Originaire des États-Unis et du mouvement FIRE, acronyme de Financial Independance Retire Early (« Indépendance économique, retraite précoce »), le frugalisme est en essor également en Europe, notamment en Allemagne et en France.
Bien que peu de chiffres existent sur l’importance du mouvement, on peut toutefois avancer que le frugalisme est un modèle de vie financière et de consommation particulièrement populaire auprès de la génération Y (née entre 1980 et 2000) et est surtout représentée au sein de la classe moyenne et moyenne supérieure.
Mais si la « liberté financière » est bien au cœur du frugalisme, ce dernier vise, plus largement, à une véritable « libération » de notre rapport à l’argent et au temps.
Le frugalisme vise à la liberté financière
Le frugalisme est davantage un mode de vie, un moyen, qu’un objectif : il s’agit pour les « FIREs » d’organiser le plus tôt possible leur vie financière dans le but d’être « libres financièrement » le plus rapidement possible.
Dans son approche financière, on définit la « liberté financière » comme la capacité pour un individu à se constituer des revenus passifs supérieurs à ses dépenses courantes (Robert Kiyosaki, Père riche, père pauvre).
Le frugaliste va d’abord décider de vivre « au-dessous de ses moyens »
L’objectif étant de dépenser moins pour mieux profiter de la vie, cela va souvent de pair avec le souhait de prendre sa retraite vers 40/45 ans – soit bien avant l’âge légal de la retraite.
Dès leur entrée dans la vie active, les frugalistes vont faire le choix (ne pas dire « sacrifice » !) de vivre « en dessous de leurs moyens » en vivant simplement voire ascétiquement, en épargnant massivement et en plaçant judicieusement leurs économies :
- Entre 40 et 60 % du revenu net est épargné, les postes d’alimentation, de loisirs, de transport et d’habitation étant particulièrement ciblés et réduits,
- L’épargne dégagée est prioritairement investie dans l’immobilier (investissement locatif), la bourse, et l’entreprenariat en ligne plus ou moins rémunéré, ce que les théoriciens du mouvement nomment les « revenus passifs » (Tim Ferriss, La semaine de 4 heures).
Le frugalisme suppose de pouvoir épargner !
Ce mode de vie peut sans nul doute tenter de nombreux particuliers, notamment en cette période de réforme des retraites (travailler encore et toujours plus ?), mais qui peut réellement s’y adonner, sachant que de très nombreuses personnes ont déjà du mal à « joindre les deux bouts », financièrement parlant ?
Certains membres du mouvement s’y préparent très tôt en choisissant par exemple des études et des métiers favorables au frugalisme à savoir ceux qui rapportent rapidement de bons revenus (cadre, ingénieur, ..) ou qui donnent la possibilité de faire plus d’heures (aide à domicile, restaurateur, …).
L’objectif est la « liberté financière » le plus tôt possible
La liberté financière est atteinte quand, à l’issue de la période de thésaurisation et de placement (durée de 15/20 ans), le frugaliste peut vivre uniquement sur les intérêts versés par les placements :
La règle d’or du mouvement est la « règle des 4 % » : pour devenir un « nouveau bienheureux » (Tim Ferriss), il faut placer ses intérêts à 4 % pour, au moment de la retraite anticipée, vivre sans puiser dans le capital,
Théoriquement, le capital nécessaire pour prendre sa retraite anticipée (et vivre donc de ses rentes) correspondrait à 25 fois le montant de ses dépenses annuelles : si ces dépenses s’élèvent à 30 000 euros, il faudra se constituer un patrimoine de 750 000 euros.
Espérer un rendement annuel moyen de 4 % nécessite de diversifier ses placements et d’accepter un risque en capital.
Mais la nouvelle « liberté financière » ne veut pas dire que les comportements financiers vont soudainement changer, bien au contraire :
Même après leur « retraite », les frugalistes restent des sobres, financièrement parlant. Leurs habitudes de consommation sont si ancrées qu’ils n’ont nul besoin de sur-consommation quand ils prennent leur « retraite ».
Les frugalistes vont conserver un niveau de vie relativement modeste (selon les rares statistiques publiées, le revenu par foyer serait autour de 30 000 euros net, soit 2625 euros net par mois).
Dans la réalité, de nombreux frugalistes continuent d’avoir une activité, plus ou moins rémunérée, souvent à temps partiel, mais toute la différence avec le salariat traditionnel est que cette sortie ne dépend plus de l’âge, mais d’une somme à atteindre pour vivre de ses rentes.
Le frugalisme vise surtout à une « libération » par rapport à l’argent et au temps
Si ce mouvement est un chemin vers l’indépendance financière, il vise dans le fond à une réelle libération dans notre rapport à l’argent, au travail, au temps… En cela, il s’apparente à une philosophie moderne en rupture avec nos conceptions traditionnelles.
Dans une approche plus générale, la « liberté financière » se définit comme la capacité pour un individu de ne plus être dépendant d’un emploi pour vivre, de faire ce qui l’intéresse réellement dans la vie et d’être lui-même.
Cette liberté s’exprime tant au niveau de la relation à la consommation, au travail, au temps, qu’au niveau de détachement à l’argent lui-même.
Le frugalisme rêve de nous libérer de la société du « RatRace »
La notion de liberté financière s’est approfondie depuis le début du XXIe siècle et la crise financière de 2008. Elle se développe en réaction au phénomène classique de nos sociétés modernes (« métro boulot dodo » ou « Rat-race » en anglais).
Le Rat-racing désigne ces salariés passant leur vie à courir, sans avancer, comme un rongeur dans sa cage. Surconsommation et endettement permanent caractérisent les rat-racers, qui au final subissent leurs vies, en troquant de façon cyclique, du temps contre de l’argent, sans pouvoir en sortir.
Néanmoins, le frugalisme ne doit pas être confondu avec certains mouvements plus radicaux : il n’est pas favorable à la décroissance par exemple, ne s’opposant pas à la société de consommation, mais prône une consommation sobre et juste.
Les frugalistes ne sont pas non plus anticapitalistes, ils veulent au contraire s’en servir judicieusement pour devenir des « néo-rentiers ». Le mouvement est au final peu politisé, les FIREs étant avant tout des pragmatiques, dont l’intention est de vivre différemment, de se libérer le plus rapidement possible des contraintes liées à l’argent et au salariat pour mieux s’occuper de soi, de sa famille, et s’investir dans des actions utiles au bien commun, loin de toutes autorités : bref, s’extraire du système, en ne dépensant pas notre temps pour de l’argent, mais en mettant l’argent au service de nos vies.
Le frugaliste veut aussi nous libérer de nos peurs liées à notre société économique
Car, plus profondément, le mouvement FIRE propose de nous libérer de nos peurs liées à l’argent, à la perte d’emploi, aux contraintes de l’endettement, à celle du niveau retraite, au stress personnel et professionnel, sources de dépression et de maladie.
Les frugalistes identifient ainsi dans le rat-race trois dangers principaux sur la santé : le Burn-out (le fait de trop travailler pour finalement tomber malade), puis le Bore out (le fait de s’ennuyer au travail, le travail ne correspondant pas ce que nous aimons vraiment), enfin le Brown out (le fait de ne pas trouver de sens au travail que l’on fait).
En face de ces peurs qui sont au cœur de nos sociétés économiques, les frugalistes proposent trois chemins de sortie du rat-Race :
- le premier est l’indépendance financière (constitution rapide de revenus passifs et alternatifs provenant de placements et d’investissements ;
- le second est l’auto-suffisance (je deviens producteur et non consommateur) ;
- enfin, le troisième est une notion plus moderne, c’est le « digital-nomadisme » fondé sur le travail à distance (je voyage en permanence grâce à un « métier numérique »).
Cela suppose une forte éducation financière de base, une belle volonté, et surtout des revenus qui permettent d’épargner massivement et dès le plus jeune âge !
Ce n’est pas non plus sans inconvénient : la vie sociale peut être limitée, il n’est pas forcément facile de fonder une famille, les tentations de la société de consommation restent fortes, et les relations avec ceux qui sont restés rat-racers peuvent être parfois compliquées…
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