Une grosse partie du financement public de la vie politique se fait au travers du remboursement par l’État d’un certain nombre de dépenses (voir article 1 sur l’encadrement des dépenses), l’autre partie se fait au travers des allocations aux partis à l’occasion des élections législatives.
Cadre légal des modes de financement de la vie politique en France
Avant 1988, il n’existait pas d’encadrement légal du financement de la vie politique en France, ni de moyens de prévention des délits comme la corruption, le favoritisme ou encore la prise illégale d’intérêts. Il n’était par ailleurs pas rare que les partis au pouvoir détournent une partie des fonds spéciaux à des fins électorales jusqu’au début des années 1990.
Toutefois, l’affaire Luchaire en 1988 a révélé la nécessité d’un encadrement des modes de financement des partis politiques. Ainsi, est promulguée la première loi de transparence sur le financement de la vie politique (n° 88-227) le 11 mars 1988. Cette loi prévoit notamment que les membres du gouvernement doivent déclarer leur situation patrimoniale, que les candidats aux élections doivent respecter un plafond de dépenses et que l’aide de l’État constitue désormais leur principale source de financement dont le montant dépend des résultats aux élections.
L’affaire Luchaire révèle que l’entreprise d’armement française Luchaire avait vendu illégalement des armes à l’Iran dans les années 1980 et que des commissions sur ces ventes auraient pu être reversées au Parti socialiste. L’affaire Urba révèle quant à elle l’existence d’un système financier entre 1973 et 1990 portant sur des attributions frauduleuses de marchés publics par des collectivités territoriales qui ont permis de financer de manière occulte le Parti socialiste.
Par la suite, la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 (dite « loi Rocard »), votée dans le cadre de l’affaire Urba, étend notamment le plafonnement des dépenses à toutes les élections, permet aux partis de bénéficier, dans une certaine mesure, de financements privés et limite le montant des dons des personnes morales aux partis politiques, jusqu’à l’interdiction définitive avec la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique.
Plusieurs lois vont continuer à étoffer les règles de financement de la vie politique, comme par exemple la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 qui limite le financement public des partis à ceux qui ont obtenu au moins 1% des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions, ou encore les lois n° 2013-906 et 2013-907 relatives à la transparence de la vie publique du 11 octobre 2013 et les lois n° 2017-1338 et 2017-1339 pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017 qui améliorent notamment la transparence financière des partis politiques.
Le financement public des partis politiques en France
Le financement public des partis politiques se fait essentiellement au travers des élections législatives.
Selon l’article 8 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, le budget alloué aux partis politiques est divisé en deux parties égales :
D’une part, il dépend des résultats aux élections législatives. En effet, l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précise que l’aide est attribuée aux partis ayant obtenus au moins 1% des voix dans au moins cinquante circonscriptions aux élections législatives et que la répartition est effectuée proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour de ces élections par chacun des partis.
Si en principe l’aide publique est répartie en deux parts égales, il peut y avoir des variations dans les montants finaux attribués à chaque parti, par exemple en cas de non-respect de la parité des candidatures ou du non-respect des obligations comptables.
Ainsi, en 2024, les Républicains ont perdu 1,3 million d’euros d’aides en ayant présenté en 2022 moins de femmes (157) que d’hommes (256). Ensemble a perdu 510 000 euros d’aides pour les mêmes raisons, tandis que le groupe EELV a perdu 78 000 euros pour avoir présenté plus de femmes que d’hommes.
À ce titre, et conformément à l’article 1 du décret n° 2024-77 du 2 février 2024, la première fraction de l’aide publique aux partis politiques en 2024 (sur la base des élections de 2022) est fixée à 32,25 millions d’euros et est répartie comme suit :
Partis et groupement |
Nombre de voix prises en compte |
Modulation parité |
Aide publique |
Ensemble |
5 787 451 |
-510 901,92 € |
8 821 573,24 € |
Rassemblement national |
4 215 614 |
0 € |
6 797 830,85 € |
La France insoumise |
3 269 593 |
0 € |
5 272 337,59 € |
Les Républicains |
2 225 935 |
-1 290 620,02 € |
2 298 781,10 € |
Europe Écologie Les Verts |
1 133 409 |
-78 328,43 € |
1 749 334,80 € |
Reconquête |
943 980 |
0 € |
1 522 202,08 € |
Parti socialiste |
850 030 |
0 € |
1 370 704,29 € |
Parti communiste français |
530 464 |
0 € |
855 392,49 € |
Autres |
2 155 480 |
-142 408,00 € |
3 337 896,26 € |
On en déduit ainsi qu’en 2024, une voix rapporte environ 1,61 euro au premier tour des élections législatives.
D’autre part, l’aide publique aux partis dépend du nombre de membres au Parlement (article 9 loi du 11 mars 1988). Toujours selon l’article 1 du décret n° 2024-77 du 2 février 2024, cette seconde fraction de l’aide publique est fixée en 2024 à 34,18 millions d’euros et est répartie comme suit :
Partis et groupement |
Députés |
Sénateurs |
Aide publique |
Ensemble |
248 |
39 |
10 653 233,98 € |
Les Républicains |
63 |
131 |
7 201 140,74 € |
Rassemblement national |
88 |
3 |
3 377 854,68 € |
Parti socialiste |
27 |
62 |
3 303 616,11 € |
La France insoumise |
72 |
0 |
2 672 588,32 € |
Union des démocrates et indépendants |
5 |
45 |
1 855 964,11 € |
Europe Écologie Les Verts |
23 |
16 |
1 447 652,00 € |
Parti communiste français |
17 |
17 |
1 262 055,59 € |
Autres |
33 |
32 |
2 412 753,32 € |
Ainsi, en 2024, un député rapporte environ 37 119,3 euros à son parti. À noter cependant qu’avec les récentes élections législatives, le montant sera recalculé pour l’année 2025.
Déclaration et contrôle des comptes des partis politiques
Selon l’article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, les partis bénéficiant de l’aide publique ont l’obligation de tenir une comptabilité retraçant les recettes et dépenses de l’exercice en cours. Les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes, voire deux si les ressources annuelles du parti dépassent 230 000 euros, et sont déposés au premier semestre de l’année suivant celle de l’exercice à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) qui les publie au Journal officiel de la République française.
En cas de manquement aux obligations comptables, la CNCCFP peut suspendre l’aide publique à un parti pour une durée maximale de trois ans.
Ainsi, selon le rapport d’activité 2023 de la CNCCFP, le montant global des ressources des 532 partis politiques s’élève à 198 millions d’euros en 2023, et l’aide publique de l’État s’élève à 66 millions d’euros.
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