Qu’est-ce que la loi spéciale ?
Une loi spéciale a été adoptée le 18 décembre 2024, sachant que le vote et la promulgation de la loi de finances et de la loi pour le financement de la Sécurité sociale, seraient impossibles avant le 31 décembre.
La démission du Premier ministre, Michel Barnier, et de son gouvernement, début décembre 2024, après adoption d’une motion de censure par l’Assemblée nationale , ne permet pas l’adoption de ces deux textes avant le 31 décembre 2024.
La loi spéciale est une procédure législative exceptionnelle, prévue par la Constitution (article 47) et la loi organique n°2001-692 relative aux lois de finances (article 45). Elle vise à garantir le financement des dépenses publiques et la continuité du fonctionnement des services publics, à partir du 1er janvier et jusqu’à adoption de la loi de finances et de la loi pour le financement de la Sécurité sociale pour 2025.
Trois articles sont inscrits au projet de loi spéciale
Le projet de loi spéciale contient 3 articles, pour l’organisation temporaire des finances publiques.
L’article 1 autorise l’État à percevoir les impôts existants, pour garantir les ressources de l’État, des collectivités territoriales et des organismes publics.
Les articles 2 et 3 autorisent l’État et différents organismes de Sécurité sociale à emprunter pour couvrir les besoins de trésorerie nécessaires pour assurer la continuité des services.
La loi spéciale doit être promulguée avant le 31 décembre 2024
Le projet de loi spéciale a été présenté et adopté en Conseil des ministres le 11 décembre. Le texte de la loi spéciale a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 16 décembre. Il a été discuté en séance publique au Sénat le 18 décembre. La procédure accélérée a été engagée, limitant la navette parlementaire à une seule lecture par chambre. La loi spéciale vient d’être adoptée par les deux chambres parlementaires et va être promulguée avant le 31 décembre 2024.
Cette loi spéciale devra être complétée par la publication d’un décret pour ouvrir les crédits nécessaires pour commencer l’année 2025, dans la limite de ce que prévoyait la loi de finances pour 2024.
La loi spéciale a un caractère provisoire. Le projet de loi de finances pour 2025, et celui pour le financement de la Sécurité sociale pour 2025, seront discutés au cours du 1er trimestre 2025.
Qu’est-ce qu’implique la loi spéciale pour les finances publiques ?
Le vote par le parlement de la loi spéciale permet à l’État de fonctionner a minima à partir du 1er janvier 2025 en l’absence d’un budget. Le shutdown tant redouté n’arrivera pas, les fonctionnaires seront payés, l’impôt sera prélevé et les retraites seront versées. Pour autant, les déboires budgétaires ne sont pas terminés. La loi prévoit simplement de laisser les ministères faire les dépenses absolument nécessaires, mais proscrit tout nouvel investissement ou même le remplacement/recrutement de nouveaux fonctionnaires. Il en va de même pour les subventions aux entreprises et aux associations, qui sont suspendues. Est aussi inclus dans la loi spéciale le fonctionnement de la Sécurité sociale via la reconduction du budget de 2024 : les soins continueront donc d’être remboursés.
Il vaudrait cependant mieux que le nouveau gouvernement et les parlementaires trouvent rapidement un accord, car la loi spéciale aurait des conséquences négatives à plusieurs niveaux si elle venait à s’appliquer plusieurs mois.
Des conséquences sur l’impôt sur le revenu
La première viendrait de l’impôt sur le revenu ; sans budget, les barèmes restent fixes. Or, en un an, les salaires ont globalement augmenté pour prendre en compte l’inflation. De nombreux contribuables pourraient donc se retrouver à payer plus d’impôts, voire à le payer pour la première fois ! Selon le ministre démissionnaire du Budget Laurent Saint-Martin, 380 000 nouveaux foyers risquent de devenir imposables.
Les retraites passent au travers
Les retraites ne sont pas incluses dans la loi spéciale ; par voie de conséquence, elles suivront la règle du code de la Sécurité sociale, c’est-à-dire une indexation au 1er janvier. Elles vont donc augmenter de 2,2 %, alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un gel des retraites au premier semestre 2025.
Risque d’une plus grande dégradation des comptes publics
Le principal risque, à terme, est de voir le déficit de la France se dégrader encore. Il pourrait atteindre 7 % du PIB, contre les 5 % cibles du gouvernement Barnier. En clair, sans mesures concrètes sur les dépenses ou les recettes de l’État, la situation économique de la France continuera de se détériorer. Après une nouvelle dégradation de la note de la France par Moody’s au niveau Aa3, les perspectives économiques et budgétaires françaises continuent de tourbillonner dans une spirale négative.
Il faut tout de même nuancer ce chiffre de 7 %, comme dit précédemment, avec la loi spéciale, les contribuables vont très probablement payer plus d’impôt sur le revenu, augmentant les recettes de l’État. D’autres effets compensatoires existent et pourraient éviter un aggravement du déficit public.