En 2017, plusieurs acteurs de l’ère numérique se sont intéressés à cette innovation. Philippe Rodriguez, président de l’association Bitcoin France, a écrit un livre intitulé « La révolution Blockchain ». Stéphane Loignon, auteur du livre « Big Bang Blockchain : la seconde révolution d’internet », anticipe aussi un véritable changement du monde sous l’effet de la blockchain, dans le domaine économique, politique et sociétal, aussi puissant qu’internet.
Applications de la blockchain
Un des avantages premiers que nous offre la blockchain est de nature économique. La blockchain, basée sur les échanges de pair à pair, permet de supprimer tout intermédiaire durant les transactions. Cette technologie constitue un système totalement décentralisé et numérique.
Les intermédiaires des échanges hors-blockchain, tels que les banques ou autres plateformes comme Uber pour le transport ou Booking pour le logement, se constituent une rémunération sous forme de commission. L’existence d’intermédiaires alourdit donc le prix total payé in fine par le consommateur de ces services et de ces biens.
La blockchain a ainsi permis la création d’alternatives à ces plateformes touchant des commissions. On peut donner l’exemple d’Open bazaar (le Ebay de la blockchain), qui permettait de mettre en relation les demandeurs et les offreurs de biens ou services sans intermédiaires, et donc à des tarifs plus avantageux. Le service a pourtant fermé ses portes en 2020 à cause d’un nombre d’utilisateurs trop faible. Il existe en fait beaucoup de projets ambitieux, mais aucun n’a pour l’instant réussi à révolutionner la formule.
La blockchain est présente dans nombre d’autres domaines, comme la sécurité des informations personnelles, la logistique, la santé ou la location de service. Pour illustrer ce dernier domaine d’application, nous pouvons imaginer une location d’appartement. La serrure de la porte de l’appartement, une fois connectée à la blockchain, peut être liée à un contrat intelligent (smart contract). Lorsque le contrat expire, la porte se verrouille automatiquement.
Parmi les innovations majeures de la blockchain, les contrats intelligents, permettent d’exécuter automatiquement, sans intervention humaine, les conditions et termes d’un contrat. Cette innovation a pris naissance grâce à la blockchain Ethereum.
Une autre application de la blockchain, toujours liée à sa nature d’outil sans intermédiaires, est le transfert d’argent. La blockchain, notamment grâce à la crypto-monnaie Bitcoin, atteint le domaine bancaire. En effet, cette monnaie numérique, une fois acceptée par les acteurs concernés du transfert monétaire, est transmise à travers la blockchain sans passer par des intermédiaires bancaires et donc avec des coûts de transactions très bas, qui permettent de rémunérer les mineurs de Bitcoin. Cette nouvelle monnaie pourrait, sur le long terme, avoir une place importante à côté des monnaies traditionnelles.
Dans plusieurs pays d’Afrique, les populations sont confrontées à des coûts de transactions très élevés lorsqu’ils souhaitent réaliser des transferts d’argent avec l’international. C’est au Kenya qu’a été créé le premier portefeuille mobile pour Bitcoin en 2013, dénommé Kipochi.
Cette initiative a permis de réduire de manière significative les couts de transaction des transferts internationaux. Cependant, suite à une transaction, les utilisateurs doivent trouver des intermédiaires pour convertir les Bitcoins reçus en monnaie nationale.
La blockchain est aussi utilisée dans le monde de l’assurance. Cela peut consister à offrir via la blockchain, une assurance personnalisée à la demande en termes de nature et de durée de l’assurance. C’est à travers une application utilisant la technologie blockchain que ce processus entre l’offreur de l’assurance et le demandeur pourra être réalisé.
Les limites de la révolution blockchain
Malgré le nombre de secteurs que pourrait impacter cette technologie révolutionnaire, il existe certaines limites à l’intégration de la blockchain dans nos sociétés.
La blockchain reste une technologie complexe à première vue, et ne semble toujours pas assez démocratisée pour véritablement révolutionner tous les secteurs dans lesquels on cherche à l’intégrer. Si beaucoup de grande entreprise utilisent déjà des procédés de blockchain personnalisés à leurs besoins, c’est beaucoup plus rare pour des PME ou TPE.
L’exemple du Bitcoin : volatil et risqué ?
Enfin, une autre limite de la blockchain concerne une de ses applications, qui est le transfert d’argent via le Bitcoin. En effet, cette monnaie numérique qui repose sur la blockchain, est dépourvue de cadre juridique à la différence des autres devises traditionnelles.
Ainsi, le Bitcoin n’a pas de cours légal (un commerçant n’est pas obligé de l’accepter, à l’inverse d’une monnaie qui a un cours légal que personne ne peut refuser et qui a ce qu’on appelle une « valeur libératoire »), et est basé sur le concept du pair à pair. Sa quantité étant très peu flexible (créer des bitcoins nécessite beaucoup de puissance de calculs), l’offre et de la demande s’ajustent toujours par les prix. Ceci crée une forte instabilité de la valeur du Bitcoin.
Ce graphique met en lumière la fulgurante ascension du cours du Bitcoin à partir de 2017, passant de moins de 1 000 euros à 53 000 en octobre 2021 ! Cette forte hausse n’est pas, comme on le voit, un processus uniforme. Au contraire, la période entre 2021 et 2023 a été un vrai yoyo en termes de cotation. Afin de mieux se rendre compte de la volatilité, regardons le graphique suivant.
On observe ici les variations mensuelles du Bitcoin en pourcentage. Ce qui frappe, par rapport au précédent graphique, est que les baisses du cours paraissent bien moins prépondérantes. Il y a certes des pics négatifs significatifs, mais qui sont largement compensés dans l’autre sens. Cela dit, la volatilité est forte : nous avons obtenu sur l’ensemble de la période, une volatilité de 21,24 % ! Bien plus que la volatilité de l’euro par rapport au dollar qui se situe bien en dessous de 1 %.
Quel est le futur pour la blockchain ?
Que dire alors de la fiabilité des crypto-monnaies se basant sur la blockchain ? Elles ne suscitent à ce jour pas la plus grande confiance. Si le Bitcoin, malgré une grande volatilité, réussit toujours à remonter, c’est surement grâce à sa notoriété de numéro un dans les cryptos. En revanche, de très nombreuses petites cryptos ont pu voir leur cours s’envoler avant de s’écraser aussitôt. Sans institution pour contrôler les cours, ceux-ci demeurent sujets aux paniques des investisseurs qui vendent dès que le cours baisse un peu trop à leur goût, entraînant des chutes brutales.
On entend aussi souvent que les crypto-monnaies seraient massivement utilisées dans le marché noir. Ce n’est pas faux en soi, mais dans les faits, leur part dans ce marché, tout comme dans le blanchiment d’argent, est marginale comparée aux monnaies fiduciaires classiques que sont le dollar ou l’euro. Sur une estimation du montant de l’argent blanchi par an entre 800 et 2 000 milliards de dollars, les crypto-monnaies représentent plus de 15 milliards de dollars. Soit entre 1,87 % et 0,75 % du total. Ce chiffre reste à nuancer, car si une grande partie des transactions ne sont que des opérations de spéculation.
L’usage concret du Bitcoin (ou d’autres cryptos) comme moyen de paiement est en revanche plus prépondérant pour les activités illégales.
Les secteurs traditionnels et la technologie de la blockchain
La blockchain semble ainsi menacer les secteurs traditionnels qui y répondent en intégrant cette technique dans leurs pratiques.
La blockchain est à première vue un ennemi pour les banques. Pourtant, certaines d’entre elles sont prêtes à l’intégrer dans leur propre système de fonctionnement afin de faciliter certains processus. La Banque centrale européenne (BCE) est depuis 2021 en pleine expérimentation pour lancer un euro numérique. Cette crypto-monnaie serait conduite par la BCE, lui assurant la même stabilité que l’euro classique. Quelle utilité alors ? L’euro numérique doit venir s’ajouter aux espèces et autres moyens de paiement (carte bancaire, virement, etc.) pour accroître les choix des usagers. De plus, les euros numériques, tout comme Wero, projet des principales banques européennes permettant des virements instantanés et gratuits entre personnes via un numéro de téléphone, permettent de ne pas passer par les géants Mastercard et Visa. En effet, à chaque paiement que vous faites avec votre carte bancaire, une petite commission va à la société qui gère le réseau de paiement (entre 0,20 % et 0,30 % du total). Ce sont donc des milliards qui partent ainsi dans les poches de ces deux grandes sociétés, or la BCE voudrait limiter la sortie des capitaux hors d’Europe.
L’euro numérique n’est pas annoncé avant au moins 2027, il faudra donc patienter d’ici là ou se tourner vers d’autres options pour les plus férus de la blockchain.
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