Invité à participer à une table-ronde sur les marchés financiers à l’ambassade des Pays-Bas le 14 février, Michel Prada, président de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), a livré quelques réflexions sur la crise des « subprimes ».
Première crise liée à la titrisation, cette crise a été rendue possible par les évolutions macroéconomiques des dernières années. La croissance de la liquidité mondiale, qui s’est massivement investie aux États-Unis, a provoqué une baisse des taux d’intérêt et une orientation de l’épargne vers des investissements plus risqués (immobilier, LBO) en vue d’une meilleure rémunération.
Depuis quelques années, on s’attendait à une crise au niveau mondial mais plutôt du côté des hedge funds, alors qu’elle s’est finalement produite du côté des « subprime ».
Pourtant, certains avaient vu venir le problème. Ainsi, deux sous-gouverneurs de la FED, la Banque centrale américaine, avaient, début 2004, indiqué publiquement que les « subprimes » avaient eu un effet positif en permettant à 9 millions de ménages américains démunis de devenir propriétaires de leur logement.
Cependant, ces prêts étaient en train de devenir spéculatifs et tendaient à ne plus remplir leur office. En 2002-2003, l’AMF s’était interrogée sur les risques qui pèseraient sur les investisseurs si les produits dispersés par le biais de la titrisation étaient de mauvaise qualité.
En fait, la crise s’est bien produite, mais elle n’a pas atteint directement les investisseurs mais le secteur bancaire. Les banques qui ont monté les opérations de titrisations, étant liées par des obligations de refinancement ou voulant éviter tout risque de réputation, ont repris les risques à leur compte, atténuant par là même les difficultés pour les gérants d’actifs.
Pour contrer la crise et essayer de faire en sorte qu’elle ne se reproduise pas, les régulateurs (bancaires et boursiers) travaillent ensemble dans le cadre du Forum de Stabilité Financière. Ils réfléchissent à de nouveaux ratios et à de nouvelles règles de transparence, mais cela prendra du temps. Dans le cadre de l’OICV (qui regroupe l’ensemble des régulateurs boursiers), un groupe spécial a été créé qui avance dans 4 directions :
-
améliorer la transparence de l’information sur la nature des produits, la nature des risques et l’information donnée aux investisseurs,
-
faire en sorte que la gestion des risques par les banques et les investisseurs soit mieux maîtrisée,
-
progresser dans la valorisation des produits (être en mesure de donner un prix de marché ou un prix découlant d’un modèle) et les traitements comptables,
-
mieux contrôler les agences de notation, même s’il ne faut pas en faire des boucs émissaires. Le travail a commencé sur les sujets de gouvernance et des principes seront posés en matière de conflits d’intérêts, de contrôle interne, d’informations privilégiées…
En revanche, on n’envisage pas de contrôler le travail des agences de notation sur le fond, c’est-à-dire de se mettre à leur place et de vérifier la notation elle-même, ce qui poserait un problème d’« aléa moral ». La question se pose de savoir si les régulateurs devraient discuter des questions de méthodologie avec les agences et si une telle discussion aurait permis d’éviter la crise. Prenons deux exemples.
L’actualisation des taux de défaut des dernières années : pendant 12 ans, de 1990 à 2002, le montant des subprimes était à peu près constant ; on pouvait facilement calculer le taux de défaut, qui était représentatif. A partir de 2002, les subprimes ont explosé mais le taux de défaut n’a pas été modifié. Les agences de notation n’ont pas vu ce phénomène. Des discussions avec les régulateurs auraient-elles permis de s’en apercevoir ?
Autre exemple, celui de la signification des notations. Une notation AAA ne signifiait pas, disent les agences, qu’il n’y aurait pas de défaut, cela signifiait seulement que la probabilité de non-remboursement à terme serait faible ! Mais ni la volatilité ni le risque de liquidité n’était pris en compte. Nuance subtile que n’ont pas saisie les investisseurs !
article instructif