Traité de libre-échange avec le Mercosur : où en est-on ?

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Le traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur, en discussion depuis 1999, suscite aujourd’hui de vifs débats. Alors que certains y voient une opportunité économique majeure, d’autres s’inquiètent de ses impacts sur l’agriculture européenne, l’environnement et les normes sanitaires.

Mercosur : un accord commercial de grande envergure ?

Le Mercosur (pour « Mercado Común del Sur ») est une zone de libre-échange sud-américaine qui regroupe le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie. L’accord, s’il voyait le jour, constituerait le plus important traité de libre-échange conclu par l’UE : 780 millions de personnes seraient effectivement concernées par le traité, pour des échanges dont la valeur dépasse les 40 milliards d’euros.

Traité de libre-échange avec le Mercosur

Côté européen, ce traité de libre-échange aurait deux vertus principales : offrir de nouveaux débouchés aux entreprises européennes (en particulier dans l’industrie et dans les services) et baisser les prix des denrées alimentaires importées, comme la viande. L’Allemagne espère par exemple exporter plus facilement ses voitures, secteur actuellement en crise et pour l’instant sujet à des droits de douane importants (35%) en Amérique du Sud.

De nombreuses polémiques autour des conséquences de l’accord avec le Mercosur

Des inquiétudes pour l’agriculture européenne

Les agriculteurs européens dénoncent une concurrence déloyale face aux exploitations sud-américaines, souvent plus grandes, soumises à des normes sanitaires et environnementales moins strictes, et bénéficiant de coûts de main-d’œuvre inférieurs. Le secteur agricole européen est depuis déjà plusieurs décennies sous tension, et les importations d’Amérique du Sud constitueraient une difficulté supplémentaire. Si l’accord participait d’une dégradation du secteur primaire européen, alors des questions pressantes de souveraineté se poseraient aux décideurs politiques. Cela étant, les quotas prévus pour les importations de produits animaux paraissent très faibles au regard de la production européenne : 99 000 tonnes de viande bovine (1,6 % de la production de l’UE), 25 000 tonnes de viande porcine (0,1 %) et 180 000 tonnes de volaille (1,4 %). Le choc sur le secteur agricole serait donc minime. Il en est de même pour les autres produits, comme le miel, le riz ou le sucre.

Des normes sanitaires et environnementales en question

Officiellement, l’accord stipule que les producteurs sud-américains devront respecter les normes européennes pour exporter vers l’UE. Néanmoins, l’absence de « clauses miroirs » (une réciprocité des normes de production) rend difficile l’imposition de règles strictement identiques. De plus, contrôler à l’importation le respect des normes sanitaires est complexe. Un audit récent de la Commission européenne a montré que le Brésil ne pouvait par exemple pas garantir que la viande exportée n’avait pas été traitée avec des hormones de croissance interdites en Europe.

Sur le plan environnemental, l’accord pourrait accélérer la déforestation en Amazonie, notamment pour l’extension des pâturages bovins. La commission Ambec, dont le rapport à été remis au Premier ministre français, estime que l’accord entraînerait une augmentation de la déforestation de 5 % par an pendant six ans, ainsi qu’une hausse des émissions de gaz à effet de serre de 5,5 millions de tonnes. Le rapport Ambec conclut que les gains commerciaux pour l’UE seraient minimes, surtout au regard du risque que ces accords feraient peser sur le secteur agricole, la santé et l’environnement.

Quelles modalités pour le vote de l’accord ?

En France, le traité rencontre une opposition quasi unanime. Le Premier ministre Michel Barnier a exprimé à Ursula von der Leyen son refus de l’accord, évoquant « l’impact désastreux qu’il aurait sur des filières entières, notamment de l’agriculture et de l’élevage ». Le président Emmanuel Macron a également déclaré que la France ne signerait pas le traité en l’état. Cependant, l’Hexagone parait bien isolé en Europe, n’étant soutenu que par l’Italie et quelques autres pays plus petits.

La ratification de l’accord est un sujet complexe. Si l’accord contient des dispositions non commerciales, il relèverait ainsi des compétences nationales, et la ratification nécessiterait l’approbation unanime des 27 États membres et de leurs parlements nationaux. La France aurait donc un droit de veto. Si à l’inverse l’accord ne contient que des dispositions commerciales, ou si la Commission européenne le scinde pour isoler la partie commerciale, la grande étape décisionnelle se ferait au Conseil Européen. Pour être adopté, l’accord devrait avoir l’appui d’au moins quinze pays, représentant 65 % de la population européenne. Et dans ces cas-là, il y a tout lieu de penser que la France n’aurait que trop peu de soutiens pour faire pencher la balance en sa faveur.