Le rapport fait cette année un focus sur les conditions d’accès aux prestations sociales des personnes accompagnées y dressant un constat inquiétant au regard des principes de notre protection sociale, puis présente un état de la pauvreté en 2023 décrit par une quinzaine de fiches techniques statistiques (*).
L’accès aux prestations sociales est de plus en plus difficile pour les plus pauvres
Alors que les prestations sociales représentent 82 % des ressources perçues en 2023 par les ménages accueillis par le Secours Catholique, l’évolution de ces prestations sur 10 ans montre une baisse à la fois pour les allocations familiales, le revenu social d’activité, l’allocation personnalisée au logement, ainsi que les indemnités chômage. Seules sont en hausse les prestations liées à l’âge, le handicap et la santé (pensions de retraite et de réversion, indemnités journalières, pensions d’invalidité, allocation de solidarité aux personnes âgées – ASPA – et allocation adulte handicapé).
Une part croissante des ménages n’ont même pas ou plus droit aux prestations : c’est le cas pour les ménages étrangers sans titre de séjour, ce qui accroit la part des ménages vivant sans ressources financières (25,4 % en 2023 contre 15,5 % en 2013). Ce recul dans l’accès à certains droits, parmi les ménages rencontrés est, selon le Secours catholique, le résultat du durcissement des critères d’éligibilité aux APL, au RSA et aux allocations chômage.
Selon le rapport, pour « l’ensemble des chômeurs rencontrés (indemnisés ou non), leur niveau de vie déjà très faible est en recul à 655 euros par mois en 2023, contre 685 euros en 2018 ».
Aides sociales : le « non-recours » en hausse
Les non-recours aux droits sont aussi en hausse : c’est le cas du RSA dont le non-recours a augmenté de 10 points en treize ans (36 % en 2023 contre 26 % en 2010) alors que la totalité des non-recourants vivent sous le seuil d’extrême pauvreté, affectant principalement les hommes seuls et les pères isolés ainsi que les moins de 40 ans. C’est aussi le cas des allocations familiales : en 2023, 24 % des ménages français éligibles rencontrés ne les percevaient pas, contre 15 % en 2010 (et 42 % chez les ménages étrangers éligibles).
L’éloignement des services publics et la déshumanisation des démarches
L’accès aux droits pour les plus vulnérables est aussi plus difficile pour des raisons géographiques : du fait de la réduction des effectifs et de la concentration des services publics, les guichets des CAF et de France Travail se sont éloignés, surtout en zone rurale, pénalisant ainsi ceux et celles pour qui ces droits sont les plus nécessaires.
Cet éloignement a des vives conséquences pour les ménages les plus vulnérables : la transformation numérique des démarches administratives contribue à la mise à distance des usagers, et à la réduction du rôle de l’administration au traitement de dossier, au versement de la prestation et aux contrôles. Mais la relation personnalisée, le conseil et l’orientation ont globalement disparu. L’accès aux droits est devenu « un parcours du combattant, complexe, semé d’embuches, et aléatoire », l’absence d’ordinateur compliquant la consultation de ses droits, la vérification de son éligibilité, etc…
« Cet écran interposé entre l’administration et les usagers n’est qu’une des facettes de l’éloignement de la solidarité vécu par les personnes fragilisées par la vie. À chaque fermeture de services publics, les distances s’allongent pour accéder à un lieu d’accueil », Didier Duriez, président du Secours Catholique
La pauvreté s’est aggravée en 2023
Le niveau de vie des personnes pauvres s’est dégradé
En 2023, le niveau de vie médian des ménages rencontrés était de 555 euros par mois, soit une baisse de 19 euros par rapport à 2022. 95 % de ces ménages vivent sous le seuil de pauvreté, et 74 %, sous le seuil d’extrême pauvreté. 25,4 % des ménages rencontrés survivent « grâce à la débrouille et au soutien de ceux qui ont la capacité de les aider ». Les premières victimes de la pauvreté sont les femmes (56,7 % des personnes rencontrées en 2023). Les mères isolées sont le type de ménage le plus vulnérable à la pauvreté.
Les demandes portant principalement pour l’aide alimentaire (46 %). 46,1 % des ménages sont en situation d’impayé : ce sont principalement des familles monoparentales, de nationalité française (78 %), vivant en logement stable. Pour 35 % des ménages, l’accès à un logement stable est impossible (+ 2 points par rapport à 2022 en moyenne pour l’ensemble des ménages).
Plus de la moitié des ménages étrangers rencontrés sont sans ressources et ils représentent 52 % des ménages rencontrés alors qu’ils représentent 7,8 % de la population générale. La pauvreté monétaire est très concentrée en Île-de-France, où les étrangers représentent 80 % des ménages rencontrés, contre 33,6 % dans les Hauts-de-France.
Le taux « d’inactivité » atteint 51 % des publics rencontrés, contre 24 % pour la population générale. Parmi les actifs rencontrés, 25 % sont en emploi (+ 4 points par rapport à 2020) et 24 % sont au chômage (-7 points en un an). Ceux en CDI ont un niveau de vie médian bien inférieur au seuil de pauvreté (1 054 euros contre 1275 euros en 2023).
En conclusion de son Rapport 2024, le Secours catholique formule plusieurs recommandations visant à rendre la société plus solidaire et à garantir l’accès aux prestations sociales :
- garantir un accès physique aux administrations,
- améliorer le dispositif de France Services,
- mettre en vigueur un minimum insaisissable de revenu,
- augmenter les revenus des ménages les plus pauvres,
- mettre en place une véritable politique publique de lutte contre le non – recours, etc…
Seuil de pauvreté : chiffres clés
(*) Enquête réalisée à partir d’un échantillon de 57 240 ménages accompagnés en 2023, sur un total de 216 000 familles avec enfants et 1 060 000 personnes accompagnées en 2023 par 58 500 bénévoles dans près de 2 500 lieux d’accueil.