Les tests de résistance bancaire ont été mis en place par les banques centrales et les autorités en charge de la supervision bancaire à la fin des années 1990. Dès cette époque, les crises bancaires et financières plus fréquentes et notamment la crise asiatique de 1997, avaient mis en évidence le rôle de la détérioration des facteurs macro-économiques (évolution de la consommation et des investissements, récession, taux de chômage, inflation…) dans le déclenchement des crises bancaires.
Ces facteurs n’étaient pas suffisamment pris en compte dans les autres méthodes de régulation et de supervision bancaires (ratios prudentiels, contrôle interne des risques, suivi individuel des établissements financiers par les autorités de supervision comme par les agences de notation).
Les stress tests sont appliqués dans d’autres secteurs (assurance, énergie…) et fréquemment utilisés dans les grandes entreprises en interne, mais les résultats ne sont pas publics.
Qu’est-ce qu’un stress test ?
L’opération de stress test consiste à définir plusieurs scénarios à un horizon d’un ou deux ans qui seront appliqués aux portefeuilles des banques (crédits, placements, dette) afin de mesurer leur évolution.
Un premier scénario dit « de base » ou « central », reprend les principales prévisions macroéconomiques existantes. Les résultats obtenus en appliquant ce scénario sont alors comparés à ceux que génère un autre scénario, dit dégradé ou extrême. Ce dernier table généralement sur un fort ralentissement de la croissance, souvent même une récession, une hausse du chômage, une chute des marchés boursiers, une hausse des crédits non remboursés… Il s’agit d’étudier non seulement les risques pouvant peser sur tel ou tel établissement financier soumis au test mais aussi les risques de contagion pouvant générer une instabilité du système financier : les risques systémiques. Les chocs étudiés doivent être importants mais réalistes. Ils ont une probabilité faible mais non nulle
Les tests sont en général conduits selon une logique « top down », de haut en bas, pour mesurer l’effet de chocs globaux sur l’ensemble du système bancaire et l’effet spécifique sur les grands groupes bancaires. Des analyses « bottom up » (partant du bas) sont aussi menées sur une base individuelle à l’échelle des banques elles-mêmes, et peuvent éventuellement être agrégées par les Autorités de supervision.
Le stress test vise à mesurer notamment l’impact du choc macro-économique sur les volumes et les risques de crédit portés par les banques, sur la valeur de leurs actifs et in fine sur leur ratio de solvabilité.
Un test doit ainsi faire apparaître la capacité des banques à affronter les tempêtes économiques éventuelles, la sous capitalisation éventuelle de certaines d’entre elles et la fragilité éventuelle d’un système bancaire national lorsque une proportion non négligeable d’établissements d’un même pays n’obtient pas des résultats satisfaisants à un test.
Dans ce cas, les banques devront, soit augmenter leurs fonds propres (avec ou sans l’appui des États), soit opérer des restructurations (réductions des engagements de crédits, concentrations…).
Depuis 2009, des stress tests réguliers
Les tests conduits avant la crise des subprimes n’avaient pas décelé la gravité de la crise bancaire qui provenait d’évolutions macro économiques défavorables comme le recul des prix de l’immobilier aux États-Unis. Les tests de résistance n’avaient pas fait mieux que les agences de notation. Après le choc lié à la faillite de la banque Lehmann Brothers en septembre 2008, un test de résistance à grande échelle a été conduit et rendu public en mai 2009 aux États-Unis par le gouvernement et la FED, la Banque centrale américaine.
Un test de résistance a ensuite été réalisé en Europe en 2010 afin d’apaiser les inquiétudes liées à la crise de la dette souveraine grecque et à la santé du système bancaire. Il a étudié la capacité de résistance de 91 grandes banques européennes à deux scénarios négatifs. Mais ce test a été critiqué pour son indulgence. Il n’a pas apporté plus d’information que les notes attribuées par les agences de notation financière.
En 2011 et 2013, les grands établissements financiers européens et américains ont été soumis à un nouveau test avec des résultats plus satisfaisants en moyenne, exception faite, en Europe, de certaines banques, notamment espagnoles et grecques.
En 2014, la BCE teste à nouveau les banques européennes
Dans le cadre de la préparation à la mise en place de l’Union bancaire européenne, la BCE a procédé entre mars et octobre 2014 à une revue de la qualité des actifs ainsi qu’à un test de résistance des quelque 128 plus grandes banques européennes qui passeront sous sa supervision directe à partir du 4 novembre 2014.
L’objectif de cet exercice, qui portait sur la situation de ces établissements de crédit au 31 décembre 2013, était de procéder à un examen détaillé commun à l’ensemble des banques visées de façon à s’assurer qu’aucune d’entre elles ne recelait d’actifs de mauvaise qualité qui auraient pu être dissimulés et qu’au cas où la situation économique dans la zone euro se dégradait fortement, leurs fonds propres seraient suffisants pour leur permettre d’absorber les pertes qui en résulteraient.
Les superviseurs ont ainsi vérifié que les banques parviendraient à maintenir un niveau de fonds propres durs minimum de 5,5 % du montant de leurs risques pondérés en cas de crise économique.
Les banques ont été testées sur l’hypothèse de deux années de récession dans l’Union européenne (– 0,7 % en 2014 et – 1,5 % en 2015) suivies d’une année de stagnation (+ 0,1 %). Dans cette vision pessimiste, le taux de chômage atteindrait 13 % en 2016, contre 10,1 % dans le scénario dit « de base ». Les prix de l’immobilier décrocheraient en moyenne de 21,2 % sur le Vieux Continent. L’Europe se trouverait en 2016 aux portes de la déflation, avec un indice des prix passant de + 1,1 % en 2014 à 0 % deux ans plus tard. Dans ce scénario « noir », les banques feraient face à une hausse des taux obligataires souverains et privés, qui les obligeraient à passer de lourdes provisions pour dépréciation d’actifs financiers, ainsi qu’à une forte détérioration de la qualité du crédit, et une hausse des coûts de refinancement.
Les résultats des stress tests ont révélé que 25 des 128 établissements de crédit européens n’avaient pas le niveau de fonds propres suffisant pour répondre aux exigences fixées. Les banques italiennes se sont particulièrement distinguées lors des stress tests : sur les 25 ayant échoué, 9 étaient italiennes.
Avec un ratio de fonds propres « durs » de 11,5 % à fin 2013 dans le cadre du scénario « de base » et de 9 % dans celui du scénario « noir », les banques françaises ont quant à elles réalisé un sans faute presque parfait. Seule la Caisse de Refinancement de l’Habitat, établissement de crédit refinançant des prêts bancaires au logement, affichait un manque de fonds propres de 124 millions d’euro. Mais, ayant procédé en 2014 à une augmentation de capital de 250 millions d’euros, elle respecte désormais la norme exigée.
L’historique des Stress test depuis la crise des subprimes
Stress test en 2009, aux États-Unis
Juste après la crise des subprimes, un premier stress test a été opéré aux États-Unis en 2009 Sur les 19 banques les plus importantes qui ont été soumises au test, 9 sont apparues suffisamment capitalisées. Les autorités ont exigé des 10 autres de se recapitaliser à hauteur de 75 milliards de dollars pour l’ensemble d’entre elles.
Des critiques ont été portées notamment sur l’insuffisante sévérité des hypothèses et des enchaînements retenus dans le scénario « catastrophe ». Les grandes banques américaines testées ont pu, dans une certaine mesure, négocier leurs résultats avec les autorités. L’exercice et la transparence donnée à ces résultats ont cependant eu des effets positifs. Ils ont aidé à dissiper la méfiance généralisée des banques sur leur état de santé et à redonner vie au marché interbancaire des prêts indispensable au fonctionnement normal d’un système bancaire.
Stress test en 2010, en Europe
Un test de résistance a été réalisé en Europe en 2010 afin d’apaiser les inquiétudes liées à la crise de la dette souveraine grecque et à la santé du système bancaire. Il a étudié la capacité de résistance de 91 grandes banques européennes à deux scénarios négatifs. L’un correspondant à une détérioration de l’économie pendant deux années consécutives, et l’autre incluant en plus un choc sur une dette souveraine.
Quatre banques françaises ont été testées : BNP Paribas, Crédit agricole, BPCE et Société Générale. Les résultats ont été publiés en juillet 2010. Ils étaient positifs pour les banques françaises testées.
Au niveau européen, sept établissements se sont révélés défaillants et trois n’ont supporté les chocs que de justesse. Mais ce test a été critiqué pour son indulgence. Il n’a pas apporté plus d’information que les notes attribuées par les agences de notation financière, puisque la faiblesse des sept banques ayant échoué au stress test était connue. De plus, aucune de ces banques n’était cotée en Bourse. Ce résultat ne concernait pas les investisseurs et n’a donc pas eu l’effet rassurant escompté.
En outre, en juillet 2010, plusieurs banques ayant passé les tests avec succès ont ensuite connu de graves difficultés, notamment les banques irlandaises qui ont dû être recapitalisées en catastrophe par l’État, faisant passer le déficit public irlandais de 14 % du PIB en 2009 à 32 % en 2010 et entraînant un rebond de la crise de la dette souveraine dans la zone Euro.
En 2011, un nouveau stress test européen
Malgré les résultats décevants des stress tests de 2010, les dirigeants européens se sont mis d’accord pour opérer en 2011 une nouvelle série de tests de résistance bancaire sous le contrôle de la nouvelle Autorité Bancaire Européenne (ABE) en place depuis le 1er janvier 2011.
Pour restaurer leur crédibilité et leur utilité, l’ABE en a durci les conditions. Le test a été fondé sur des hypothèses plus pessimistes quant à la conjoncture économique.
Les hypothèses retenues
Le scénario de crise prévoyait une baisse de 0,4 % du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro pour 2011 et 0 % en 2012, une chute de 15 % des Bourses européennes, un taux de chômage moyen supérieur à 10 %. Des ratios de solvabilité plus stricts étaient exigés. Les banques ont également dû détailler, pour la première fois, leur exposition au risque dit « souverain », c’est-à-dire les montants de dette publique de pays en difficulté qu’elles ont accumulés. Une information d’importance majeure pour les investisseurs. En revanche, les régulateurs ont refusé de tester l’hypothèse de défaillance d’un État souverain, estimant que cette hypothèse n’était pas plausible.
Résultat : Les quatre principales banques françaises (BNPP, Société Générale, BPCE et Crédit Agricole) ont passé l’examen avec succès.
En revanche, 8 banques européennes ont échoué. Il s’agit de cinq banques espagnoles, de deux banques grecques et d’une banque autrichienne. Pour être sécurisées, elles ont dû rapidement augmenter leurs fonds propres (à hauteur de 2,5 milliards d’euros) ainsi que s’y sont engagés par avance les États européens. S’y ajoute le cas litigieux de la banque allemande régionale de Hesse-Thuringe (Helaba) qui a refusé que l’on publie ses résultats, après avoir contesté la méthodologie.
En outre, 16 banques n’ont réussi l’examen que de justesse. Elles devaient également annoncer des mesures de redressement. La Grèce (2 banques en échec et 2 banques fragiles sur 6 testées), qui n’arrive plus à financer sa dette publique auprès des investisseurs privés, dû trouver des ressources supplémentaires pour réaliser cette consolidation bancaire. Le système bancaire espagnol (12 banques en échec ou fragiles sur 25 testées) apparaît également encore loin d’être totalement assaini. Par contre, le test a été positif pour les banques de l’Italie, du Portugal et de l’Irlande, autres pays actuellement au cœur de la crise de la dette publique européenne.
En 2013, la FED teste les banques américaines
Début 2013, la FED a mené un nouveau stress test sur les 18 plus grandes banques américaines. Ces banques représentent à elles seules plus de 70 % des actifs bancaires du pays.
La banque centrale américaine a choisi des conditions extrêmes pour mieux tester ses banques : taux de chômage de 12 %, chute des actions de 50 % et recul du PIB de 5 %. L’objectif principal est d’analyser le ratio de fonds propres, c’est-à-dire le rapport entre les fonds propres de la banque et ses engagements (risque de crédits, risque de marché et risque opérationnel), qui doit être supérieur à 5 %.
Résultat : Sur les 18 banques testées, seule une banque a échoué. Il s’agit de Ally Financial qui est en cours de restructuration sous la tutelle de l’État américain. Les autres banques obtiennent un ratio de fonds propres largement supérieur à 5 %, donc supérieur au ratio observé à la fin de l’année 2008.
Les banques américaines doivent réussir le stress test de la FED pour obtenir l’autorisation d’augmenter les dividendes à verser à leurs actionnaires.
Des Stress test récurrents
Les autorités de régulation bancaire ont continué à effectuer des stress tests de façon régulière, et continueront à le faire, tant en Europe que dans les autres pays.
En 2018, l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) a mené un stress test sur 48 banques de l’Union Européenne dont six françaises (BNP Paribas, Crédit Mutuel, BPCE, Crédit Agricole, La Banque Postale et Société Générale). Il ressort de ce test que la solidité des bilans des banques européennes s’est améliorée du fait des obligations d’augmentation des fonds propres. En 2021, l’ABE a renouvelé l’exercice en examinant cette fois-ci le cas de 50 banques de l’UE. Celui-ci a, malgré des scénarios macroéconomiques dégradés en raison de la crise Covid, confirmé la résilience des systèmes bancaires français et européen.
Cependant, de bons résultats aux stress tests ne signifient pas l’absence de risque de crise bancaire. D’une part, une crise économique pus violente que le scénario testé peut ébranler la solidité des banques. D’autre part, mesurer précisément les risques pris par les banques est un exercice délicat qui n’a rien d’une science exacte.
Bonjour,
Ce report est plus qu’inquiétant :
https://www.capital.fr/entreprises-marches/les-stress-tests-des-banques-europeennes-reportes-a-2021-1364610
Justement la crise du covid est une occasion de tester la solidité en temps de crise.
Comment interpréter ce report ? y a t’il volonté de cacher une situation critique pour la santé des banques EU ? Merci.
Bonjour,
Il convient de manier ce type d’informations avec prudence. Tout d’abord, cette annonce a été faite en mars dernier, soit au début de la crise issue de la pandémie de Covid-19. Depuis cette date, aucune banque européenne ne s’est trouvée en difficulté, malgré le contexte économique dégradé. Ensuite, il s’agissait pour l’Autorité bancaire européenne (ABE) essentiellement de permettre aux établissements de crédit concernés de se concentrer sur leurs activités opérationnelles, forcément impactées par le Covid-19. En contrepartie, l’ABE a, tout au long de l’année et dans un souci de transparence, publié, de manière régulière, des données sur la santé des banques européennes (disponibles ici : https://eba.europa.eu/all-news-and-press-releases), ce qui devrait vous rassurer.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Bonjour,
J’avais connaissance de votre site depuis des années mais mes connaissances sur le sujet (bancaires, financières) étaient alors trop faibles pour en apprécier le niveau de qualité.
Voici une remarque – question : les systèmes bancaires me semblent être une formidable machine de répartiion des risques, de mutualisation des risques si on en exclut le shadow-banking, qui met parait une formidable machine à création de risque.
Les banques commerciales prêtent avec prudence, se repassent les risques, fonctionnent en pool bancaire etc…
Le shadow banking est semble-t-il soumis à des contraintes qui limitent ses prises de risques ?
Pourriez-vous nous en parler, nous les décrire, je pense notamment aux appels de marges. Y-en a-t-il d’autres ?
Comment être averti de votre réponse ?
Avec tous mes remerciements et cordialement
Yves
Bonjour,
Vous avez raison d’écrire que le shadow banking est porteur de davantage de risques, notamment quant à la stabilité financière globale, que le secteur financier « traditionnel ». La crise des subprimes de 2007-2008 l’a d’ailleurs mis en évidence. Afin de mieux réguler ce secteur, plusieurs dispositifs de surveillance et de réglementation du shadow banking ont, toutefois, été mis en œuvre depuis. Ainsi, les accords de Bâle III ont introduit des exigences en capital pour les banques investissant dans des entités du shadow banking. D’autre part, les activités liées à la titrisation et aux fonds monétaires sont désormais davantage encadrées dans la plupart des pays. Enfin, notre réponse aux commentaires figure sous ceux-ci et une copie est envoyée à l’adresse mail renseignée par l’internaute.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
bonjour quels sont les points faibles et les limites d’un exercice du stress test
Bonjour,
Il est parfois reproché aux stress tests, ou tests de résistance, de recourir à des hypothèses insuffisamment sévères. Par exemple, lors de l’été 2010, plusieurs banques, ayant passé avec succès les tests de résistance organisés en Europe, ont ensuite connu de graves difficultés, obligeant les Etats à les recapitaliser. Ainsi, des résultats positifs aux tests de résistance ne signifient pas nécessairement une absence de risque de crise bancaire.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Bonjour,
Je suis consultant en Banque et expert comptable mémorialiste. J’ai effectué une mission de trois ans chez Natixis; mission au cours de laquelle j’ai travaillé sur les Stress Test de L’EBA (STEBA) ainsi que les STI (Stress Test Interne). Je voudrais faire mon mémoire du DEC sur l’automatisation des Stress grace aux outils de Business Intelligence et je souhaiterais avoir votre idée sur le thème qui s’intitule : « Les outils de Business Intelligence au service des professionnels Comptables : Proposition d’une démarche d’automatisation des Stress Test de l’Autorité Bancaire Européenne et mise en place d’un outil décisionnel sur Microsoft Power Pivot pour les Banques de l’UE ».
Qu’en pensez-vous?
Bonjour,
La thématique des tests de résistance des institutions financières face aux chocs économiques entre en forte résonance avec l’actualité la plus récente (crise des subprimes de 2008, puis des dettes publiques en Europe, crise sanitaire liée au Covid-19, etc.), ce qui légitime parfaitement des recherches scientifiques sur le sujet. Nous vous invitons toutefois à vous rapprocher de votre encadrant universitaire pour discuter plus en détails de la pertinence scientifique de votre projet.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com