17 juillet 1720 : la bousculade de la rue Vivienne et la chute du Système de Law

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Il y a 300 ans, le 17 juillet 1720, une bousculade, rue Vivienne à Paris devant les guichets de la Banque Royale, provoquait la mort d’une quinzaine de personnes et précipitait la chute du Système de Law, la première expérience de papier-monnaie en France. Retour sur cet épisode marquant de l’histoire financière française.

Le Système de Law

Mis en place progressivement à partir de 1716, le Système de Law constitue la première expérience de papier-monnaie menée en France. Il a pour objectif initial d’assainir les finances publiques françaises. Conséquence des nombreuses guerres menées au cours du règne de Louis XIV, celles-ci se trouvent, après sa mort, dans un état désastreux. On estime que la dette publique française s’élève à plus de 2 milliards de livres, soit environ dix années de recettes fiscales ! A titre de comparaison, la dette de l’État français représentait, en 2019, un peu plus de six années de recettes.

Appelé par le Régent, John Law, un Écossais ayant accumulé un capital grâce au jeu, établit un système fondé sur la circulation de papier-monnaie et est autorisé à créer, sur le modèle de la Banque d’Angleterre, la Banque générale, dont le capital est, en partie, payable en titres d’État. Ce système doit permettre l’amortissement de la dette publique, ainsi que le développement économique du royaume via le commerce et l’expansion du crédit. La Banque générale, institution privée, émet des billets contre de l’or. Ces derniers, convertibles en or, obtiennent rapidement cours légal et peuvent être reçus en paiement des impôts. La Banque devient Banque Royale officiellement à partir du 1er janvier 1719 : ses billets sont désormais garantis par l’État et sont de plus en plus utilisés dans les paiements en lieu et place des espèces métalliques.

Parallèlement, en 1717, Law crée la Compagnie d’Occident. Cette dernière est rapidement surnommée la Compagnie du Mississippi et jouit du monopole sur l’exploitation commerciale des ressources de la Louisiane française, alors considérée comme un nouvel Eldorado. La Compagnie du Mississippi absorbe rapidement d’autres compagnies d’exploitation des colonies et finance son expansion par des augmentations de capital, payables, au moins en partie, par des billets d’Etat, ce qui contribue à réduire la dette publique. A partir de 1719, Law se retrouve, ainsi, à la tête du commerce extérieur français.

L’une des premières bulles spéculatives

Alors que Law récupère les « fermes générales » et se retrouve ainsi chargé de collecter l’impôt pour le compte de l’État, la spéculation sur les actions de la Compagnie va bon train. Law fait miroiter des bénéfices commerciaux et un dividende exceptionnels aux actionnaires : une bulle spéculative se forme sur les actions de la Compagnie.
Celle-ci est alimentée par des opérations menées à découvert. La bulle s’amplifie encore lorsque Law est nommé contrôleur général des Finances en janvier 1720. D’une valeur nominale de 500 livres, le cours des actions de la Compagnie dépasse la barre des 9 000 livres au début de l’année 1720. Law a alors la main mise sur les recettes fiscales, la dette publique et le commerce extérieur du royaume.

Les anticipations du marché se retournent à l’été 1720, ce qui provoque la chute du Système de Law et la ruine de bon nombre d’actionnaires. La bulle se dégonfle en effet lorsque les résultats de l’exploitation commerciale des colonies se révèlent décevants et que des personnalités connues dans le royaume viennent ostensiblement échanger leurs billets contre de l’or. Tandis que le cours des actions chute, les demandes de remboursement auprès de la Banque affluent : le public souhaite échanger ses billets contre des espèces métalliques.

Le 17 juillet 1720, « l’une des trente journées qui ont fait la France » selon l’historien, également connu comme homme politique et avocat, Edgar Faure, un mouvement de foule rue Vivienne provoque la mort d’une quinzaine de personnes. La fin du Système de Law est proche : la Banque ne compte pas assez d’or dans ses caisses pour rembourser tous les déposants : c’est la banqueroute !

Les conséquences de l’épisode de Law

L’ascension et la chute du Système de Law ont profondément marqué l’histoire financière française. Il s’agit de l’un des premiers épisodes d’intense spéculation sur des instruments financiers « modernes », comme les actions. Cet épisode débouche sur la création de la Bourse de Paris. Cette dernière est, en effet, instituée par l’arrêt du 24 septembre 1724, notamment dans le but de restaurer l’ordre économique, d’encadrer la spéculation et d’éviter un nouveau krach. Ce même arrêt proscrit, par la même occasion, les opérations à terme. Cette interdiction restera en vigueur jusqu’en mars 1885, bien que les opérations à terme soient alors largement pratiquées.

Les années 1716-1724 consacrent ainsi Paris comme l’unique centre financier du pays. Jusqu’ici disputée par Lyon, Paris devient la première place pour la négociation des lettres de change, des effets de commerce, et à partir du XIXe siècle, des valeurs mobilières. Enfin, l’épisode de Law a, sans doute, alimenté, en France, une défiance vis-à-vis de la monnaie-papier, ce qui a retardé son utilisation à grande échelle.

    2 commentaires sur “17 juillet 1720 : la bousculade de la rue Vivienne et la chute du Système de Law”
    1. En fait, ce n’est pas l’encaisse-or qui fait la prospérité des établissements financiers – et accessoirement de l’Etat – mais la confiance qu’on leur accorde. Sans la garantie de l’Etat, la plupart des banques s’effondreraient, tout comme le système Law, ainsi que l’a bien démontré, een 2008, la faillite de Lehman Brothers que n’avait pas voulu soutenir le libéralisme américain. Sarkozy montrera, à cet égard, une lucidité très critiquée, mais en définitive salvatrice pour l’économie mondiale. Les libéraux n’ont toujours retenue qu’une partie des théories de Smith reconnaissant la nécessité éventuelle du « soutien du Prince », en d’autres termes de l’Etat dans le jargon contempolrain, en cas de crise.

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