Le rôle des agences de notation est de mesurer le risque de non-remboursement des dettes que présente l’emprunteur. Pour cela, elles construisent des scénarios financiers prévisionnels et évaluent la probabilité que chacun de ces scénarios se réalise à partir de l’examen de la structure future des coûts et des revenus de l’emprunteur.
Pour une entreprise, il s’agit des perspectives de développement commercial et financier. Pour un État souverain, il s’agit à la fois de la croissance, de sa capacité à lever l’impôt et de l’évolution prévisible de ses dépenses compte tenu de sa politique budgétaire.
Les fonds d’investissement font eux aussi l’objet d’une notation de la qualité du crédit. Cet exercice analyse les risques liés à la diversification, la liquidité et la sensibilité aux changements de taux d’intérêt des investissements, ainsi que la stabilité du gestionnaire.
Agences de notation : des notes de AAA + à D
Chaque agence possède son système de notation. Schématiquement, les notes s’établissent de A à D avec des échelons intermédiaires. Les notes peuvent être ainsi accompagnées d’un « + » ou « – » ou encore d’un « 1 » ou « 2 ».
De manière générale, plus la note est élevée, plus le risque est faible.
- Les notes AAA correspondent donc à une bonne solvabilité,
- les notes BBB définissent une solvabilité moyenne,
- les CCC indiquent un risque très important de non remboursement,
- enfin, la note D traduit une situation de défaut de paiement de l’emprunteur.
Dans le cadre de la globalisation financière qui a accru le financement de marché et l’a mondialisé, les investisseurs ne connaissent pas les émetteurs de titres. Les agences de notation produisent pour eux une information indispensable, facile à interpréter et avec plus de moyens que n’en ont la plupart d’entre eux. L’analyse du risque est ainsi déléguée à moindre coût à quelques acteurs spécialisés dans cette activité.
Notations financières : oligopole
Trois agences (Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch) contrôlent à elles seules plus la majorité du marché mondial de la notation. A côté des trois principales agences, la chinoise Dagong a gagné en importance ces dernières années.
En France, Moody’s note plus de 77 entreprises, 124 établissements financiers, 14 collectivités locales, 15 OPCVM de droit français ainsi qu’un département de gestion de taux.
Agences de notation payées par l’émetteur des produits
Les agences ne demandent pas toujours rétribution aux États qu’elles notent. En revanche, depuis les années 1970, les agences de notation ne sont plus payées par les investisseurs qui utilisent la notation dans leur stratégie d’investissement, mais par les émetteurs des produits soumis à notation. D’où le risque de conflit d’intérêt et de situations où les agences pourraient être enclines à fournir des notations accommodantes.
Reste que ces entreprises ne connaissent pas la crise. Ni en termes de développement d’activité (le développement de la titrisation leur a fourni des marchés considérables) ni en termes de rentabilité (supérieure à 20 %).
Le pouvoir considérable des agences de notation
Les titres moins bien notés présentent des risques et donc des taux d’intérêt plus élevés. Lorsqu’une entreprise et/ou un État subissent une dégradation de leur note, cela a pour conséquence d’augmenter le coût de son financement et d’aggraver les difficultés de l’émetteur. Inversement dans le cas contraire. La notation joue de façon « procyclique ». C’est à dire qu’un État ou entreprise dont la position financière se complique pour des raisons extérieures verra sa note de dégrader et devra repayer ce qu’elle doit à un taux encore plus élevé. Ce double choc pourra potentiellement empirer sa situation.
Le pouvoir de la notation est d’autant plus considérable qu’elle est devenue une norme utilisée par les régulateurs, alors même que les agences de notation soulignent elles-mêmes qu’elles ne font qu’émettre des opinions.
Des cours de justice américaines ont confirmé à plusieurs reprises la position des agences, en les considérant comme des « journalistes » ne pouvant être attaquées et rendues responsables au nom du 1er amendement à la constitution des États-Unis (liberté de parole). Cependant les régulateurs ont officialisé leur rôle.
Les accords de Bâle II font reposer la pondération des actifs pour déterminer le capital réglementaire des banques sur les notations des agences. Les compagnies d’assurances, les fonds de pension, les gérants d’OPCVM sont soumis à des règles de détention d’obligations et de titres appuyées sur les notations des agences. En cas de dégradation trop forte d’un titre, ils doivent vendre. Les titres acceptés par la Banque centrale européenne en contrepartie de refinancement des banques doivent être d’une qualité suffisante estimée par les notes attribuées par les agences.
Bien que les agences de notations n’émettent que des opinions, leur évaluation et l’attention qu’elles portent au risque associé à un instrument financier est fondamental à la stabilité du système. Leur rôle dans la crise des subprimes de 2008 illustre ce qui peut se passer lorsque les agences de notations passent à côté d’un produit à très haut risque.
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