C’est d’argent qu’il s’agit. Or, « à la différence des convoitises attachées à des biens de jouissance, le désir d’acquérir l’échangeur universel ne comporte lui-même aucune mesure ; il n’y a pas de sens à parler à son propos de satisfaction ; les moralistes de toute obédience et de toutes traditions l’ont répété : la faim d’or est insatiable ; une sorte de « mauvais infini » habite ce toujours plus qui n’est jamais assez » (Ricœur, 1992).
Morale, régulation et finance
Les anciens ont traité le problème par les lois de la morale religieuse. Aujourd’hui, c’est principalement dans l’ordre du politique et de la régulation publique que l’on peut agir. Non pas en supprimant le besoin d’une responsabilisation éthique individuelle – comme peuvent le faire les fonctionnements bureaucratiques – mais en recherchant la complémentarité des deux ordres d’actions. Au croisement des ordres politique et religieux, on notera cependant les préconisations de la finance islamique basée sur l’interdiction de l’intérêt qui lie plus étroitement la rentabilité financière d’un investissement avec les résultats du projet concret associé et se rapproche selon certains en pratique de la notion d’investissement socialement responsable.
Différents exemples peuvent être pris dans l’actualité : question des paradis fiscaux ; problème de l’aléa moral, etc.
L’aléa moral consiste dans le fait qu’une personne ou une entreprise assurée contre un risque peut se comporter de manière plus risquée que si elle était totalement exposée au risque. Exemple : si le propriétaire d’un vélo qui s’assure contre le vol ne met pas d’antivol au prétexte que si son vélo est volé il sera remboursé, il fait jouer l’aléa moral. Dans la finance, il y a aléa moral si les acteurs financiers peuvent prendre des risques excessifs parce qu’ils savent qu’ils seront secourus si leurs propres difficultés entraînent un risque général.
Les nouvelles formes de la finance
Prenons l’exemple des alternatives aux formules classiques de l’épargne et de l’investissement. Elles sont incarnées par des initiatives nombreuses et variées : microfinance et microcrédit, finance solidaire, banque éthique, investissement socialement responsable. Toutes recouvrent une démarche éthique qui cherche à donner du sens à la finance et à responsabiliser l’investissement. Elles correspondent à une démarche d’investissement prenant en compte des considérations extra-financières liées à l’environnement, aux questions sociales ou à la gouvernance. Elles correspondent également à une implication personnelle souvent plus active de l’utilisation de son épargne. La place occupée par ces démarches reste limitée.
L’épargne des Français investie dans l’investissement socialement responsable (ISR) représente 1587 milliards d’euros fin 2020 ; les placements d’épargne solidaire et de partage représentent, quant à eux, plus de 20 milliards d’euros d’encours de placements en France (en 2020).
Ces diverses modalités de finance éthique peuvent servir à canaliser et à donner du sens à l’épargne de long terme, mais elles ne constituent pas en elles-mêmes un instrument de régulation et de stabilisation de la finance. On constate notamment que les fonds éthiques ont des performances comparables à celles des fonds traditionnels parce que les investissements qui les composent sont réalisés dans des entreprises qui n’ont pas des objectifs si différents des autres.
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