Mobiliser l’épargne pour financer l’industrie de défense

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La hausse des tensions géopolitiques des dernières années, et en particulier la guerre en Ukraine, implique des investissements considérables dans la défense à l’échelle européenne. Le parlement allemand a définitivement approuvé, ce vendredi 21 mars, un programme de nouvelles dépenses militaires à hauteur de plusieurs centaines de milliards d’euros. Tous les pays européens, dont la France, réfléchissent sur le financement de tels investissements : impôts, emprunts publics, mobilisation de l’épargne privée… Tour d’horizon sur les dernières annonces des autorités françaises.

Hausse des dépenses militaires

Le président Emmanuel Macron, ainsi que le ministre de la Défense Sébastien Lecornu, ont à plusieurs occasions défendu une hausse des dépenses militaires pour les prochaines années. Entre 2024 et 2030, les dépenses militaires sont pour l’instant prévues à 413 milliards d’euros, une hausse de 40 % par rapport à la précédente loi de programmation. De quoi atteindre l’objectif de 2 % de PIB de dépenses militaires, fixé en 2014 au sommet de l’OTAN.

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A ce jour, la présidence a annoncé que ces dépenses ne seraient pas financées par une hausse d’impôts. Reste donc deux solutions : des coupes dans d’autres dépenses, par exemple sociales (retraites, santé…), ou l’emprunt, ce qui augmenterait encore la dette publique, qui est depuis l’année dernière en tension. L’État français emprunte actuellement à environ 3,5 % pour les obligations sur 10 ans. Cette volonté politique enthousiasme donc autant qu’elle interroge.

Un nouveau fonds pour les PME de la défense

En plus de dépenses publiques pour engranger des commandes, les autorités planchent sur un certain nombre de dispositifs pour faciliter le financement de l’industrie de défense (en fonds propres et en dette). Mercredi 20 mars, Bpifrance a annoncé le lancement d’un produit d’épargne pour les particuliers, dédié au financement de l’industrie.

Porté par Bpifrance, le fonds « Bpifrance Défense » vise à collecter 450 millions d’euros, à destination des startups, des PME et des ETI françaises et européennes non cotées, afin d’assurer leur développement et leur croissance. Les particuliers peuvent y investir à partir de 500 euros, avec un engagement minimal de cinq ans. Aucun plafond n’a été officiellement fixé pour l’instant, mais les montants individuels devraient rester limités à quelques milliers d’euros dans un premier temps.

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« L’État ne fera jamais main basse sur l’épargne des Français. L’idée est de multiplier les opportunités d’investir pour ceux qui le souhaitent uniquement. » Éric Lombard, ministre de l’Économie et des Finances.

Ce dispositif est destiné avant tout à une épargne de moyen et de long terme. Ce n’est donc pas un placement de précaution qui aurait pour ambition de se substituer à des produits de court terme comme le livret A. Éric Lombard, ministre de l’Économie et des Finances, souligne que «  la rentabilité sur longue période est toujours plus élevée ». En outre, il qualifie le fonds de « très sûr », car assuré de profiter de la hausse du budget de la Défense dans les prochaines années. Pour autant, l’épargne investie dans ce fonds ne serait pas garantie : un risque de perte existe donc pour le particulier.

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Défense : une coopération privé-public

Le fonds Bpifrance Défense s’inscrit en fait dans une stratégie plus large visant à renforcer la Base industrielle et technologique de défense (BITD), considérée comme essentielle pour l’autonomie stratégique française. Parallèlement, Bpifrance renforce le Fonds Innovation Défense (FID), lancé en 2021 avec l’Agence de l’innovation de défense (AID). A l’aide de capitaux privés (Allianz et MBDA) et publics, il atteindrait un volume d’environ 300 millions d’euros.

L’Autorité des marchés financiers (AMF) joue également un rôle clé dans cette dynamique de réorientation de l’épargne. Les sociétés de gestion souhaitant créer des fonds dédiés à la BITD bénéficieront désormais d’un traitement accéléré pour l’agrément de leurs produits, ainsi que d’un accompagnement renforcé. De nouveaux ETF (des fonds privés négociés en Bourse) thématiques axés sur la défense voient le jour, permettant aux investisseurs de diversifier leurs placements tout en soutenant le secteur. Depuis quelques mois, l’écosystème de la défense européenne jouit d’un véritable engouement sur les marchés financiers : à titre d’exemple, l’action Safran a grimpé de 18 % depuis le 1er janvier, tandis que l’action Thales a explosé de presque 80 %. C’est donc tout un train à prendre en marche pour les gestionnaires d’actifs qui tentent de répondre à cette nouvelle demande.

L’État pourrait-il saisir l’épargne des Français ?

Un point important doit être clarifié : les différents instruments de financement, géré par des acteurs privés ou publics, sont basés sur du volontariat. Rien n’oblige un épargnant à investir une partie de sa richesse pour financier l’industrie de défense française ou européenne.

D’une manière générale, le droit français protège les droits de propriété et l’épargne.
« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » (article 17, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789). Les Codes civil et pénal interdisent toute saisie de biens privés – dont l’épargne – hors d’un cadre légal (saisies) et définissent et sanctionnent le vol, l’extorsion, la spoliation de ces biens.