Quel était l’objectif et le fonctionnement de ce programme ?
Ce programme, démarré en 2015, répondait à une situation économique européenne inédite. La zone euro était alors au bord du gouffre, ayant été confrontée à la crise des subprimes puis à la crise des dettes souveraines. L’économie mondiale, et celle du Vieux Continent en particulier, était alors au bord de la déflation : une baisse des prix pouvant aggraver la crise économique.
La BCE, qui a pour objectif de maintenir une inflation faible de 2 % environ, avait alors abaissé les taux d’intérêt à des territoires inédits, autour de 0 %. Cette politique n’ayant pas eu l’effet escompté, Mario Draghi avait alors décidé de mettre en œuvre une politique monétaire considérée comme non conventionnelle : le quantitative easing (QE, ou assouplissement quantitatif en français). Il s’agit simplement d’opérations de rachat des dettes d’États européens sur les marchés financiers, afin d’abaisser les taux d’intérêt et de relancer la croissance. Le QE a fait l’objet de nombreux débats à l’époque : il a notamment été décrié par certains pays comme l’Allemagne, qui craignait une perte d’indépendance de la BCE. Il s’est néanmoins poursuivi jusqu’en 2025, car nécessaire pour lutter contre la crise sanitaire au début de la décennie. Pendant la crise du Covid, la BCE était devenue le premier acquéreur d’obligations en Europe. Elle détenait alors plus de 5 000 milliards d’euros d’obligations, presque la moitié de la dette européenne à l’époque !
Pourquoi un arrêt du programme ?
Tout d’abord parce que la conjoncture économique s’est retournée : la période post-covid est marquée par un regain fort de l’inflation. La BCE, comme d’autres banques centrales dans le monde, rentre depuis dans une logique de réduction de la taille de son bilan : c’est le quantitative tightening (resserrement quantitatif en français). En somme, la banque centrale laisse à nouveau sa place aux marchés privés, car elle estime que les dangers aux racines du QE ne sont plus d’actualité.
Reste à savoir si le régime d’inflation est véritablement revenu “à la normale”, et si l’Europe ne risque pas de rentrer une fois de plus dans un piège déflationniste comme dans les années 2010.
Conséquences sur le marché des obligations
L’arrêt de ce programme contribue indirectement à la hausse des taux d’intérêt et fait peser un poids supplémentaire sur les finances des pays très déficitaires. En effet, les États vont devoir trouver de nouveaux acteurs à qui vendre leurs obligations. Or, compte tenu de la situation budgétaire tendue d’un certain nombre de pays, ces acteurs privés pourraient se montrer frileux et demander des taux plus élevés. La France rentre dans ce cas de figure : elle ne peut pas se passer d’émettre des obligations, et si son budget 2025 ne convient pas aux marchés, elle risque d’être sanctionnée par une hausse de ses taux souverains.
Interpréter le quantitative tightening comme un retour au mode de fonctionnement d’avant 2015 est sans doute une erreur. Les banques centrales font pour la première fois l’expérience d’un tel dégonflement de leur bilan. Surtout, le monde change : l’économie et la finance ne sont pas des objets figés dans le temps. Une décision aujourd’hui, par la banque centrale ou un autre acteur, n’aura ainsi pas nécessairement les mêmes conséquences que cette même décision aurait eue auparavant. Il convient donc, pour la BCE, d’être méticuleuse dans l’implémentation de son resserrement monétaire.