Les bonus de salaire des dirigeants

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Les bonus (ou primes) sont des rémunérations variables versées à des salariés en sus de leur rémunération fixe, en fonction de critères de performance ou de résultats personnels ou collectifs sur une période donnée.

Les bonus constituent une méthode de rémunération couramment pratiquée dans les entreprises par exemple pour les agents commerciaux. L’existence d’une partie variable de la rémunération tend cependant à se généraliser sur le plan collectif (intéressement par exemple) et individuel (individualisation des salaires, incitation à la performance).

Dans le contexte de la crise financière, ce sont essentiellement les bonus attribués dans les banques d’investissement qui ont fait débat.

Bonus des dirigeants : quelques chiffres

En 2024, les rémunérations des dirigeants du CAC 40 en France ont continué d’augmenter. La part variable de leur revenu est assez importante. Pour cette année 2024, les dirigeants du CAC 40 ont donc perçu en moyenne 6,5 millions d’euros chacun avec une part variable d’environ 28 % (soit 1,8 million d’euros en moyenne).

Outre-Atlantique, les montants octroyés sont bien plus importants. Au début de l’année 2013, Google annonçait le versement d’un bonus de 15 millions d’euros à quatre de ses dirigeants.

Parallèlement, la banque d’affaires américaine Goldman Sachs octroyait quelques 700 000 actions gratuites, soit 100 millions d’euros aux douze membres de son équipe dirigeante, un bonus en actions justifié par les bons résultats de la banque au titre de l’année 2012. Une décision qui a choqué au vu des pratiques contestables de cette banque et de sa responsabilité dans la crise des subprimes quelques années plus tôt.

Bonus : juste rémunération ou pratique choquante ?

Des observateurs ou acteurs du secteur font valoir que les bonus ne sont qu’une « juste » rémunération au regard de ce que ces salariés rapportent à leur banque et qu’ils rémunèrent une compétence pointue et rare.

En effet, si on reprend les 6,5 millions de rémunération des dirigeants du CAC en 2024, ce montant représente 206 ans de travail au salaire moyen en France.

Une des raisons pour ces rémunérations XXL se situe dans le fonctionnement de notre économie. Dans un contexte de mondialisation financière et donc de concurrence entre institutions, ils jouent aussi un rôle d’aimant pour attirer ou retenir les meilleurs spécialistes. La crise n’a pas aboli ces pratiques, la concurrence entre banques d’investissement restant toujours aussi vive. Une course aux bonus qui permet de maintenir la hiérarchie des places boursières mondiales, souvent l’une des premières industries nationales de certains pays comme les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni. Cette course aux fortes rémunérations n’a pas lieu que dans les milieux financiers, mais aussi dans les grands groupes privés.

Pour l’année 2023, l’ancien directeur général du groupe automobile Stellantis (Peugeot, Fiat, Jeep, Opel, Citroën, Alpha Roméo…) a touché plus de 36 millions d’euros, soit 1 140 ans de travail au salaire moyen.

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À cette argumentation, d’autres opposent le caractère socialement choquant d’une reprise des bonus alors que les difficultés économiques sont nombreuses pour une grande partie de la population et se traduisent notamment par un haut niveau de chômage. Le fait que certaines de ces entreprises bénéficient de fonds publics échauffe d’autant plus les esprits.

Au-delà de l’argument « moral », certains font valoir que la reprise du système des bonus signifie que « l’on recommence comme avant », et que des facteurs qui ont généré la crise sont à nouveau à l’œuvre. Les banques restaurent leurs profits sur les marges obtenues sur des activités « classiques » de crédit, pourtant restreintes, et surtout par la reprise des paris de court terme.

Selon certains mêmes, il n’y aurait pas d’inconvénient majeur à supprimer les bonus dans la finance, ni pour le financement de l’économie, ni pour la compétitivité des places financières.

Bonus : les effets pervers du système financier ?

S’agissant des bonus attribués dans la finance, non seulement le niveau, mais aussi la structure des rémunérations ont été mis en cause. Aux yeux de nombreux observateurs, les bonus ont été une des causes de la crise, dans la mesure où ils ont constitué une puissante incitation (parmi d’autres) à privilégier les paris à court terme sur les marchés et des prises de risques excessifs de la part des banques d’investissement.

Certains effets « pervers » du système ont été soulignés :

  • Les bonus ne sont pas calculés sur les performances financières globales des banques, mais uniquement sur celles des départements qui rapportent directement de l’argent aux banques comme ceux du « trading » (qui achètent et vendent sur les marchés) et de l’ingénierie des produits « innovants » (dérivés et titrisation). Les opérateurs qui les réalisent n’ont donc aucun intérêt à coopérer avec les services du contrôle interne des banques qui pourraient limiter leurs bonus. Ils ont intérêt à sous-estimer les risques.

  • Les bonus sont calculés sur le gain à court terme et de façon asymétrique (asymétrique signifie, en clair, « pile je gagne et face tu perds », comme on disait dans la cour des écoles). Les profits pris en compte sont ceux réalisés sur de courtes périodes et il n’y a pas de malus lorsque l’activité se révèle entrainer des pertes ou être moins rentable à plus long terme compte tenu des risques pris.

  • Les montants des bonus sont considérables. Ils n’ont cessé de croitre jusqu’à l’aggravation de la crise à l’automne 2008.

Ainsi, en 2007, avant le déclenchement de la crise financière, les bonus versés dans les cinq plus grandes banques d’investissement américaines de l’époque ont été évalués à 38 milliards d’euros dont 20 pour la seule Goldman Sachs.

Comment fonctionne la rémunération des dirigeants ?

La rémunération des dirigeants s’articule autour de plusieurs composantes complémentaires. Le salaire de base constitue le socle fixe, complété par une part variable liée aux performances de l’entreprise.

Cette structure inclut des avantages en nature comme un véhicule de fonction ou une assurance santé premium. Les dispositifs d’intéressement à long terme, tels que les stock-options ou les actions gratuites, visent à aligner les intérêts du dirigeant avec la création de valeur pour l’entreprise.

Le montant global varie selon le secteur d’activité, la taille de l’organisation et la réalisation d’objectifs précis. 

Par exemple, un PDG d’une entreprise du CAC 40 peut recevoir jusqu’à 30 % de sa rémunération sous forme de bonus annuels, conditionnés par l’atteinte de résultats financiers spécifiques.

Est-ce que le bonus fait partie du salaire ?

Le bonus représente une rémunération variable distincte du salaire fixe sur le plan juridique. Sa nature contractuelle dépend de son caractère régulier et des conditions de versement définies entre l’entreprise et le dirigeant.

Un bonus versé de manière constante sur plusieurs années devient un élément contractuel de la rémunération, soumis aux cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu. Les montants sont alors intégrés dans le calcul des indemnités de congés payés et de licenciement.

La qualification juridique du bonus varie : prime exceptionnelle si le versement est ponctuel, élément de salaire si le paiement est systématique. Cette distinction détermine les droits du dirigeant en cas de départ de l’entreprise.

Bonus des dirigeants : un encadrement législatif renforcé en France

Au début de l’année 2013, le gouvernement Ayrault avait annoncé la volonté d’encadrer davantage les salaires des dirigeants.

La réforme bancaire, adoptée en juillet 2013 a instauré ce principe. Les bonus et autres rémunérations variables des dirigeants bancaires et des traders doivent désormais être inférieurs au niveau de leurs rémunérations fixes (salaires). À noter que cette part variable peut toutefois excéder de deux fois au maximum la rémunération fixe, à condition que les actionnaires s’y prononcent favorablement par un vote en assemblée générale à la majorité qualifiée.

Pour les dirigeants « non bancaires », l’encadrement législatif s’illustre principalement par la mise en place du say on pay, c’est à dire par la mise en place d’un vote consultatif au sein des assemblées générales sur leur niveau de rémunération.

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La loi Sapin 2 de décembre 2016 s’ajoute aussi à ce dispositif. Elle permet de mieux lutter contre la corruption et de protéger les lanceurs d’alertes. L’objectif est d’obliger les grands groupes à procéder à des évaluations internes sur les risques de corruption et de trafic d’influence.

Réglementation des bonus en Europe

Suite aux nombreux scandales révélés par la crise financière de 2008 concernant les rémunérations de quelques hauts responsables bancaires et les prises de risque inconsidérées de certains traders, l’Union européenne a mis en place un certain nombre de mesures destinées à limiter les bonus du secteur financier (banques et entreprises d’investissement).

Depuis le 1er janvier 2014, après plusieurs mois de négociation entre États membres de l’Union européenne, le plafonnement des bonus bancaires est entré en vigueur. Désormais, le montant de la rémunération variable ne doit pas excéder celui de la rémunération fixe. Sous certaines conditions, ce plafonnement peut aller jusqu’à deux fois la rémunération fixe sous réserve qu’il soit accepté à la majorité qualifiée en assemblée générale.

De nouvelles mesures ont été prises par les eurodéputés en 2017, mais celles-ci restent en retard sur la législation française à ce stade. Il est notamment inclus de permettre aux actionnaires d’influer sur la rémunération des dirigeants lors de votes en assemblée générale.

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