Nouvelle recette pour les trois Coupes d’Europe de football, quels gains à espérer ?
Comparaison financière de la nouvelle formule avec l’ancienne
La nouvelle formule, qui s’applique à partir de cette année, concerne les trois Coupes d’Europe, à savoir la Ligue des Champions (LDC), la Ligue Europa et la Ligue Conférence. Ces trois compétitions accueillent désormais 36 équipes, au lieu de 32. La conséquence est évidente : il y aura plus de matchs. Chaque équipe qualifiée jouera huit matchs en phase préliminaire, contre six auparavant. Les équipes qualifiées en phase finale ayant terminé entre la première et la huitième place de la phase préliminaire iront directement en huitième de finale. Pour celles entre la neuvième et la vingt-quatrième place, il faudra jouer des seizièmes de finale. Les autres équipes au-delà dans le classement seront éliminées. Pour rappel, les matchs de phase finale se jouent toujours en match aller-retour.
Au-delà du grand nombre de matchs par saison (source de nombreux débats), cette nouvelle formule doit rapporter plus aux clubs engagés. Selon le rapport de l’UEFA, le vainqueur de la LDC touchera au minimum 86 millions d’euros, contre 68 millions précédemment, auxquels il faut ajouter les primes de résultat en phase préliminaire, soit 2,1 millions d’euros par victoire, et 700 000 euros en cas d’égalité. Le classement final de la phase de qualification donnera aussi lieu à des primes, s’étalant de 275 000 euros pour le bon dernier à 9,9 millions d’euros pour le premier.
Le budget UEFA pour les 3 Coupes d’Europe est réparti comme suit : 2,467 milliards d’euros pour la Ligue des Champions, 565 millions pour la Ligue Europa, et 285 millions pour la Ligue Conférence. En tout, pour les trois compétitions, ce sont 3,317 milliards d’euros qui iront aux clubs. Ce budget de l’UEFA provient très majoritairement des droits TV sur les compétitions européennes. Pour la saison 2022/2023, ces droits s’élevaient à 3,595 milliards d’euros, soit 83 % de ses revenus.
Les implications financières sont bien plus importantes pour un « petit » club avec un budget restreint, comme le Stade Brestois cette saison, que pour un grand, comme le Paris Saint-Germain.
Quels gains pour les clubs de football français ?
Faisons le point des équipes françaises qualifiées en Coupe d’Europe.
- En Ligue des Champions : Paris Saint-Germain, Stade Brestois, AS Monaco et Lille OSC.
- En Ligue Europa : OGC Nice et l’Olympique Lyonnais.
- EN Ligue Conférence : aucune équipe française ne s’est qualifiée (le RC Lens a perdu en barrage).
Si on calcule ce que vont toucher les clubs au minimum, on obtient un revenu de 74,48 millions d’euros pour les quatre clubs en LDC (soit 18,62 millions chacun), et 8,62 millions d’euros divisés entre les deux clubs en Ligue Europa (4,31 millions chacun). Cela porte le total à 83,1 millions d’euros. Le grand gagnant est surement le Stade Brestois, qui, avec un budget annuel de 45 millions d’euros, va empocher l’équivalent de 40 % supplémentaires en prime, de quoi donner un coup de pouce substantiel. L’équipe bretonne, ayant déjà remporté deux matchs, empoche en sus 4,2 millions d’euros supplémentaires, soit 10 % de son budget de fonctionnement annuel ! Les Brestois, comme les autres clubs, ont encore six rencontres pour faire gonfler leurs primes.
Les revenus de Coupe d’Europe peuvent-ils sauver les clubs français de la baisse drastique des droits TV de Ligue 1 ?
Depuis le début de cette saison, une ombre plane sur la première et deuxième division française : les droits TV. Si on enlève le merchandising, car il ne touche pas tous les clubs de manière égale, les droits TV représentaient 44 % des recettes de Ligue 1 et Ligue 2 pour la saison 2022/2023. Cette part est donc essentielle au bon financement des clubs. Malheureusement, les nouveaux contrats signés avec les diffuseurs pour les cinq prochaines saisons atteignent des montants bien inférieurs par rapport aux années précédentes.
Des négociations de droits TV difficiles
Si les droits TV pour les compétitions européennes se vendent relativement bien, ce n’est pas toujours le cas pour les championnats nationaux, notamment en Ligue 1. Pendant des mois, les négociations autour des droits TV des deux premières divisions de football françaises ont agité les esprits. La Ligue de football professionnel (LFP) en demandait un milliard. Le diffuseur historique du football français, Canal+, n’a cependant pas voulu négocier, fâché avec la Ligue depuis l’affaire Mediapro. La LFP a eu bien du mal à trouver d’autres candidats, et c’est finalement le diffuseur anglais DAZN (prononcez « Da Zone ») qui, avec BeIN, a remporté le plus gros des droits. DAZN a négocié huit des neuf matchs hebdomadaires pour 400 millions d’euros, et BeIN 100 millions pour le match du samedi à 17 h. Ces droits sont abaissés d’environ 20 % la première année. Par ailleurs, la LFP n’a obtenu que 57,8 millions d’euros pour les droits internationaux. Une fois soustraites les charges de 272,5 millions d’euros (dont une grande partie pour le fonctionnement de la LFP), il ne reste plus que 228,8 millions à se partager pour les clubs cette saison, soit une baisse de 60 %.
On est donc loin des milliards en vigueur dans les grands championnats européens. Certains clubs, ayant déjà fait leurs budgets prévisionnels par rapport aux recettes de l’année dernière, se retrouvent aujourd’hui en grande détresse financière.
Quel est l’état financier des clubs de football français ?
Afin de mettre en lumière l’impact d’une telle baisse des droits TV pour les clubs français, nous pouvons nous pencher sur leur situation financière à l’aide des rapports financiers de chaque club fournis par la LFP pour la saison 2022/2023.
Environ la moitié des clubs de Ligue 1 affichaient un résultat net négatif à l’issue de la saison. Si on retrouve parmi eux de gros clubs avec des investisseurs solides, les résultats financiers de l’ES Troyes AC, de l’AJ Auxerre ou encore du Stade Brestois sont plus inquiétants.
La mesure de la rentabilité des actifs (ROA, pour Return On Assets) permet de prendre en compte la taille de chaque club.
On constate ce qui semblait évident : même si les grands clubs ont des pertes plus grandes sur le papier, leur situation financière est loin d’être alarmante au regard de tout ce qu’ils possèdent. En revanche, l’ES Troyes AC, l’AJ Auxerre ou encore le Stade Brestois semblent dans une situation bien plus fragile.
La majorité des clubs de Ligue 2 ont également une ROA négative, avec parfois des pertes abyssales. Pour le Valenciennes FC, les pertes enregistrées en 2023 étaient de 4,576 millions d’euros, représentant 37 % du total des actifs du club. Pour le FC Sochaux-Montbéliard, les pertes étaient de l’ordre de 24 % des actifs, et 40 % pour l’ES Troyes AC ! L’écosystème du football français dans son ensemble semble en souffrance.
Clubs professionnels : des faillites passées et peut-être à venir
Les difficultés financières ne sont pas que de l’ordre du potentiel. Deux cas d’implosion de clubs ont été mis en lumière ces dernières années. Les Girondins de Bordeaux évoluaient en Ligue 1 jusqu’en 2022 avant d’être rétrogradés en deuxième division. La très mauvaise gestion du club l’a entraîné en 2023 en redressement judiciaire par le tribunal de commerce et a poussé le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) à le reléguer en Nationale 2, soit en quatrième division. Une perte de trois divisions en deux ans seulement, mettant un terme à toute ambition de retour en Ligue 1 pendant des années.
Le cas des Chamois Niortais est encore plus brutal. Finissant dernier de Ligue 2 à la saison 2022/2023, le club des Deux-Sèvres descend en Nationale 1. En 2023/2024, il passe à un point de sa remontée. Néanmoins, les énormes problèmes financiers du club, qui avaient entraîné la perte de son agrément pour son centre de formation en 2023, l’ont conduit à sa relégation en Régionale 3 par la Ligue de Nouvelle-Aquitaine pour la saison en cours, soit en huitième division ! Le club n’est désormais plus professionnel, et son avenir semble presque condamné à un niveau amateur.
Le football français semble donc dans une impasse, faisant face à des difficultés aussi bien conjoncturelles que structurelles. Un risque non négligeable de cercle vicieux entre revenus, attractivité et droits TV prend de l’ampleur chaque semaine. Or, pour l’instant, les portes de sorties semblent étroites. L’on peut toujours espérer que certains clubs obtiennent de bons résultats en coupe d’Europe, ce qui dégagerait enfin des revenus supplémentaires et soutiendrait indirectement l’attractivité du cinquième championnat de l’UEFA.