Zone euro : les limites du pacte de stabilité
Contraintes faibles et absence de solidarité
L’intégration monétaire de la zone Euro a été construite en mettant en place une monnaie unique avec une Banque centrale indépendante et une politique monétaire mais sans s’occuper véritablement des politiques économiques et en particulier des politiques budgétaires. On a mis en place le pacte de stabilité constitué par des règles s’appliquant aux politiques budgétaires nationales : la règle des 3 % du PIB de déficit maximum et l’idée qu’il fallait tendre vers un équilibre budgétaire et vers une réduction des dettes publiques. Mais ni la taille ni les règles du budget européen n’ont été modifiées.
Le pacte de stabilité a été violé presque dès le début à commencer par l’Allemagne et la France en 2003. Avec la crise, il est devenu totalement inopérant. Dans un cas d’urgence comme celui-ci, tous les gouvernements sont obligés de laisser filer les déficits budgétaires. On se retrouve dans la situation absurde dans laquelle au-delà même de la zone Euro stricto sensu 20 pays sur les 27 membres de l’Union Européenne sont en infraction vis-à-vis du pacte de stabilité.
L’épineux problème des divergences
Dans une zone monétaire telle que la zone Euro, l’existence de changes irrévocablement fixes rend indispensable l’existence de mécanismes d’ajustement en cas de divergences dans l’évolution de la situation économique des différents pays membres ou en cas de choc économique frappant certains plus que d’autres.
La mobilité de la main d’œuvre et l’existence d’un budget fédéral d’une taille suffisante constituent des mécanismes d’ajustement en cas de problème qui existent dans les unions monétaires plus « matures » comme aux États-Unis où ils ont été mis en place depuis la grande dépression des années 1930. Mais ils n’avaient pas été considérés comme nécessaires pour la zone Euro.
Les plus touchés sont les bons élèves
Le pacte de stabilité a incité les autorités politiques nationales et européennes aussi bien que les marchés financiers à porter une attention exclusive au déficit budgétaire des États et à l’endettement public. Des questions aussi importantes que celle des compétitivités relatives des économies nationales ou celle des endettements privés ont été ignorées.
Dans les pays qui ont été considérés comme les bons élèves de la zone Euro, les plus respectueux des règles du pacte de stabilité comme l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et même la Grèce dans une certaine mesure, toutes sortes de déséquilibres se sont développés notamment un endettement privé lié aux bulles immobilières et des problèmes de compétitivité relative du fait notamment d’une inflation salariale plus forte que la moyenne.
Aujourd’hui ces pays sont plus durement touchés que les autres. La dégradation des finances publiques est plus brutale. Ils se retrouvent dans une quasi-impossibilité de pouvoir mettre en œuvre, à un horizon raisonnable, les ajustements nécessaires pour corriger des déséquilibres accentués depuis une dizaine d’années.
Les conséquences des politiques d’austérité
Pour calmer la spéculation, d’abord la Grèce puis l’Espagne, le Portugal et maintenant tous les gouvernements européens ont décidé de mettre en place des politiques de restrictions budgétaires, dans certains cas à marche forcée.
Effets contradictoires
Avant même la mise en œuvre de ces programmes, la zone Euro est la région du monde qui connaît la croissance la plus faible et qui a les perspectives de croissance les plus basses.
Dans ce contexte, les politiques de resserrement budgétaire risquent fort d’entraîner moins de croissance mais pas moins de déficit budgétaire, car la contraction de la demande et de l’activité va réduire les recettes fiscales. C’est l’impasse : pour essayer de rassurer les marchés, les gouvernements prennent des mesures insuffisantes voire inopérantes pour atteindre les ajustements recherchés. Grâce à la baisse de l’Euro ?
Que valent les espoirs mis par beaucoup dans la baisse de l’Euro ? Les ajustements budgétaires réussis de la Suède, du Canada dans les années 1990 ou ceux du Royaume Uni et de l’Italie après la crise du Système Monétaire Européen en 1993 sont souvent évoqués.
Effectivement, dans tous ces cas, la dépréciation de la monnaie a fait gagner en compétitivité et a permis de compenser la diminution de la demande intérieure par un renforcement de la demande extérieure. Mais la situation actuelle de l’Euro est très différente.
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Le taux de change actuel de 1,22 $ pour 1€ est encore au-dessus de la moyenne des taux de change €/$ depuis la création de l’euro qui est de 1,18$ pour 1€.
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Il y a un problème de compatibilité entre les politiques de change des grandes régions du monde. Les Américains ne voient pas d’un bon œil la dépréciation de l’euro car eux-mêmes comptent sur leur commerce extérieur pour combler leur déficit commercial et accélérer leur croissance.
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La zone Euro est très peu ouverte commercialement. L’impact d’une dépréciation même forte de l’euro sur la demande restera faible.
Quelles voies emprunter ?
Il n’existe pas de solution simple. Mais selon Jacques Le Cacheux d’autres manières « un peu moins absurdes » de mettre en œuvre les ajustements nécessaires pourraient être envisagées.
Fédéralisme budgétaire
Il s’agirait justement de profiter du fait que la zone euro est très intégrée avec un grand marché intérieur et relativement peu ouverte et de s’appuyer sur ce marché intérieur.
Si l’on veut réussir les ajustements budgétaires, il faut agir de façon proactive et mettre en œuvre une véritable stratégie de croissance coordonnée. Il ne s’agit pas de se contenter de soutenir la demande comme on l’a fait dans l’urgence depuis deux ans sans résoudre les problèmes de moyen terme.
Il s’agirait de coordonner les politiques budgétaires et d’avoir une politique budgétaire suffisamment ambitieuse au niveau européen pour impulser dans l’Union européenne toute entière des choix favorables à une croissance potentielle plus forte (infrastructures de transports, politique énergétique commune, politique de lutte contre le changement climatique…).
Coordonner davantage les politiques fiscales
Les politiques fiscales doivent en particulier être davantage coordonnées. Deux points sont particulièrement sensibles
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Il conviendrait d’arrêter le dumping fiscal sur les capitaux et les hauts revenus.
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Des modalités communes de taxation du carbone permettraient de modifier la structure de la fiscalité pour la faire peser davantage sur les ressources naturelles et l’énergie et d’alléger celle qui pèse sur le travail.
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