Les dirigeants américains sont les mieux payés
Sur la base des rémunérations versées par les entreprises composant l’indice boursier de chaque pays, les patrons américains font de loin la course en tête avec un salaire moyen de 14,25 millions de dollars. C’est près de 68 % plus élevé que les patrons suisses du Swiss Market Index et 4 fois plus que la moyenne mondiale calculée sur 22 pays.
L’indice mondial des rémunérations des dirigeants (pondérées par les capitalisations boursières)
|
Rémunération (millions de dollars) |
Multiple par rapport à la moyenne |
Moyenne |
3,55 |
1 |
Etats-Unis |
14,25 |
x 4,01 |
Suisse |
8,5 |
x 2,39 |
Pays-Bas |
8,24 |
x 2,32 |
Royaume-Uni |
7,95 |
x 2,24 |
Canada |
6,49 |
x 1,83 |
Allemagne |
6,17 |
x 1,74 |
Australie |
4,96 |
x 1,40 |
Espagne |
4,89 |
x 1,38 |
Hong-Kong |
4,88 |
x 1,38 |
Singapour |
4,62 |
x 1,30 |
France |
2,75 |
x 0,77 |
Japon |
2,2 |
x 0,62 |
Chine |
1,9 |
x 0,53 |
Inde |
1,5 |
x 0,42 |
Norvège |
1,28 |
x 0,36 |
Source : Bloomberg
Prendre en compte le niveau de vie de chaque pays
L’agence Bloomberg a cependant affiné son analyse en rapportant ces salaires au revenu moyen qui a été approximé avec le PIB par habitant. Afin d’éviter les distorsions de niveau de vie entre les pays, ces calculs ont été réalisés à parité de pouvoir d’achat (PPA). A partir de cette approche, quelques pays émergents font leur entrée dans ce classement : l’Inde, l’Afrique du Sud ou encore la Chine.
Rémunérations des dirigeants par rapport au revenu moyen
Rémunération (millions de dollars) |
Multiple par rapport à la moyenne du PIB/hab. en PPA |
|
Etats-Unis |
14,25 |
x 265 |
Inde |
1,46 |
x 229 |
Grande-Bretagne |
7,95 |
x 201 |
Afrique du Sud |
2,21 |
x 180 |
Pays-Bas |
8,24 |
x 171 |
Suisse |
8,5 |
x 152 |
Canada |
6,49 |
x 149 |
Espagne |
4,89 |
x 143 |
Allemagne |
6,17 |
x 136 |
Chine |
1,87 |
x 127 |
France |
2,75 |
x 70 |
Norvège |
1,28 |
x 20 |
Source : Bloomberg
Cette suprématie américaine, nous la retrouvons donc logiquement dans le salaire des 10 dirigeants les mieux payés qui sont tous américains.
Les 10 plus hauts salaires de dirigeants d’entreprise en 2016 (en millions de dollars)
Nom |
Entreprise |
Salaire |
Marc Lore |
Wal-mart |
237 |
Tim Cook |
Apple |
150 |
John S.Weinberg |
Evercore Partners |
124 |
Sundar Pichai |
Alphabet (Google) |
107 |
Elon Musk |
Tesla |
100 |
Ginni Rometty |
IBM |
97 |
Mitch Garber |
Ceasers Acquisition |
91 |
Philippe Dauman |
Viacom |
88 |
Les Moonves |
CBS |
84 |
Mario J. Gabelli |
Gamco Investors |
76 |
Source : Bloomberg
Difficile de se représenter la valeur de ces millions ! Alors ramenons-les à une rémunération à l’heure qui nous est plus familière. Gagner 10 millions d’euros par an équivaut ainsi à un salaire de 1141 euros par heure… même en dormant. Cela revient à gagner 19 euros par minute, de jour comme de nuit !
A titre de comparaison, les plus hautes rémunérations des patrons du CAC 40 étaient toutes inférieures à 10 millions d’euros en 2015, à l’exception d’Olivier Brandicourt dirigeant du groupe pharmaceutique Sanofi.
Mieux vaut encore être patron que sportif
Autres éléments de comparaison, les rémunérations des sportifs qui défraient aussi régulièrement les chroniques journalistiques. Pourtant, les rémunérations des sportifs les plus célèbres restent encore en deçà de celles des 10 dirigeants les mieux payés.
Les 10 plus hautes rémunérations des sportifs en 2016 (en millions de dollars)
Sport |
Nom |
Salaire |
Contrats |
Total |
Football |
Cristiano Ronaldo |
56 |
32 |
88 |
Football |
Lionel Messi |
53,4 |
28 |
81,4 |
Basketball |
LeBron James |
23,2 |
54 |
77,2 |
Tennis |
Roger Federer |
7,8 |
60 |
67,8 |
Basketball |
Kevin Durant |
20,2 |
36 |
56,2 |
Tennis |
Novak Djokovic |
21,8 |
34 |
55,8 |
Foot américain |
Cam Newton |
41,1 |
12 |
53,1 |
Golf |
Phil Mickelson |
2,9 |
50 |
52,9 |
Golf |
Jordan Spieth |
20,8 |
32 |
52,8 |
Basketball |
Kobe Bryant |
25 |
25 |
50 |
Source : Forbes
Comment comprendre ces niveaux de rémunération ?
Selon une étude datant de 2014 du plus grand syndicat américain AFL-CIO, le ratio entre le salaire des dirigeants des entreprises composant l’indice boursier du S&P 500 et de leurs salariés est passé de X 41 en 1983 à x 347 en 2016. Qu’est-ce qui a pu justifier en un peu plus de 30 ans une telle augmentation.
Des parts variables qui augmentent
C’est d’abord l’augmentation de la part variable dans la rémunération totale des dirigeants qui explique cette envolée des inégalités. Avec l’enrichissement des « packages » avec des stock-options, des attributions d’actions gratuites, etc… la rémunération des dirigeants est devenue de plus en plus corrélée aux marchés boursiers.
Comme l’illustre le graphique ci-dessous, depuis le milieu des années 70, l’indice du salaire moyen aux Etats-Unis a été multiplié par 5,63, alors que les capitalisations boursières des entreprises composant le Dow Jones a été multipliées par près de 400 fois.
Cependant, l’indexation de plus en plus grande de la rémunération des dirigeants sur l’évolution du cours de bourse de leurs entreprises a mené à des abus en focalisant ces dirigeants sur des critères de performances financières de court terme.
Elon Musk est peut-être celui qui pousse cette logique le plus loin. Le fondateur de Telsa qui a pour ambition de devenir le 1er constructeur automobile au monde a décidé de ne plus se rémunérer autrement que par les performances boursières de son groupe. Les actionnaires ont ainsi accepté un plan de rémunération de 56 milliards de dollars qui seront versés en 12 étapes avec un premier seuil à 100 milliards de dollars de capitalisation boursière, puis à chaque 50 milliards supplémentaires, jusqu’à 650 milliards de dollars.
Différence de taille cependant avec d’autres dirigeants d’entreprise : Elon Musk est le fondateur de son entreprise et se situe donc dans une logique d’entrepreneur ce qui n’est pas le cas d’un dirigeant propulsé pour quelques années à la direction d’une entreprise souvent déjà établie depuis des décennies.
C’est pour cette raison, que ces « packages » salariaux prennent de plus en plus en compte des critères qualitatifs et de long terme qui retiennent des éléments de soutenabilité de la croissance de l’entreprise.
Une comparaison qui auto-entretient la hausse des rémunérations
Autre phénomène qui a soutenu cette progression fulgurante des rémunérations, la tendance à la comparaison des rémunérations des PDG. Depuis les classements dans les magazines aux études des cabinets de consultants, la globalisation a rendu mondiale la progression des salaires des dirigeants justifiée par celle de leurs concurrents. Cette comparaison est d’ailleurs douteuse quand nous observons que les grandes compagnies internationales sont généralement dirigées par des personnes de la même nationalité que l’entreprise.
Pour quelques dirigeants d’entreprises, cette rivalité de prestige n’a pas connu beaucoup de limite. En effet, avec un conseil d’administration acquis à sa cause, pour la bonne raison qu’il est composé bien souvent de membres dont il votera lui aussi à son tour la rémunération, certains dirigeants d’entreprise ont pu voire chaque année leur rémunération réévaluée et pas seulement au rythme de l’inflation.
C’est pour cette raison que la législation est devenue de plus en plus contraignante sur le mode de fixation des rémunérations des dirigeants. Aux Etats-Unis, à la suite de la crise de 2008, la loi Dodd-Frank de 2010 exigea la diffusion des rémunérations rapportées à celles des salariés. En France, le code de bonne conduite AFEP-MEDEF devait éviter des dérapages sur les rémunérations des dirigeants français. Mais après de nouveaux scandales, le gouvernement a dû légiférer en 2016 pour rendre contraignant le Say on pay.
Cette formulation anglo-saxonne désigne le droit des actionnaires à émettre une opinion sur la rémunération des dirigeants. Auparavant seulement consultative, elle est devenue à cette date contraignante : si plus de 50 % des actionnaires ne votent pas le « package » de rémunération proposé, les dirigeants devront revenir avec une nouvelle proposition ou conserver leur ancienne rémunération.
C’est après le scandale sur la rémunération de Carlos Ghosn au printemps 2016 que fût intégré dans la loi Sapin II « relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », l’obligation d’appliquer la décision du vote des actionnaires. En effet, le dirigeant de Renault, malgré l’opposition de ses actionnaires dont l’Etat à hauteur de 26 %, était passé outre et son conseil d’administration avait maintenu la hausse de sa rémunération. Preuve s’il en fallait du manque d’indépendance réelle de ces comités qui ressemblent parfois davantage à des clubs fermés où les membres se rendent mutuellement service.
Une raison de plus de faire valoir son droit d’actionnaire et de voter aux assemblées générales ou d’investir dans des fonds commun de placement (FCP) qui exercent ce droit en s’imposant des critères clairs de vote sur les sujets de développement durable dont font parties les rémunérations des dirigeants.
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