L’interdépendance des économies mais aussi des autres énergies vient cependant nuancer ce tableau.
Cours du pétrole : des effets ambigus pour la zone euro
Une baisse du prix du pétrole est, a priori, une bonne nouvelle pour la zone euro. En effet, cette baisse entraîne, par voie de conséquence, une réduction de la facture énergétique pour l’ensemble des pays de la zone euro, qui sont tous de gros importateurs de pétrole. Cette baisse est donc favorable à la compétitivité de leurs entreprises – et en particulier celles qui exercent leurs activités dans les secteurs intensifs en énergie comme les transports – ainsi que pour le pouvoir d’achat des ménages. In fine, la baisse du cours du pétrole devrait avoir un effet positif sur la croissance en Europe.
Toutefois, plusieurs éléments sont susceptibles de limiter cet effet positif.
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En premier lieu, si la baisse du pétrole s’accompagne d’une baisse de l’euro par rapport au dollar, celle-ci atténue la baisse du prix du baril libellé, lui, en dollars. L’impact global sur l’économie européenne n’est alors pas aussi puissant que l’importance de la chute des cours du pétrole ne le laisserait supposer.
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Par ailleurs, dans un environnement marqué par une très faible inflation, la baisse du prix du pétrole renforce le risque d’apparition d’un processus déflationniste en zone euro qui se révélerait néfaste à la croissance.
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Enfin, la baisse des revenus des pays exportateurs de pétrole réduit de facto leurs importations en provenance des pays de la zone euro. Il en résulte des pertes d’activité pour ces derniers qui viennent atténuer l’effet positif sur la croissance de la baisse du prix du pétrole.
Un pétrole peu cher peut se révéler néfaste pour la transition énergétique
En effet, un pétrole cher incite les consommateurs à se tourner vers des sources d’énergie alternatives au premier rang desquelles figurent les énergies renouvelables. A contrario, si le pétrole devient moins cher, ces énergies sont moins compétitives et donc moins attractives. En outre, les entreprises spécialisées dans ces énergies renouvelables, et les compagnies pétrolières elles-mêmes, risquent de freiner leurs investissements destinés au développement de technologies énergétiques alternatives. Autrement dit, un pétrole trop bon marché risque d’avoir un véritable effet démobilisateur pour les acteurs de la transition énergétique.
Une forte dépendance au baril : l’exemple russe
La baisse des prix du pétrole a un impact immédiat sur les marchés des changes à travers la chute des devises des pays exportateurs de pétrole. L’effet est particulièrement notable pour des pays qui n’ont pas une économie diversifiée et dont les coûts d’extraction du pétrole sont élevés. C’est le cas du Venezuela, mais aussi de la Russie.
Les ressources pétrolières de la Russie, mais aussi de gaz naturel dont le prix est indexé sur le pétrole, représentent plus de la moitié des recettes d’exportation du pays. En 1998, lors de la crise asiatique et de la chute du baril à 10 dollars, la Russie s’était déclarée en cessation de paiement.
Pour éviter un effondrement du rouble dans de telle situation, la Banque centrale de la fédération de Russie peut se porter acquéreuse de roubles en échange de devises étrangères. Mais pour cela, elle doit avoir accumulé assez de réserves de change quand les recettes pétrolières étaient élevées. Elle peut aussi remonter ses taux d’intérêt pour rendre attractive la détention de rouble sur les comptes rémunérés des banques russes. Mais cela constitue un vrai risque pour l’économie : le niveau très élevé des taux d’intérêt disqualifie tout projet d’investissement financé par emprunt bancaire réduisant la croissance et enclenchant un cercle vicieux : baisse du produit intérieur brut (PIB), vente de roubles, etc.
Évolution géopolitique
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a démontré l’étroitesse du lien qui connecte la stabilité géopolitique d’un pays et le prix du baril de pétrole qu’il exporte. Face à cette situation extrêmement instable, son prix a fortement augmenté en très peu de temps. Ce changement est partiellement dû aux sanctions imposées par les pays occidentaux qui ont décidé de ne plus importer de pétrole russe. Cela n’a pourtant pas empêché la Russie de vendre son pétrole, l’Inde et la Chine ayant comblé le trou laissé par les occidentaux.
Ce graphique nous aide à comprendre les dynamiques complexe liant le prix du pétrole et la valeur du rouble. On remarque que les baisses du prix du pétrole se sont très souvent accompagnées de l’appréciation du dollar (de la dépréciation du rouble). Les deux courbes ont divergé de tendance au début de l’invasion en Ukraine. Bien que les prix du pétrole aient explosé, le rouble lui s’est fortement dévalué. Cependant, nous observons que le cours du rouble s’est en partie rétabli. Aujourd’hui, ces deux courbes semblent suivre à nouveau la même tendance.
L’impact du prix du pétrole sur les marchés boursiers
La forte baisse du prix du pétrole affecte également les indices boursiers des places financières, et notamment de celles sur lesquelles la capitalisation boursière des entreprises spécialisées dans le secteur de l’énergie et de la production de pétrole pèse lourdement. C’est notamment le cas du CAC 40 en raison du poids de Total dans l’indice phare de la Bourse de Paris (encore 6 % fin 2024, mais qui avait même atteint le plafond de 15%). Ce phénomène ne se limite pas à la France, puisque pour le principal indice américain, le S&P 500, le secteur de l’énergie a représenté plus de 15 % avant la crise de 2008 (contre 4,5 % fin 2024. Les perspectives de baisse de la rentabilité de ces entreprises génèrent alors de forts courants vendeurs sur ces titres.
Par ailleurs, les places financières sont également touchées indirectement par la baisse du prix du pétrole : beaucoup de spéculateurs ou de hedge funds parient sur les prix du pétrole via le marché des futures. Quand la chute des cours les prend au dépourvu, ils se retrouvent dans l’obligation de dénouer ces positions spéculatives en enregistrant des pertes importantes.
J’anticipe une hausse du baril à 70 dollars d’ici 6 mois. J’achète donc aujourd’hui un future me permettant d’acquérir dans 6 mois un baril à 50 dollars. Ici, la situation espérée à terme est la suivante, 70$ – 50$ = +20$. Malheureusement, le prix du pétrole recule à 35 dollars. Je déboucle ma position avec une perte de 15 dollars (35$ – 50$ = -15$). Pour compenser cette perte, je tente de vendre des actions où j’affiche des plus-values.
Ce faisant, si des hedge funds qui manipulent des milliards agissent de la sorte, ils propagent la baisse du prix du pétrole sur les indices boursiers mondiaux.
Bonjour!
Comment peut-on analyser l’incidence économique des ressources pétrolières dans un pays?
Bonjour,
On peut analyser l’incidence économique des ressources pétrolières dans un pays au travers du prisme de la variation des prix. En effet, les fluctuations des prix du pétrole peuvent conduire à l’inflation. Dans les pays exportateurs de pétrole, une hausse des cours du pétrole peut conduire à un afflux des revenus d’exportations et, par conséquent, à une augmentation des dépenses de consommation. Ce phénomène, désigné en économie sous le nom de « syndrome hollandais », implique qu’un boom pétrolier va conduire à un phénomène d’inflation encouragé non par la hausse des coûts de production mais par une augmentation de la demande. De plus, bien que les revenus pétroliers puissent stimuler l’économie, ils peuvent également rendre un pays vulnérable aux fluctuations des prix du pétrole sur le marché mondial. Enfin, l’exploitation des ressources pétrolières peut avoir des conséquences environnementales, ce qui peut à son tour avoir un impact économique.
Meilleures salutations
L’Equipe de Lafinancepourtous.com