L’UEFA et le fair-play financier : une fausse bonne idée ?

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Le mécanisme de fair-play financier (FPF) a été introduit par l’Union des associations européennes de football (UEFA) en 2012. Ce projet a pour but que les clubs aient des comptes financiers équilibrés. Le FPF est la cible de nombreuses critiques car il devait également réduire les inégalités entre grands championnats et petits championnats, grands clubs et petits clubs.

En quoi consiste le fair-play financier ?

Le fair-play financier repose sur le respect de deux principes pour les clubs qui disputent des compétitions européennes (Ligue des champions et Ligue Europa) :

  • pas d’arriérés de paiements (que ce soit envers les joueurs, l’administration fiscale ou d’autres clubs)

  • l’équilibre budgétaire.

En ce qui concerne le second principe, la différence entre les recettes et les dépenses ne doit pas passer en-dessous d’un seuil négatif de 5 millions d’euros.
Ce seuil peut néanmoins être dépassé, dans une limite de 30 millions d’euros de pertes sur trois ans, et s’il est couvert par un financement additionnel des actionnaires. 

Le contrôle des comptes est assuré sur une base annuelle par l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC), un organe indépendant rattaché à l’UEFA.

A quoi s’exposent les clubs en cas de non-respect du fair-play financier ?

Voici les sanctions possibles en cas de violation du fair-play financier, de la plus légère à la plus sévère : mise en garde, blâme, amende… jusqu’à l’exclusion de compétitions ou le retrait d’un titre !

Exemples de non respect du fair-play financier

En mai 2014, le Paris Saint-Germain (PSG) est puni par l’UEFA pour avoir enfreint le FPF. Le club francilien respecte les objectifs chiffrés mais est pointé du doigt en raison d’un contrat publicitaire de 200 millions d’euros annuels avec l’agence de tourisme du Qatar. L’UEFA estime que ce montant est exagéré et qu’il s’agit d’une subvention déguisée du Qatar (propriétaire du club), sans lequel le club serait largement en déficit non toléré. Le club parisien est alors contraint de respecter les cibles du FPF et de réviser à la baisse son contrat avec l’agence de tourisme du Qatar à 100 millions € annuels.

Plus récemment, le club anglais Manchester City a reçu une amende de 30 millions d’euros et s’est presque fait bannir de la Ligue des champions pour deux ans (pour les saisons 2020-2021 et 2021-2022). La raison : le club est accusé d’avoir « surévalué ses revenus issus des contrats de sponsoring dans ses comptes […] entre 2012-2016 ». Heureusement pour les supporters du club, le Tribunal arbitral du sport (TAS) a donné raison au club qui contestait la décision de l’UEFA.

Verdict : le fair-play financier fonctionne vraiment ?

Le fair-play financier est un projet très ambitieux de l’UEFA et il en est encore à ses débuts. Mais à l’heure d’un premier bilan, pouvons-nous dire qu’il s’agit d’une réussite ?

L’assainissement financier des clubs de football

Pour preuve, le déficit cumulé des clubs est passé de 1,7 milliard d’euros en 2011 à une perte de 324 millions d’euros en 2023. Si ce résultat semble positif, il cache pourtant un aspect plus complexe.

En effet, en 2018/2019, les clubs européens avaient enregistré 906 millions de bénéfices nets, mais à cause du COVID-19 et des fortes hausses des salaires des joueurs, les pertes financières sont de nouveau d’actualité. Aujourd’hui, les clubs qui participent aux compétitions européennes sont obligés de contrôler leurs recettes et dépenses, sous peine d’être interdits de participer à la Ligue des champions ou Ligue Europa.

Bénéfices des clubs de football européens

Pour les clubs petits et moyens, l’accès aux compétitions européennes est une source très importante de revenus. La simple participation à la phase de groupes de la Ligue des Champions rapporte à chaque club la somme de 18,62 millions d’euros.

Si on prend l’exemple d’un club moyen comme le Lille OSC, ces 18,62 millions d’euros représentent quasiment 20 % des recettes annuelles ! Les compétitions européennes représentent une bouffée d’oxygène pour les clubs modestes, et une non-qualification les oblige en règle générale à céder des joueurs précieux.

Fair-play financier : un système qui verrouille la hiérarchie actuelle

Il y a néanmoins une part d’injustice pour les clubs qui ne dominent pas le football européen. Avant l’arrivée du fair-play financier, deux clubs de football sont devenus des mastodontes sur la base de déficits colossaux : Chelsea et Manchester City.

Le premier a été racheté par un oligarque russe en 2003, qui a injecté 1 milliard d’euros en 9 ans. Manchester City a été racheté en 2008 par l’émirat d’Abou Dhabi, qui a injecté 700 millions d’euros en quatre ans. Ces deux clubs sont devenus des « grands d’Europe » en l’espace de quelques années grâce à un système de financement désormais interdit à de nouveaux entrants.

Le PSG fera ainsi figure d’exception car il aura rejoint in extremis l’élite du football européen, sur un modèle similaire (bien que ce dernier ait été réprimandé par l’UEFA). Acquérir et emmener un club au plus haut niveau est désormais très compliqué car il faut générer des recettes courantes très importantes, très rapidement, pour respecter le FPF. Or, une telle prouesse n’est possible que si le club est rattaché à une grande ville d’un grand pays.

Des acquisitions de plusieurs clubs (Malaga par un émir du Qatar et l’AS Monaco par un oligarque russe) ont été modifiées en profondeur par l’introduction du fair-play financier, qui a obligé les propriétaires à revoir à la baisse leurs ambitions. Il est en effet plus difficile de vendre l’image de Monaco à des marques, quand on sait que la principauté ne compte que 38 000 habitants alors que l’Île-de-France en compte 12 millions (le PSG est le seul club francilien en Ligue 1).

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