La libre circulation des capitaux, des produits et des services est une règle de base du marché unique européen. Les grandes entreprises, les capitaux financiers, les personnes ayant les meilleures qualifications peuvent ainsi choisir beaucoup plus librement leurs lieux d’implantation, de résidence et d’imposition. Cela pousse les États à mettre en œuvre des fiscalités avantageuses pour attirer ces acteurs économiques sur leurs territoires.
Les avantages fiscaux proposés par certains États européens ou certains territoires étroitement liés à des États européens (Îles britanniques, Liechtenstein, voire l’Irlande par exemple), sont tels qu’ils sont considérés par de nombreux observateurs comme des paradis fiscaux même s’ils ne font pas partie de la liste officielle et très restrictive des paradis fiscaux établie par l’OCDE.
Le problème est devenu si sensible que la Commission européenne travaille depuis 2012 sur un plan d’action pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
L’institution européenne appelle ses membres à se coordonner davantage pour protéger leurs assiettes fiscales et récupérer les milliards d’euros auxquels ils peuvent légitimement prétendre. Cette lutte s’appuie sur les engagements du G20 au sommet de Mexico de 2012 qui ont débouché depuis sur le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting ou Erosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices) que mène l’OCDE et qui inclut une centaine de pays. Dans l’Union européenne (UE), cela se traduit par la tentative de définir une « Assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés » (ACCIS).
Elle permettrait d’avoir un ensemble unique de règles permettant de déterminer le résultat imposable d’une société au sein de l’UE et d’éviter de jouer sur les subtilités juridiques d’un pays à un autre.
Cependant, cette unification des règles, qui est une étape nécessaire, ne signifie pas pour autant un taux d’imposition commun qui demeure la prérogative de chaque membre.
Une imposition globale élevée
Les pays de l’UE se caractérisent par un niveau élevé de fiscalité. Le taux de prélèvements obligatoires y atteint 40,2 % en 2017 en moyenne contre 26,8 % aux États-Unis ou 32,8 % au Canada. Au sein de l’UE, en dépit d’un certain rapprochement, les écarts restent très importants.
Ces différences s’expliquent notamment par l’importance plus ou moins grande des dépenses de protection sociale (santé, famille, retraite, éducation…) financées collectivement. En effet, le choix d’un pays d’opter pour un financement des retraites par répartition se traduit logiquement par un taux de prélèvement supérieur à celui d’un pays où elles sont assurées par un système par capitalisation. Selon les chiffres de la Drees, 53,2 % des prélèvements en France étaient consacrés au financement de la sécurité sociale en 2017. C’est relativement plus que dans les autres pays européens.
La fiscalité des ménages sous pression
Les personnes qui ont les plus hauts revenus sont aussi celles qui ont le plus de facilités pour choisir leur lieu de travail, de résidence et d’imposition. Les États peuvent donc être incités à privilégier les impôts reposant d’abord sur des facteurs non mobiles comme la consommation et l’immobilier.
Taux implicite* d’imposition de la consommation (2018) |
Taux implicite d’imposition** sur le travail (2017) |
Impôts sur la propriété (en % du PIB)*** (2018) |
|
Allemagne |
16,2 |
38,6 |
1,1 |
Belgique |
18,0 |
41,2 |
3,5 |
Bulgarie |
19,9 |
24,7 |
0,8 |
Danemark |
25,0 |
34,6 |
2,5 |
Espagne |
13,8 |
34,2 |
2,6 |
Finlande |
22,5 |
39,2 |
1,5 |
France |
17,9* |
40,9 |
4,6 |
Grèce |
17,6 |
43,2 |
3,2 |
Italie |
15,7 |
42,7 |
2,4 |
Irlande |
19,6 |
32,9 |
1,2 |
Lituanie |
16,6 |
31,8 |
0,3 |
Pays-Bas |
19,0 |
33,2 |
1,7 |
Pologne |
19,1 |
33,8 |
1,7 |
Roumanie |
15,3 |
30,7 |
0,6 |
Suède |
21,2 |
39,6 |
1,1 |
Moyenne de l’Union européenne |
17,3 |
38,2 |
2,2 |
Source : Europa
* TVA, taxes sur le tabac et l’alcool, taxes sur l’énergie
** Tranche marginale de l’impôt sur le revenu et autres taxes liées au revenu (en France CSG, CRDS)
*** Taxe annuelle liée à la valeur foncière, taxe sur les transactions
A noter, qu’avec des taux souvent inférieurs à 20%, les pays de l’Est de l’Europe ont les tranches marginales de l’impôt sur le revenu les plus bas d’Europe.
Entreprises : la course à l’attractivité fiscale
Depuis 11 ans, les différents pays de l’UE ont réduit de plus de 2 points le taux d’impôt effectif sur les sociétés. Mais certains pays ont fait preuve d’un volontarisme particulier dans ce domaine au point d’en faire un véritable argument pour maintenir ou attirer les entreprises sur leur territoire. C’est le cas de la Hongrie (- 8,4 points), de l’Italie (- 8,1 points), de Malte (- 7,8 points), de l’Allemagne (- 6,6 points), de l’Espagne (- 4,4 points), de la République Tchèque (- 4,3 points), et des pays scandinaves (- 4,9 points en Finlande et – 5,2 en Suède).
* Impôt sur les sociétés lié aux profits, taxes non liées aux profits mais aux actifs de la société (propriétés immobilières, financières,…)
Comme pour les ménages, il est intéressant de noter que les taux d’imposition sont très attractifs dans les pays situés à l’Est de l’Europe. Mais dans le cas des entreprises, ce phénomène s’étend à la périphérie de l’UE comme l’Irlande ou les pays scandinaves.
Des stratégies différentes
Globalement, depuis 11 ans les Etats de l’UE ont cherché à réduire les impôts sur les acteurs économiques les plus mobiles (- 2,3 points sur les entreprises) en les reportant sur les facteurs les plus fixes (consommation + 0,6 point et propriété + 0,3 point).
Les divergences fiscales au sein même de l’Europe reflètent quant à elles des logiques politiques et économiques différentes. Les pays de l’Est et anglo-saxons ont choisi une logique libérale avec de faibles prélèvements obligatoires. Les pays nordiques ont privilégié un système de protection sociale collectif. Pour la financer, ils ont poussé la logique de mobilité des facteurs de production à son maximum avec une forte taxation des ménages et des taux d’imposition très bas pour les entreprises afin de rester compétitifs. L’Allemagne a davantage recherché un équilibre entre tous ces facteurs. La Belgique, l’Italie et la France ont eux aussi choisi une couverture sociale collective mais ils refusent de pénaliser la consommation. Ils sont donc obligés de la financer par l’imposition sur la propriété mais aussi sur des facteurs plus mobiles comme les ménages les plus aisés et surtout les entreprises. Ils s’exposent donc au risque de départ de ces contributeurs à l’impôt. Reste à connaitre le degré réel de mobilité de ces acteurs économiques selon les impôts qu’ils paient.
Une société allemande peut elle vendre des vélos à des militaires français en omettant sciemment d’y ajouter la TVA et donc de facturer TTC. N’est-ce pas une pratique de concurrence déloyale et interdite, qui peut l’en empêcher ?
Bonjour,
Les biens importés sont effectivement soumis à la TVA. Pour plus de renseignements sur le sujet, vous pouvez contacter la Direction générale des finances publiques dont vous trouverez les coordonnées à l’adresse suivante : https://www.impots.gouv.fr/contacts
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Le taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés étant de 15,825 % en Allemagne, pourquoi dites vous qu’il est de 30 % dans vos graphiques ?
Bonjour,
Le taux d’imposition « standard » sur les sociétés en Allemagne est effectivement de 15,825 %. A ce taux s’ajoute toutefois, une taxe professionnelle dont le taux varie selon les municipalités et est compris entre 7 et 17,5 %. Il est ainsi d’usage de présenter un taux « total » d’imposition sur les sociétés en Allemagne compris entre 30 et 33 %.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Bonjour,
merci pour cet article bien documenté.