Vers une guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine
Pour Donald Trump, les droits de douane sont un outil indispensable au redressement économique des États-Unis : ils protègeraient les industries américaines, rééquilibreraient la balance commerciale, et permettraient de financer les dépenses publiques. Ainsi, le président républicain annonce un droit de douane universel sur toutes les importations américaines de 10 %. Dans un contexte de lutte pour l’hégémonie économique, toutes les importations chinoises se verraient taxer à hauteur 60 %, voire 100 % dans certains secteurs stratégiques, comme l’automobile.
Face à cette politique très agressive, la Chine pourrait rester passive, ou au contraire taxer ses importations américaines en représailles. Les deux géants étant des piliers de l’économie mondiale, toutes les chaines de valeur s’en trouveraient bouleversées. Les impacts macroéconomiques sont donc très difficiles à évaluer. Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) tente de se livrer à un tel exercice dans sa dernière lettre.
Vers une nette contraction du commerce international
Les économistes du CEPII s’appuient sur un modèle intégré d’économie internationale nommé MIRAGE, à la fois multisectoriel et multirégional. Son objectif est d’évaluer l’impact global des droits de douane pouvant être mis en place à partir de 2025, en prenant en compte toutes les interactions entre les différents secteurs économiques et les différentes zones du monde.
Le CEPII estime que la politique commerciale de Trump entrainerait une contraction du commerce international de 3,3 %, comparable à ce que l’on a vécu durant la crise sanitaire ! Les échanges entre la Chine et les États-Unis s’effondreraient complètement : 80,5 % de baisse des exportations chinoises vers les US, et 58 % de baisse des exportations américaines vers la Chine. L’empire du milieu, actuellement en situation de surproduction, réorienterait ses exportations vers les autres pôles économiques, et en particulier vers l’Europe et le Japon.
Les États-Unis et la Chine : les grands perdants
Les États-Unis et la Chine sont clairement ceux qui perdent le plus dans cette guerre commerciale. La rupture nette dans leurs échanges désorganise toute la production, et fait monter les prix dans de nombreux secteurs. Au total, si la Chine répond aux mesures de Trump, le CEPII estime une baisse d’environ 1,5 point de PIB d’ici 2030 pour les deux puissances économiques. Un dilemme du prisonnier semble émerger : si la Chine n’est pas assez agressive, alors elle pâtirait plus de la situation que son rival, et vice versa.
Guerre commerciale : un impact très hétérogène selon les pays
L’impact sur les autres pays est très variable. Le grand gagnant se trouve être le Mexique, qui verrait sa croissance enfler de plus de 6 points de PIB d’ici 2030. En effet, les échanges avec le Mexique feraient office de substitut aux échanges avec la Chine. Il est également probable que le Mexique deviendrait une plateforme de transit et de production de dernier maillon : la Chine exporte des biens intermédiaires vers le Mexique, qui les assemble, puis les renvoie aux États-Unis. Le Canada pourrait se trouver dans une situation similaire.
La France se trouve quant à elle peu affectée par cette guerre commerciale, avec une baisse du PIB d’environ 0,1 point de PIB. La seule conséquence importante est la baisse de ses exportations vers la Chine, qui recentrerait une partie de sa production vers sa demande intérieure. L’afflux des importations chinoises aurait des effets ambigus : il pourrait détruire une partie de la capacité productive française, mais ferait baisser clairement les prix. L’Allemagne, l’Inde ou le Japon rencontreraient une situation équivalente.
Finalement, reste à savoir ce que fera l’Union Européenne dans ce conflit : maintiendra-t-elle le libre échange en espérant tirer les bénéfices d’être l’un des seuls débouchés pour les producteurs, où basculera-t-elle, elle aussi, dans un régime protectionniste pour préserver son industrie ?