Pour ce faire, la plupart des études s’appuient sur une répartition en déciles voire, en centiles des revenus. En les classant par ordre croissant puis en les regroupant dans des échantillons de taille égale, on peut obtenir l’évolution du premier décile, soit des 10 % des revenus les plus faibles, des suivants et enfin des 10 % des revenus les plus élevés. En centiles, on obtient l’évolution des 0,01 % des revenus les plus faibles jusqu’à celle des 0,01 % des revenus les plus élevés.
Répartition par tranche des revenus en France (2013)
Population (+ de 20 ans) | Revenus minimum de la tranche | Revenus moyens de la tranche | Part de la tranche dans l’ensemble des revenus | |
Ensemble de la Population | 51 721 510 | 0 | 34 580 | 100,0 % |
50% des revenus les plus modestes | 25 860 755 | 0 | 15 500 | 22,4 % |
40% des revenus moyens | 20 688 604 | 27 520 | 38 810 | 44,9 % |
10 % des revenus les plus élevés | 5 172 151 | 58 070 | 112 830 | 32,6 % |
1 % des revenus les plus élevés | 517 201 | 167 090 | 373 330 | 10,8 % |
0,1% des revenus les plus élevés | 51 722 | 563 730 | 1 277 960 | 3,7 % |
0,01 % des revenus les plus élevés | 5 172 | 2 072 470 | 4 470 980 | 1,3 % |
0,001 % des revenus les plus élevés | 517 | 7 222 080 | 13 639 860 | 0,4 % |
Source : Garbinti, Goupille-Lebret et Piketty (2018).
Des inégalités de revenus croissants, en particulier aux extrêmes
Le graphique ci-dessous représente l’évolution des revenus (du travail et du capital) par individu avant le paiement des impôts et le versement de prestations sociales (sauf pensions de retraite et allocations chômage)
Force est de constater que la part du revenu moyen du premier groupe P0-90 (soit les neufs premiers déciles) s’est érodée de 1983 et 2014 contrairement à celle du dernier centile (P99-100) qui elle a progressé de l’ordre de 10 %. Cette évolution est d’autant plus remarquable pour les 0,1 % des ménages les plus riches (P99,9-100) dont la part du revenu a en moyenne progressé de plus de 70 % sur la même période.
Un phénomène qui n’a pas toujours existé
La crise des années 1930 puis la Seconde Guerre mondiale avaient réduit les revenus des plus aisés tandis que les politiques sociales, d’abord du Front Populaire en 1936 puis institutionnalisées pendant les 30 Glorieuses avec la mise en place de l’État-Providence, ont permis un meilleur partage de la richesse produite. La conjugaison de ces deux effets avait ramené la part des 1 % les plus riches dans le revenu national de plus de 22 % à moins de 8 % après l’arrivée au pouvoir du président socialiste François Mitterrand en 1981.
Depuis 1983, le mouvement s’est inversé pour flirter avec les 12 % à la veille de la crise de 2008, renouant ainsi avec les niveaux d’après-guerre.
Le capital (dividendes, intérêts, loyers…) principale source de revenus des 1 % les plus riches
En France, les hautes rémunérations sont principalement composées par des sources de revenus tirés du capital (dividendes, intérêts, perception de loyers, stock- options, etc.). En 2012, elles représentent plus de 50 % des revenus des fameux 1 %, et même plus 70 % pour les 0,1 % les plus riches de la population.
Ce sont ces revenus du capital qui expliquent la progression des 1 % les plus riches depuis les années 1980. Alors que les employés ont dû supporter une modération salariale imposée par les crises économiques successives, un chômage de masse et une concurrence en provenance des pays émergents à faible coût de main d’œuvre, les plus aisés ont profité, pour leur part, de la libéralisation des marchés financiers et économiques. Celle-ci a avantagé la croissance des profits et donc la rémunération des actionnaires dans un contexte de désinflation plus favorable aux revenus de rente (loyer perçu, intérêts obligataires).
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