’est l’État et les gouvernements locaux qui en ont la propriété. Si un citoyen ou un investisseur immobilier souhaite construire une maison, il doit s’acquitter d’un paiement auprès du gouvernement local, qui lui proposera une concession d’usage, de 70 ans pour le résidentiel et de 50 ans pour les sites industriels et les bureaux (et renouvelée automatiquement à maturité). Cette concession permet d’obtenir l’usufruit du bien construit, mais pas la nue-propriété du terrain.
Cette particularité a été perçue par les gouvernements locaux comme un moyen d’accroître leurs recettes. Ils ont vendu en masse des concessions à des promoteurs immobiliers, ceux-ci devant ensuite trouver les acquéreurs des futurs logements. Cette méthode a fonctionné un temps, car la classe moyenne chinoise émergente avait une préférence dans l’immobilier pour placer son argent, mais les abus qui en ont découlé mènent à présent à un retournement. Des villes entières sont sorties de terre en quelques années sans que personne ne souhaite y résider. Les promoteurs comme Evergrande sont maintenant confrontés à des problèmes de financement avec des dettes colossales. On estime qu’Evergrande seul doit plus de 300 milliards d’euros à ses créanciers (dont beaucoup sont des ménages et des banques locales).
Cet effondrement érode la confiance que les Chinois avaient envers ce placement. En conséquence, les prix de l’immobilier ont entamé une chute qui dure maintenant depuis plus de deux ans. Le secteur de l’immobilier représentant 6 % du PIB chinois, cette crise immobilière a de graves implications macroéconomiques.
La Chine n’est plus l’Eldorado des start-ups
Si l’immobilier chinois est en mauvaise condition, ce n’est pas le seul secteur économique en peine. Le secteur privé chinois dans son ensemble est souffrant. Les causes sont multiples, mais deux d’entre elles, très liées, semblent jouer le plus grand rôle.
Si le secteur privé chinois et ses nombreuses start-ups ont pu voir le jour, c’est en grande partie grâce aux investissements étrangers. Or ceux-ci se font aujourd’hui rares, faute de confiance en la stabilité du pays et des ingérences du gouvernement. Sous la présidence de Xi Jinping, le gouvernement chinois a largement accru son emprise sur les entreprises prometteuses. La disparition temporaire, à partir d’octobre 2020, de Jack Ma, le milliardaire chinois fondateur du site de vente en ligne Alibaba, illustre bien ce malaise. Cette « disparition » semble liée aux désaccords du milliardaire avec la politique du gouvernement chinois. Depuis le départ des investisseurs occidentaux, aucun autre acteur n’a réellement pris le relais.
Par ailleurs, le marché de la manufacture s’essouffle. Si le pays pratique le dumping et inonde en ce moment les marchés mondiaux de biens concurrentiels, un déplacement des capacités de production s’opère lentement. D’autres pays comme le Vietnam, la Thaïlande, l’Inde, ou les Philippines, ont aujourd’hui une main d’œuvre bon marché et des infrastructures de plus en plus développées, leur permettant de fabriquer les composants électroniques les plus modernes. Le salaire moyen annuel en 2022 en Chine était de 13 400 dollars, contre 4 180 au Vietnam et 7 180 en Thaïlande. Une vraie alternative de manufacture asiatique excluant la Chine devient alors possible.
Dégringolade démographique
Si les perspectives économiques ne sont pas toujours engageantes, les perspectives démographiques sont franchement inquiétantes. En 2023, la population chinoise a perdu plus de 2 millions d’habitants. Les Nations-Unies ont estimé que la population chinoise pourrait perdre plus de 100 millions d’habitants d’ici 2050. De plus, la population se fait de plus en plus vieille : plus de 20 % des Chinois ont désormais plus de 60 ans. Dans la liste des pays en récession démographique, la Chine est le seul pays qui n’a pas atteint un très haut stade de développement économique. Cette exception fait dire à certains analystes que la Chine a déjà laissé filer sa chance d’être la puissance hégémonique qu’elle souhaite devenir.
Les raisons du déclin démographique trouvent leurs origines dans les décennies de politiques de l’enfant unique. Cette politique a drastiquement réduit la natalité et dérèglé le ratio hommes/femmes. D’après le National Bureau of Statistics of China, ce dernier atteint 105,1 en 2020 pour l’ensemble de la population, ce qui semble acceptable. En revanche, il pointe à 111,3 pour les nouveaux nés. Les parents chinois, même s’ils peuvent maintenant avoir plusieurs enfants, préfèrent se limiter à un seul, et de préférence un fils. Certains se tournent vers l’avortement dès que les premières échographies annoncent le sexe de l’embryon, même si l’avortement sélectif est combattu par les autorités. Les coûts associés à la parentalité sont un autre frein à la natalité. Les perspectives économiques bouchées, les salaires faibles pour les jeunes diplômés, et une hausse du chômage des jeunes reportent l’envie de fonder une famille.
Une telle démographie pourrait s’avérer catastrophique, car elle priverait de main d’œuvre le pays, tout en augmentant les charges pour aider les plus âgés. Bien que la politique de l’enfant unique ne soit plus d’actualité, rien ne semble indiquer une stabilisation du nombre d’habitant en Chine.
Des relations internationales conflictuelles avec les Occidentaux
Enfin, les tensions géopolitiques entre la Chine et les pays occidentaux ne sont pas non plus en faveur d’une économie chinoise fleurissante. Depuis la crise du Covid-19, les Occidentaux ont pris conscience de leur dépendance vis-à-vis de la Chine et souhaitent protéger leurs poulains nationaux contre les dragons chinois.
On peut citer en ce moment le bras de fer qui se joue entre l’Union Européenne (UE) et la Chine concernant l’importation de véhicules électriques au sein du vieux continent. Pour lutter contre la concurrence déloyale, la Commission européenne évoque une taxe de 27 % à 30 % sur les véhicules chinois, qui pourrait même atteindre les 48,1 % en cas de non-coopération sur la transparence des financements.
De nombreux conflits autour des géants de la technologie et du numérique chinois ont également cours. Huawei s’est par exemple vu perdre sa licence Android en 2019 auprès de Google, sur fond d’accusation d’espionnage du gouvernement chinois.
Quelles perspectives pour la Chine ?
La Chine se doit de réinstaurer la confiance auprès de sa population et des investisseurs. Elle peut bien sûr s’appuyer sur les savoir-faire technologiques qu’elle a acquis pour concurrencer les géants occidentaux.
La Chine a également opéré des bascules en matière de relations internationales, en se rapprochant de pays en développement d’Afrique ou d’Asie. Elle finance notamment de nombreux projets d’infrastructures en Afrique, bien que souvent fustigés par les Occidentaux pour les conditions qu’elle impose aux États africains.
La Chine a connu une croissance record depuis les années 1990, mais semble aujourd’hui à un moment pivot. Bien que les investissements principalement orientés vers les entreprises publiques soient relativement peu efficients, elle a su jusqu’à présent éviter les crises majeures grâce au contrôle fort que l’État exerce sur l’économie. Ce même contrôle étant à l’origine de frictions sur les marchés, le gouvernement chinois cherche à présent le juste équilibre.
Les nombreux défis évoqués requièrent de la Chine une grande adaptation, abordée lors de la réunion du Parti Communiste Chinois (PCC) le jeudi 26 septembre. Le compte-rendu met en avant “la nécessité […] de favoriser le développement du secteur non public” et appelle à soutenir “le développement des industries de soins aux personnes âgées et de garde d’enfants” tout en “[affinant] les politiques pro-natalité”. Au vu des nombreuses annonces en matière économique et sociale des derniers jours, les dirigeants chinois semblent prendre ces défis à bras le corps. Reste à connaître l’ampleur et l’efficacité des mesures appliquées, ainsi que leurs implications pour l’économie mondiale dans son ensemble.