Dès l’été 2007, la crise des subprimes aux USA s’est rapidement propagée compte tenu de la globalisation financière et de l’interdépendance des acteurs financiers. Elle a entrainé une crise de confiance entre les banques, des difficultés de refinancement de celles-ci, un assèchement de leur liquidité et une chute en chaine de la valeur de certaines classes d’actifs entrainant des faillites ou des risques de faillites financières en chaine.
La BCE, comme les autres banques centrales, est intervenue pour s’efforcer de restaurer la confiance sur les marchés financiers, soutenir le système bancaire et éviter le rationnement du crédit aux ménages et aux entreprises. Ce faisant, elle a été amenée à décider de la mise en œuvre de mesures dites « non conventionnelles ».
Par ailleurs, dans le cadre de la mise en place de l’Union Bancaire européenne, la BCE a vu son rôle s’élargir au domaine de la supervision bancaire. La responsabilité de la gestion du Mécanisme de Supervision Unique (MSU) lui a en effet été confiée par les instances dirigeantes de l’Union européenne.
La BCE et les mesures non conventionnelles
Au cours des dernières années, la BCE a eu recours à des mesures non conventionnelles : extension de la liste des actifs admis en garantie dans le cadre des opérations d’open market, apport de liquidités à long terme, achats fermes de titres, lancement d’un programme d’assouplissement quantitatif (souvent appelé QE pour « quantitative easing »).
Éviter le blocage du marché monétaire
En temps normal, lorsqu’elles conduisent leurs opérations d’open market, la BCE et les Banques centrales nationales évaluent le besoin total de liquidité du secteur bancaire et allouent ce montant à travers des appels d’offres.
Mais avec le déclenchement de la crise financière, les banques n’osaient plus se prêter entre elles, de peur d’avoir affaire à une contrepartie proche de la faillite. Aussi, pour empêcher le blocage du marché monétaire, la BCE a décidé d’allouer la totalité de la liquidité demandée par les banques, à un taux d’intérêt fixe et peu élevé (en liaison avec les baisses répétées de son taux de refinancement principal) dans le cadre du programme VLTRO « Very Long Term Refinancing Operations » conduit par l’Eurosystème de décembre 2011 à février 2012.
Les banques ayant progressivement retrouvé confiance les unes envers les autres, cette intervention spécifique de la BCE sur le marché monétaire a pris fin. (Plus d’informations concernant les différents programmes de la BCE sur le site de la Banque de France)
Favoriser le redémarrage du crédit en zone euro
Depuis 2011, la BCE poursuit un objectif de stimulation de la distribution du crédit bancaire en zone euro pour aider au redémarrage de l’activité économique et à une remontée du taux d’inflation à des niveaux plus en rapport avec son objectif (proche de, mais inférieur à, 2% par an).
Pour cela, elle a décidé d’augmenter la fréquence et la durée de ses opérations de refinancement (opérations de refinancement à plus long terme, dites LTROs). Elle a également abaissé les exigences minimales de qualité concernant les garanties sur les actifs que les banques doivent fournir lors de tout refinancement. La BCE a également mené des opérations pour fournir des liquidités en devises aux banques. Pour ce faire, elle agit en collaboration avec d’autres banques centrales des principales autres zones monétaires (et notamment la Fed et la Banque d’Angleterre).
Racheter des titres financiers
Par ailleurs, plutôt que d’accepter simplement certains actifs en garantie, la BCE a décidé d’acheter ce type d’actifs directement. C’est ce qu’on appelle des opérations d’achat d’obligations « sécurisées ». La BCE a agi d’abord sur le marché de la dette privée pour faciliter le refinancement à long terme des banques. Mais après le déclenchement de la crise des dettes publiques européennes en 2010, elle a aussi décidé d’acheter des obligations publiques sur le marché secondaire.
L’objectif était de combattre la spéculation et la montée des taux d’intérêt sur la dette de certains États et de les aider à se refinancer.
Au total, la BCE a racheté près de 2 000 milliards d’euros de dette publique au cours de ses programmes successifs de rachat d’obligations.
La BCE ne peut pas acheter des obligations d’État sur le marché primaire (c’est à dire le marché des nouvelles émissions obligataires), c’est interdit par ses statuts. Cependant, lorsqu’elle achète des obligations d’entreprises, elle peut le faire sur le marché primaire ou secondaire.
En septembre 2012, afin de rétablir la confiance sur la pérennité de la zone euro, la Banque centrale européenne a annoncé un programme de rachat illimité des obligations publiques (Outright monetary transaction ou OMT) des États en difficulté. L’Outright monetary Transaction est un dispositif qui prévoit que la BCE peut intervenir autant de fois que nécessaire pour racheter sur le marché secondaire les obligations d’une maturité de 1 à 3 ans de certains États en difficulté qui bénéficient du dispositif du fonds de stabilité financière. Il ne s’applique pas aux pays faisant l’objet d’un programme d’ajustement complet tant que ce pays n’aura pas un accès intégral au marché (ce qui est le cas par exemple de la Grèce et du Portugal). Les Etats qui voudront bénéficier du programme devront en faire la demande. L’accès sera conditionné à l’acceptation des programmes d’ajustement structurel et d’assainissement de leurs dépenses publiques.
Aucun programme OMT n’a été effectivement mis en place. Mais l’annonce du dispositif, a permis de relâcher la tension sur les taux d’intérêt des pays en difficulté.
Lancer un programme d’assouplissement quantitatif
Enfin, lors de sa réunion du 22 janvier 2015, la BCE a décidé de lancer un vaste programme d’assouplissement quantitatif. Celui-ci consiste à injecter des montants importants de liquidités dans le système financier de l’ordre, dans un premier temps, de 1100 milliards d’euros via des rachats de titres obligataires souverains et privés à raison de 60 milliards d’euros chaque mois. En rachetant massivement des obligations, la BCE cherche à faire augmenter leur prix, donc baisser les taux d’intérêt.
Ce mécanisme peut se comprendre de façon plus intuitive. En effet, dans la mesure où les émetteurs d’obligations (États ou entreprises) bénéficient d’une plus forte demande pour les titres émis, ils pourront se permettre de les proposer à des taux plus faibles.
En diminuant les taux auxquels s’endettent les États et les entreprises, la BCE leur apporte un soutien financier et peut les inciter à augmenter leurs investissements pour dynamiser l’activité économique.
La BCE a par ailleurs édicté des règles spécifiques pour son programme de rachats d’obligations. Ainsi, 80 % de ceux-ci seront réalisés par l’intermédiaire des Banques centrales nationales (BCN) des pays de la zone euro (la Banque de France pour la France) qui supporteront le risque de défaillance de l’émetteur national. Seuls 20 % des rachats d’obligations seront effectués par la BCE elle-même.
Ceci implique qu’il n’y aura qu’une faible mutualisation des risques pris par la BCE sur les 1100 milliards d’euros qu’elle prévoit d’injecter dans l’économie européenne.
Par ailleurs, le conseil des gouverneurs a établi des limites aux rachats d’obligations qui seront effectués. Afin de limiter le montant de ses créances sur un même débiteur, et donc réduire son risque de contrepartie, la BCE n’acquerra pas plus du tiers du total de la dette de chaque émetteur. En outre, la BCE n’achètera pas plus du quart de chaque émission. La fixation de ces deux seuils lui permet de limiter encore davantage son exposition au risque de défaillance d’un émetteur.
Enfin, les achats d’obligations seront réalisés au prorata de la détention du capital de la BCE par les BCN. La Bundesbank et la Banque de France en détenant les pourcentages les plus élevés (respectivement 25,6 % et 20,1 %), les obligations des États allemands et français seront donc celles qui seront le plus rachetées par la BCE. Le programme d’assouplissement quantitatif annoncé a pour objectif de relancer l’inflation et les anticipations d’inflation en zone euro. Le fait même qu’une quantité très importante de liquidités soit créée par la Banque Centrale Européenne et injectée sur les marchés financiers est de nature à faire baisser la valeur de l’euro. La baisse de la devise européenne sur les marchés des changes, entamée au second semestre 2014, provenait au moins en partie de l’anticipation par les opérateurs sur ces marchés de l’annonce d’un programme d’assouplissement quantitatif par la BCE.
La baisse de l’euro vis-à-vis de l’ensemble des autres grandes monnaies, et notamment du dollar, a été favorable à la compétitivité des produits européens et aux exportations. La baisse de l’euro permet aussi de renchérir les prix des produits importés et joue à ce titre un rôle important dans la stratégie de la BCE pour relancer l’inflation dans la zone euro. Ces effets ont cependant été atténués par l’appréciation de l’euro face au dollar depuis 2017.
Un autre objectif recherché par la BCE est de fournir des liquidités aux banques européennes dans l’espoir qu’elles l’utiliseront pour accorder des crédits aux entreprises et aux ménages.
Avec l’amélioration de la conjoncture économique en Europe et l’éloignement du risque de déflation, la BCE a annoncé en 2017 un ralentissement des volumes d’actifs achetés dans le cadre du QE. Cependant, la politique monétaire accommodante se poursuit en 2018.
Ces mesures successives ont aidé au lent redémarrage de l’activité économique et à la hausse de l’inflation qui a atteint le seuil de 2 % en juin 2018 en zone euro.
Cependant, cette accélération de l’inflation est plus due à la hausse du prix du pétrole qu’à la vigueur de l’économie européenne.
Un rôle de contrôle et de supervision des banques européennes
Les politiques mises en œuvre au sein de l’Union européenne n’ont pas réussi à rétablir durablement la stabilité financière au sein de la zone euro et à empêcher les effets de contagion d’une crise bancaire survenant dans un pays de la zone. Face à cette difficulté, les dirigeants européens ont décidé lors du Conseil européen d’octobre 2012, de réaliser une Union bancaire européenne dont le premier pilier sera constitué par la mise en place d’un mécanisme de surveillance unique (MSU) des banques de la zone euro.
La responsabilité de la mise en œuvre du MSU est confiée à la BCE, qui voit ainsi son champ de compétence s’élargir au-delà de sa mission de définition de la politique monétaire de la zone euro.
En pratique, les délibérations du Conseil des Gouverneurs (ordres du jour et réunions) sur les questions de supervision seront strictement séparées de celles sur la politique monétaire.
Depuis novembre 2014, la supervision de la BCE s’exerce de deux manières :
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En direct, avec l’aide des autorités nationales de supervision, pour les établissements jugés « significatifs ». Ces derniers se définissent comme ceux dont le total d’actifs dépasse 30 milliards d’euros ou dont le poids dans le PIB du pays est supérieur à 20 % ou qui appartiennent à un groupe ayant reçu une aide financière du FESF ou du MES. En outre, pour chaque Etat membre, au moins 3 établissements de crédit relèvent de la supervision directe de la BCE, même s’ils ne répondent pas aux critères retenus. De même, toute entité revêtant une importance notable pour l’économie nation
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Par l’intermédiaire des autorités nationales de supervision, mais sous le contrôle de la BCE et dans le respect du cadre qu’elle aura défini, pour les établissements jugés « moins significatifs ».
La BCE supervise directement 128 grandes banques européennes jugées significatives, dont 13 groupes bancaires français représentant 95% du système bancaire national (en termes de total de bilan).
Il s’agit des cinq grands groupes bancaires (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE, Crédit Mutuel) ainsi que de la Banque Centrale de Compensation LCH. Clearnet, la Banque PSA Finance, HSBC France, La Banque Postale, la RCI Banque, la BPI, la Caisse de Refinancement de l’Habitat et la Société de Financement Local.
Un grand merci pour ces informations très complètes, qui répondent à toutes mes questions, parfait pour préparer les examens dans de bonnes conditions.
Documentation très utile pour examen itb
Bonjour,
La BCE, conjointement avec les autres banques centrales au sein du comité de stabilité financière, suit les évolutions conjoncturelles et structurelles au sein du secteur bancaire et financier de la zone euro et de l’UE afin d’identifier toute vulnérabilité et de vérifier la résilience du système financier.
Meilleures salutations.
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
nous avons apprécié l’explication donner sur l’évolution du rôle de la banque centrale et aussi les informations sur le programme sur l’assouplissement quantitatif. Nous souhaitons avoir une explication sur la cible financiére. comment on peut déterminer une cible financière pour stabiliser le systéme financier?