Quels enjeux économiques de la transition écologique ?

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La Direction générale du Trésor (DGT) a récemment publié un rapport exhaustif sur les enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone en France. Celui-ci analyse les différents défis économiques de cette transformation, et montre que si la transition bas-carbone entraîne des coûts à court terme, l’inaction climatique entraînerait des conséquences beaucoup plus graves pour les prochaines décennies.

Maîtriser les émissions de gaz à effet de serre

La DGT rappelle l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter des impacts économiques et environnementaux désastreux. Ainsi, la France cible une réduction de 50 % de ses émissions brutes d’ici 2030 par rapport à 1990, en ligne avec la stratégie nationale bas-carbone. Selon les dernières prévisions, en ne mobilisant que les mesures existantes, la France n’atteindrait malheureusement pas cet objectif.

Le rapport met en garde contre les conséquences d’un réchauffement climatique non contrôlé. En effet, selon les derniers scénarios du NGFS (Réseau pour le verdissement du système financier), l’inaction climatique entrainerait une baisse du PIB mondial de 15 points à horizon 2050 et jusqu’à 30 points en 2100, en raison des effets chroniques du changement climatique sur la productivité, la santé et les infrastructures. Autrement dit, en moyenne, les ménages auraient environ 30 % de pouvoir d’achat en moins (en France, cette perte serait d’environ 22 %). Une transition ambitieuse et coordonnée aurait donc, à terme, des effets économiques bénéfiques.

Trois leviers d’action de l’État

L’État dispose de trois principaux instruments pour favoriser la décarbonation. Le rapport propose plusieurs scénarios, mobilisant l’un ou plusieurs de ces leviers pour assurer la transition écologique.

La fiscalité

La tarification du carbone est un outil clé pour réduire les émissions. En imposant un « prix du carbone », l’État incite toutes les entreprises à évoluer pour polluer moins. Une entreprise particulièrement vertueuse peut même revendre ses droits de pollution et engranger un joli bénéfice.

En France, 71 % des émissions sont déjà couvertes par une tarification effective (mélange de taxes et de systèmes de quotas), mais à un niveau encore insuffisant pour atteindre les objectifs de 2030 et de 2050. Le rapport met en avant l’importance d’une tarification homogène et efficace pour envoyer un signal prix clair aux entreprises et aux ménages.

Toutefois, le coût d’une fiscalité carbone élevée peut être régressif, pesant davantage sur les ménages modestes et certains secteurs économiques sensibles (agriculture, transport routier). L’utilisation de taxes et de quotas doit donc être faite avec beaucoup de précaution.

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Les subventions

Elles permettent d’encourager les investissements bas-carbone en compensant les surcoûts liés à la transition énergétique. Le rapport souligne l’efficacité des aides à la transition, comme MaPrimeRénov’ pour la rénovation énergétique ou les soutiens à la mobilité électrique.

Tout l’enjeu est d’assurer leur efficacité en évitant les « effets d’aubaine » (subventions attribuées à des investissements qui auraient été réalisés de toute façon) et en garantissant une répartition équitable des aides. Réussir ce pari de subventions efficaces et justes, tout en évitant la création de machines à gaz incompréhensibles pour la majorité des acteurs, ne sera pas sans difficultés.

Les subventions ont comme plus clair désavantage d’être très couteuses pour l’État. En 2024, les dépenses publiques liées aux subventions écologiques étaient estimées à environ 40 milliards d’euros. Dans un scénario où l’État n’assurerait la transition écologique qu’avec des subventions, la dette publique augmenterait d’environ 60 points de PIB !

La réglementation

Les normes environnementales jouent un rôle central dans la décarbonation. L’interdiction progressive des véhicules thermiques, les obligations de performance énergétique dans le bâtiment ou les exigences pour les industries lourdes sont autant de leviers réglementaires décisifs. Cependant, la DGT souligne que la réglementation peut entraîner des coûts d’adaptation élevés pour les entreprises, en particulier pour les secteurs fortement émissifs, et peut donc difficilement constituer le seul pilier de la transition.

La coopération internationale pour la transition écologique

La transition écologique doit être abordée dans un cadre global : les efforts d’un pays ou d’une zone seule n’ont qu’un impact marginal. À problème mondial, solution mondiale, donc.

Bien entendu, cette coordination rentre en collision avec la compétition internationale, en particulier pour l’hégémonie économique. La sortie récente des États-Unis des Accords de Paris en est la dernière manifestation.

L’un des piliers de la coordination vise à limiter les « fuites de carbone », c’est-à-dire le déplacement d’activités polluantes vers des pays où les réglementations sont plus souples. Le rapport met également en avant le rôle des financements internationaux, notamment via les fonds climat, qui soutiennent les efforts de décarbonation dans les pays en développement. En outre, les différences de tarification carbone entre pays posent un risque de concurrence déloyale et de délocalisations industrielles.

Le rapport préconise un renforcement des accords internationaux pour harmoniser les politiques climatiques et éviter les distorsions économiques. La mise en place de mécanismes d’ajustement carbone aux frontières est également identifiée comme un outil clé pour garantir une concurrence équitable tout en incitant les partenaires commerciaux à adopter des mesures similaires.

La France joue un rôle actif dans les négociations climatiques internationales et contribue aux initiatives de soutien aux pays les plus vulnérables face au changement climatique. Cependant, parfois, des conflits entre différentes priorités (soutenabilité de la dette publique, compétitivité des entreprises…) se révèlent au grand jour.

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S’adapter en plus d’atténuer le réchauffement climatique

Certes, la France se doit de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le changement climatique. Cependant, il est également nécessaire de s’adapter face aux effets du changement climatique, qui sont inéducables, transition ou non. Le rapport préconise plusieurs approches :

  • Mesures « sans regrets » : actions qui présentent des bénéfices immédiats, qui seront utile qu’importe l’intensité du changement climatique. L’amélioration de l’efficacité des usages de l’eau et le financement de protections contre les inondations rentrent par exemple dans cette catégorie.
  • Initier des actions de long terme : par exemple, le réaménagement de certains territoires littoraux exposés au recul du trait de côte.
  • Intégration du climat dans les décisions publiques : les infrastructures et politiques publiques doivent prendre en compte les nouveaux risques climatiques, en particulier pour les projets de long-terme. En effet, financer des infrastructures qui ne seront pas adaptés au climat dans 30 ans n’a sans doute pas grand intérêt.

Le rapport de la DG Trésor met en évidence l’ampleur du chantier que représente la transition écologique en France. Si cette transition entraîne des coûts et des transformations profondes, elle constitue également une opportunité pour renforcer la souveraineté énergétique, améliorer la qualité de vie et préparer l’économie aux défis de demain.

Quelles dépenses publiques pour préserver les générations futures ?  

Chaque année, La finance pour tous organise un Grand Prix qui récompense les meilleures productions étudiantes sur un thème économique ou financier. En 2025, le thème est : « Quelles dépenses publiques pour préserver les générations futures ?   ».

Ce rapport de la Direction Générale du Trésor sur les enjeux économiques de la transition écologique résonne particulièrement bien avec les problématiques soulevées dans le Grand Prix.