La forme que prend la courbe des taux d’intérêt sur les emprunts souverains renseigne sur les anticipations des investisseurs sur les risques de défaut de l’État émetteur ainsi que sur le niveau de l’inflation et des taux d’intérêt futurs.
De ce fait, elle constitue un bon indicateur de la santé économique et financière du pays émetteur. Les politiques d’assouplissement quantitatif menées par certaines Banques centrales peuvent également fortement l’influencer.
La forme de la courbe des taux est un indicateur de santé économique et financière
Dans un environnement économique stable marqué par une inflation faible et un endettement public soutenable, les rendements obligataires croissent avec la maturité des titres, c’est-à-dire que les taux d’intérêt s’élèvent de façon régulière au fur et à mesure que l’échéance du titre s’éloigne.
Cela s’explique par le fait que plus l’échéance est lointaine, plus le risque de réalisation d’évènements pouvant affecter défavorablement la valeur du titre obligataire est fort. En effet, plus on s’éloigne dans le temps, plus l’incertitude sur la capacité de remboursement de l’émetteur ou sur le niveau des taux d’intérêt ou d’inflation est élevée. Dans ces conditions, les investisseurs exigent une prime de risque pour prêter sur des échéances longues par rapport au fait de prêter sur des échéances courtes.
Les risques obligataires
Les investisseurs s’exposent à trois principaux risques lorsqu’ils achètent des titres obligataires émis par un État :
– un risque de taux s’ils souhaitent revendre leurs titres avant l’échéance. En effet, si les taux d’intérêt deviennent supérieurs à celui servi sur les titres acquis, la valorisation de ces derniers baisse, dépréciant d’autant le portefeuille obligataire des investisseurs
– un risque d’inflation. Si l’inflation augmente dans le futur, le rendement réel (net de l’inflation) du placement effectué se trouve diminué.
– un risque de défaut de remboursement à l’échéance, si l’État est défaillant, ce qui paraissait presque impossible il y a quelques années, avant la crise de la dette souveraine.
Toutefois, les emprunts d’État étant généralement considérés comme des titres « sûrs » dans le sens où ils ont peu de chance de ne pas être remboursés, les primes de risque attachées à l’éloignement des maturités sont assez réduites. Sur les échéances les plus longues, à 20, 30 ou 50 ans, elles peuvent même être quasi-nulles car sur ces horizons de très long terme, le risque de défaut tout comme les risques de taux ou d’inflation peuvent être considérés comme globalement identiques.
C’est la raison pour laquelle la courbe des taux sur les emprunts d’État des principaux pays développés revêt en règle générale une forme croissante et concave, comme présenté sur le graphique.
Courbe des taux et risque de contrepartie
Compte tenu de l’aversion au risque des investisseurs, la demande pour les titres les moins risqués est supérieure à celle des titres présentant un risque plus élevé. Il en résulte que les taux d’intérêt sur l’ensemble des maturités d’un émetteur sont d’autant plus faibles que le risque perçu par les investisseurs pour ces titres est lui même faible.
Ainsi, généralement, les titres obligataires émis par les entreprises sont-ils considérés comme plus risqués que ceux émis par les États. C’est pourquoi il existe une « prime de risque » attachée aux emprunts obligataires privés, parfois qualifiés de « corporate » par rapport aux emprunts souverains. Cette prime de risque se matérialise par des niveaux de taux d’intérêt supérieurs pour chaque échéance, ce qui se traduit par une courbe de taux présentant une forme similaire à celle des emprunts d’État, mais décalée vers le haut.
De même, le risque perçu par les investisseurs sur les titres obligataires des différents pays émetteurs varie selon la qualité plus ou moins grande de leur signature.
Ainsi, un État bénéficiant de la meilleure notation de la part des agences spécialisées pourra emprunter sur le marché obligataire à des niveaux de taux d’intérêt plus faibles qu’un État ayant une moins bonne notation. Cette différence de risque entre les deux pays se reflètera également au travers d’une courbe des taux décalée vers le bas pour l’émetteur ayant la meilleure notation.
La forme de la courbe des taux n’est cependant pas figée. Il se peut en effet qu’elle se modifie sensiblement en raison d’une évolution marquée de la situation monétaire ou budgétaire du pays émetteur.
La pentification de la courbe des taux
La pentification de la courbe des taux correspond à une situation dans laquelle la forme de la courbe des taux d’intérêt obligataires se modifie pour passer d’une courbe concave à une forme plus proche d’une droite, en raison d’une hausse des taux d’intérêt à long terme.
La pentification de la courbe des taux intervient lorsque les investisseurs exigent des primes de risque élevées pour prêter sur des échéances lointaines pour compenser un risque inflationniste ou de dérapage budgétaire futur qu’ils jugent supérieur au niveau actuel. La pentification de la courbe des taux est donc associée à des anticipations de hausse de l’inflation à terme ou de dégradation de la situation budgétaire.
L’inversion de la courbe des taux
L’inversion de la courbe des taux se produit lorsque les taux courts deviennent supérieurs aux taux longs. C’est généralement ce qui se passe dans une situation de forte hausse de l’inflation qui conduit la Banque centrale à remonter ses taux d’intérêt à court terme, laquelle hausse se diffuse sur toutes les échéances courtes (de 3 mois à moins de deux ans).
Si la Banque centrale est crédible aux yeux des investisseurs, ceux-ci anticipent alors une baisse de l’inflation future et réduisent la prime de risque attachée aux obligations de long terme.
Une inversion de la courbe des taux est souvent associée à des périodes de surchauffe économique, la vigueur de l’activité provoquant des tensions inflationnistes. Ces dernières poussent la Banque centrale à intervenir via la hausse des taux d’intérêt à court terme qui finissent par entraîner un ralentissement économique. L’inversion de la courbe des taux d’intérêt est ainsi généralement considérée comme un signe avancé du déclenchement d’une récession à moyen terme.
Par exemple, depuis les années 1960, sur les neuf fois où la courbe des taux des obligations du Trésor américain s’est inversée, huit ont précédé une récession.
L’aplatissement de la courbe des taux
L’aplatissement de la courbe des taux d’intérêt correspond à une situation dans laquelle les taux longs baissent et se rapprochent du niveau des taux d’intérêt à court terme tout en leur restant supérieurs.
Cette situation peut résulter de différentes causes. Elle peut notamment provenir d’un changement des anticipations des investisseurs quant au niveau des taux d’intérêt à long terme. S’ils estiment par exemple que l’inflation va baisser au cours des années futures, la prime exigée pour acheter des titres obligataires de long terme va baisser.
Mais d’autres éléments peuvent également aboutir à un aplatissement de la courbe des taux d’intérêt. En particulier, si la situation budgétaire d’un État fortement endetté s’améliore, la probabilité de défaut à moyen et long terme de cet État se réduit, ce qui se traduira par une baisse de la prime de risque exigée par les investisseurs pour souscrire à ses émissions de titres sur les maturités les plus longues.
Par ailleurs, la conjonction d’un environnement faiblement inflationniste et d’une abondance de liquidité au niveau mondial favorise la recherche par les investisseurs internationaux de placements à la fois peu risqués et offrant des rendements supérieurs à ceux qui sont proposés sur les titres de court terme. La demande de titres obligataires à long terme des principaux pays développés augmente, ce qui pousse les taux longs à la baisse.
Enfin, les politiques d’assouplissement quantitatif mises en œuvre par les Banques centrales peuvent aussi conduire à aplatir la courbe des taux.
Les politiques d’assouplissement quantitatif des banques centrales influencent la forme de la courbe des taux
Une politique d’assouplissement quantitatif (ou quantitative easing) consiste pour une Banque centrale à créer de la monnaie pour procéder à des achats massifs d’actifs financiers. L’objectif recherché étant d’injecter des liquidités importantes dans l’économie de façon à stimuler l’activité et à redresser le taux d’inflation pour éviter que l’économie ne tombe en déflation.
Pour ce faire, la Banque centrale peut procéder de deux façons :
– Soit elle achète les titres représentatifs de la dette publique émis par le Trésor sur le marché primaire.
– Soit elle rachète aux investisseurs (banques, assurances, fonds de pension, hedge funds,…) des titres sur le marché secondaire. Il s’agit généralement de titres obligataires souverains. Mais il peut aussi s’agir de titres obligataires « corporate », c’est-à-dire émis par des grandes entreprises. La Banque centrale peut même, dans certains cas, acheter des actions.
Quel que soit le canal par lequel passe le programme d’assouplissement quantitatif, il exerce – par l’ampleur des sommes injectées sur les marchés financiers primaire ou secondaire – un puissant effet à la baisse des taux d’intérêt à moyen et long terme.
En effet, la Banque centrale devient un acheteur majeur sur le marché des titres obligataires, provoquant par son intervention un surcroît de demande de titres qui se traduit par une hausse de leurs prix et une baisse de leurs rendements.
Merci pour les explications c’ intéressant
Bravo pour ces explications.
On s’orienterait donc vers une récession aux E-U . Quid en Europe ?(2019 ou 2020?)
Bonjour,
Merci pour vos encouragements. Certains analystes prévoient en effet une récession. Cependant, la prévision en économie étant un exercice délicat, nous nous garderons bien d’émettre un quelconque avis sur le sujet…
Meilleures salutations
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Explications très claires, bravo, merci.
Merci beaucoup pour ces explications suffisamment claire
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Merci pour l’explication j’ai bien compris
Merci pour votre explication
merci pour tout
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