Le 22 avril 2021, à l’occasion d’un sommet mondial sur le changement climatique organisé par le président des États-Unis, Joe Biden, plus de 40 des plus grandes banques mondiales ont annoncé avoir formé, sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU), une alliance, la Net-Zero Banking Alliance (NZBA), acceptant de représenter zéro émission carbone dans leurs portefeuilles, d’ici 2050, voire plus tôt. Répartis dans 23 pays, elles, contrôlent un actif total de 28,5 milliards de dollars. Et il est probable que d’autres établissements les rejoindront (y compris des assureurs).
Le concept de neutralité carbone
La neutralité carbone traduit l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère par l’homme ou de son fait. La neutralité carbone est également désignée par l’expression zéro émission nette (ZEN).
Cela ne signifie donc pas zéro émission de gaz carbonique (CO2) mais une compensation des émissions de gaz à effet de serre par la séquestration du carbone dans un puits de carbone. Un puits de carbone est tout système qui absorbe plus de carbone qu’il n’en émet. Les principaux puits de carbone naturels sont le sol, les forêts et les océans. En pratique, les entreprises achètent, sur le marché du carbone (ou de la compensation carbone), des quotas d’émissions de gaz à effet de serre auprès d’organismes qui, eux, ne les consomment pas..
Ce concept de neutralité carbone est critiqué car la prise en compte d’émissions négatives dans les scénarios visant à atteindre la neutralité carbone peut conduire à négliger ou retarder les efforts de réduction des émissions, d’autant plus que les prix des achats de quotas de compensation carbone sont jugés trop bas. Il semble préférable de prendre en compte la « contribution climatique » (investissement direct dans des projets neutres – ou quasi-neutres – en émission de gaz à effet de serre).
À noter que, selon les estimations, les puits naturels éliminent entre 9,5 et 11 gigatonnes de CO2 par an alors que les émissions mondiales annuelles de CO2 ont atteint 37,8 gigatonnes en 2021 et devraient atteindre 37,5 Gt en 2023 (après la forte baisse d’émission due à la crise du Covid 19, la hausse a repris). Elles baissent en Europe et aux USA, mais augmentent en Inde et surtout en Chine!
Comment le secteur financier peut-il agir vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
Le secteur financier peut jouer un rôle majeur dans la transition climatique en soutenant les entreprises qui contribuent à décarboner l’économie et en faisant pression sur les autres en favorisant leurs actions de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. En 2021, elles ont encore de gros progrès à faire pour basculer vers cet objectif, car les gains réalisés dans des secteurs avec empreinte carbone forte sont élevés et s’en priver ne peut être qu’une démarche citoyenne, sous la pression des consommateurs et des États.
Mesurer l’empreinte carbone
Pour cela, la première étape est d’estimer l’empreinte carbone ou bilan carbone de l’entreprise (ou la collectivité) qui demande un financement.
L’empreinte carbone est la quantité de carbone (généralement en tonnes) émise par la consommation d’énergie de cette entreprise. Celle-ci se mesure sur 3 périmètres :
- les émissions directes, liées à la fabrication du produit. Par exemple, si la fabrication du produit a nécessité l’utilisation de pétrole, la combustion de carburant…
- les émissions indirectes, liées aux consommations d’énergie nécessaires à la fabrication du produit. Par exemple, la production de l’électricité alimentant l’usine de fabrication, ayant émis des gaz à effet de serre ;
- les autres émissions (indirectes aussi), liées à d’autres étapes du cycle de vie du produit (approvisionnement, transport, fin de vie…). Par exemple, le recyclage émet également des gaz à effet de serre.
Il existe aujourd’hui différentes méthodologies pour mesurer cette empreinte carbone. Ces modèles peuvent s’inspirer des recommandations d’institutions spécialisées, voire de l’Agence Internationale de l’Énergie. Ces empreintes ou bilans carbone figurent généralement dans le volet « Responsabilité sociale et environnementale – RSE » des rapports annuels (obligatoires pour les sociétés de plus de 500 salariés depuis 2012).
Attention au « greenwashing »
Dans un contexte où il est devenu « vendeur » d’être vertueux sur le plan écologique, certaines entreprises – y compris dans la sphère financière – n’hésitent pas à communiquer sur une image verte alors même que leurs actions concrètes seraient peu favorables à l’environnement. La neutralité carbone n’échappe pas à cet effet d’affichage. L’Autorité des marchés financiers est très vigilante quant à ce risque de greenwashing tout en plaçant la finance durable au cœur de son action s’engager pour une finance durable.
Financer en priorité les projets qui permettent la réduction des émissions de carbone
L’établissement financier doit alors s’assurer que le financement (prêt, investissement) vise, sur cette base, à permettre à l’entreprise financée de réduire ses émissions directes et indirectes.
Et bien sûr, il doit exclure les secteurs les plus polluants : énergies fossiles, etc. Toutefois, pour d’autres secteurs pouvant être polluants dans une moindre mesure, le but n’est pas de les éliminer mais de choisir en leur sein les entreprises faisant les plus grands efforts.
Les banques doivent s’engager dans la décarbonation de leurs clients, en promouvant la transition vers celle-ci par l’ensemble de l’économie réelle et non de la seule sphère financière.
Ce mouvement touche aussi les gestionnaires d’actifs, qu’ils soient captifs de banques, de sociétés d’assurance ou indépendants. Ils rejoignent, une démarche similaire : Net Zero Asset Managers Initiative. L’objectif est de réduire l’exposition des fonds aux actifs fortement carbonés en renforçant également leurs investissements dans les entreprises qui apportent une solution à la transition énergétique et contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique.
Comment le particulier investisseur peut-il s’y retrouver ?
Aucune mesure de performance n’est encore standardisée pour les fonds en matière de prise en compte de la neutralité carbone voire de la contribution climatique. Néanmoins, les agences de notation sociale et environnementale utilisent leurs propres critères d’évaluation, s’appuyant souvent sur les conventions internationales et les recommandations des institutions internationales (ONU, Union Européenne…).
De plus, leurs modes de sélection sur la base de l’impact climatique dans leurs choix d’investissement font partie des critères pour l’attribution des labels ISR (investissement socialement responsable).
Plus directement encore lié à la finance verte, le label public Greenfin identifie les fonds les plus vertueux du point de vue environnemental.
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