Moyen-âge et Renaissance : les premières banques
C’est en Europe que les premières banques apparaissent. Nous sommes au XII et XIIIème siècle, les grands banquiers sont alors Italiens (les Lombards) et Juifs (espagnoles ou d’Europe de l’Est). La France, fille aînée de l’Église, est encore peu ouverte au monde de l’argent. Néanmoins les rues des Lombards, existant dans un certain nombre de villes françaises, comme à Paris, témoignent de la présence de ces premiers banquiers.
Jean de Médicis (1360-1429) est le fondateur de la dynastie qui porte son nom. C’est à Florence que ce commerçant avisé (tissus, laine, soie) prend soin de mettre en place un véritable réseau bancaire composé de filiales européennes (Genève, Lyon, Avignon, Bruges, Londres…). Ses clients les plus précieux sont alors les souverains européens et le Pape, à qu’il accorde des prêts substantiels.
Quelques grands financiers et hommes d’affaires français exercent en tant que banquiers. On les trouve en Champagne ou à Lyon, principales places de commerce françaises. On note parmi eux Jacques Cœur (1395-1456).
Négociant, armateur et banquier, Jacques Cœur est nommé grand argentier du roi Charles VII (sur le trône de 1422 à 1461). L’historien Jules Michelet dit de lui « Cet homme intelligent, rétablit les monnaies, invente en finances la chose inouïe, la justice, et croit que pour le roi, comme pour tout le monde, le moyen d’être riche, est de payer ».
Nous sommes au XVIème siècle, la famille Fugger, est déjà célèbre pour son activisme commercial. C’est avec Jacob Fugger (1459-1525) qu’un véritable empire financier se constitue. Il installe à partir de Venise, une série de succursales destinées à octroyer des prêts dans toute l’Europe. On retrouve ainsi ces « agences » à Rome, Cracovie, ou Innsbruck, par exemple.
La Banque d’Amsterdam est l’une des premières banques de dépôts. Créée en 1609, cette banque publique est contrôlée par la municipalité
d’Amsterdam. Fondée pour faciliter les transactions au sein des Provinces-Unies, la Banque d’Amsterdam concourt également à lutter contre la « mauvaise monnaie » et à restaurer la confiance des marchés. En 1683, les dépôts d’espèces ou de métal précieux permettent aux clients d’obtenir une ligne de crédit en « florins banco ».
XVIIIème : les premiers essors… et les premières crises
Le XVIIIème voit la naissance de la première grande banque française avec la tentative de John Law (1716-1720) et sa fameuse « Banque générale ».
Cette banque a eu le privilège d’émettre des billets, de pratiquer le crédit et de mettre fin aux dettes du royaume après de longues périodes de guerre sous Louis XIV (roi de 1643 à 1715). En dépit de nombreux efforts, la banque fait faillite. Les conséquences sont importantes pour l’image de la profession.
Sous Louis XVI (roi de France et de Navarre entre 1774 et 1792), de
nombreuses villes accueillent des banquiers locaux à Lyon, Bordeaux ou Saint-Malo. De grandes familles étrangères pour la plupart protestantes s’installent en France et créent de vrais réseaux bancaires. Ce sont les Mallet, Hottinguer ou Zurich. Symbole de l’ascension des banquiers en politique, Jacques Necker. Citoyen de la République de Genève, il va devenir successivement « Contrôleur général des finances », Ministre d’État, puis « Premier ministre des finances » de Louis XVI.
En 1789, la Révolution française éclate. Les banquiers fuient la France. Le coup d’État de Napoléon Bonaparte en rétablissant une certaine stabilité politique, ramène les banquiers dans l’Hexagone. La Banque de France est créée en 1800 et fait office d’institut d’émission sur le territoire parisien. Elle fait l’objet d’une grande réforme en 1808, qui en font une véritable banque d’émission (avec un réseau de succursales), dont les statuts seront pratiquement inchangés jusqu’en 1936.
XIXème : l’émergence des grands banquiers, grandes banques de dépôts et caisses mutualistes
La « Haute Banque » finit de s’installer durant la première moitié du XIXème siècle. Il s’agit de grandes « maisons » : les Rothschild, les Mirabaud ou les Perier de Grenoble. Ces marchands-banquiers participent au commerce mondial, au développement des finances européennes, lancent les premières caisses d’épargne, participent à l’aménagement des villes, et à la construction des chemins de fer. James de Rothschild (1792-1868) est l’une des figures majeures de ces grands banquiers.
Banquier d’un autre type, Benjamin Delessert (1773-1847), homme d’affaires et botaniste. C’est en 1818 qu’il participe à la création des Caisses d’épargne et de prévoyance. Cette institution a pour objectif de collecter l’épargne et de secourir les plus démunis. Le Livret de la Caisse d’épargne voit le jour.
Si l’essor des grandes banques s’amplifie durant la seconde moitié du
XIXème siècle, la crise économique de 1848 met en faillite quelques banques et redessine la diffusion du crédit. L’État et certaines villes créent des comptoirs d’escompte. Jacques Lafitte et les frères Pereire tentent chacun à leur façon de mettre en place un « nouveau système de banques » : naissance de la Caisse générale du commerce et de l’industrie (1837), une banque par actions ; et du Crédit mobilier (1852), véritable groupe financier international.
A partir de 1859, les banques s’organisent en réseau d’agences, utilisent des démarcheurs et font la promotion de l’épargne. Le Crédit Lyonnais (1863) et la Société générale (1864) sont alors créés. Ces banques financent largement l’industrie en octroyant des prêts risqués sur le long terme. Après la guerre de 1870, ces banques sont menacées par des retraits massifs d’épargnants.
Après la faillite de l’Union Générale (qui a servi de modèle à Emile Zola pour l’Argent) intervenue en 1882, Henri Germain (1824-1905), président fondateur du Crédit Lyonnais, formule alors la « doctrine Germain » en faveur des crédits à court terme. C’est la naissance de la distinction entre banque de dépôts et banque d’affaires.
Walter Bagehot (1826-1877). Économiste et journaliste britannique au
magazine The Economist, Walter Bagehot est également directeur de la division Bristol de la banque Stanley, qui dirige le magazine, où il sera tour à tour rédacteur en chef et journaliste principal. En 1873, il théorise dans son ouvrage Lombard Street: A description of the Money Market la fonction de prêteur en dernier ressort de la Banque d’Angleterre. Il énonce ainsi les principes que doit suivre la Banque d’Angleterre en cas de crise de liquidité.
Jules Méline (1838-1925), ministre de l’agriculture puis président du Conseil de 1896 à 1898, est à l’origine de la création d’un réseau de banques spécialisées : la caisse du Crédit agricole et ses caisses locales (Loi du 5 novembre 1894). Un instrument financier majeur pour le financement du secteur rural et la modernisation des exploitations.
De 1900 à 1945 : rentes et tourments
Au début du XXème siècle, la France dispose d’un réseau bancaire installé et diversifié : banques régionales, banques d’affaires, banque de dépôts.
D’un côté, la Haute banque (Banque de l’Indochine, Banque de l’union parisienne, Banque de Paris et des Pays-Bas) qui finance de grandes opérations commerciales. De l’autre, les banques de dépôts qui placent massivement auprès de leur clientèle des titres étrangers comme les fameux « emprunts russes ». Il s’en suit une violente campagne d’accusation contre le détournement de l’épargne populaire.
John Pierpont Morgan (1837-1913) est l’une des figures de la grande banque américaine. Il devient en 1871 co-directeur de la New York City Firm of Drexel, Morgan and Co., l’un des principaux établissements de financement du gouvernement américain ; en 1895, la banque prend pour nom J. Pierpont Morgan and Co : une des plus grandes banques du monde.
Son intervention est décisive durant la crise bancaire américaine de 1907, pour mettre fin à la perte de confiance des déposants. Il engage ses fonds propres et persuade d’autres banquiers de l’imiter pour soutenir le système bancaire américain. En 1912, il est le symbole de la confiance retrouvée dans la monnaie américaine.
La Première guerre mondiale éclate (1914-1918). Les banques de dépôts sont alors en grande difficulté. Les retraits y sont massifs. Après la « Grande guerre », l’inflation, la fuite des capitaux lors de la crise du franc (1923-1926) et l’érosion des fonds propres des banques, ne facilitent pas la reconstruction des ressources. Les établissements financiers se cantonnent à des opérations de court terme, en achetant des bons du Trésor. La crise de 1930 précipite de nombreuses banques vers la faillite. La Banque nationale de crédit, née en 1913, menacée de s’effondrer est sauvée par l’État, et devient la Banque nationale pour le commerce et l’industrie (BNCI).
Franklin Delano Roosevelt (1882-1945) est le 32ème président des États-Unis (1933-1945). Il accède au pouvoir en pleine crise économique mondiale et quelques années après le Krach boursier de 1929. Il décide dès lors de redresser l’économie américaine et de rétablir la confiance en mettant en œuvre une série de mesures d’inspiration interventionniste : le New Deal. La très importante loi bancaire de 1933 connu sous le nom de Glass-Steagall Act a notamment instauré une incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement, créé le système fédéral d’assurance des dépôts bancaires et introduit le plafonnement des taux d’intérêt sur les dépôts bancaires. D’autres mesures régulatrices sont adoptées en ce qui concerne la relance de l’activité, les opérations boursières ou la législation sociale.
La Banque des Règlements Internationaux (BRI) a été fondée en 1930, à Bâle, par les banques centrales des principaux États européens.
Ce qu’on nomme la banque centrale des banques centrales exerce trois fonctions majeures :
- elle favorise la coopération monétaire internationale ;
- elle sert de banquier aux banques centrales et
- assume des fonctions d’agent pour des règlements internationaux.
À travers le Comité de Bâle crée en 1974, la BRI joue un rôle essentiel en matière de sécurisation du secteur bancaire et de solvabilité des établissements de crédit en édictant une règlementation internationale en matière de fonds propres obligatoires des banques (« ratio Bâle I appelé aussi ratio Cooke » adopté en 1988, « ratio Bâle II appelé ratio MacDonough » adopté en 2002 et mis en œuvre en 2005 dans l’Union Européenne, mais pas aux USA).
En 1936, le Front populaire de Léon Blum – alors président du Conseil, réforme la Banque de France : les banquiers régents disparaissent et l’Institut d’émission est désormais contrôlé par les pouvoirs publics. Les années trente marquent le pas d’une reprise en main du secteur bancaire par l’État.
1939, la Seconde guerre mondiale éclate. Elle secoue profondément l’économie française. Les banques sont coupées des réseaux étrangers. Les lois raciales de Vichy bloquent les comptes des juifs. Les banques sont alors des auxiliaires de la politique de spoliation menée par le Maréchal Pétain. La loi du 13 juin 1941 réglemente l’activité bancaire et installe l’État comme régulateur du secteur. Il y alors 550 banques en France.
De 1945 à 1982 : un régime de structures administrées
A la Libération, le gouvernement de Charles de Gaulle nationalise la Banque de France et les quatre premières banques commerciales : le Crédit Lyonnais, la Société générale, le Comptoir national d’escompte de Paris, et la BNCI. Le crédit est sous la coupe de l’État ; la séparation entre banque de dépôts et banque d’affaires est alors renforcée. Le secteur bancaire est alors très peu concurrentiel. Pour assouplir ce cadre, les « lois Debré » (1966/67), du nom de Michel Debré, alors ministre de l’économie et des finances son adoptées. Elles permettent aux banques de dépôts d’élargir leur périmètre d’activité et de relancer la concurrence au sein des grands réseaux. D’autre part, deux puissants groupes financiers se constituent autour de la Banque de Paris et des Pays-Bas, et de la Compagnie de Suez.
En 1981, François Mitterrand devient président de la République. Un an plus tard, le secteur bancaire connaît une vague de nationalisation, y compris pour les banques d’affaires. Les grandes banques en profitent alors pour se restructurer. Banques et sociétés d’assurances se rapprochent ; de grands groupes financiers se constituent. C’est l’apogée mais aussi la fin du régime de finance administré prédominant depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
1985/… : le bouleversement de la finance libéralisée
Nous sommes en 1984, Jacques Delors est ministre de l’économie, des
finances et du budget du gouvernement de Pierre Mauroy, qui promulgue une loi bancaire mettant fin à la spécialisation des banques qui peuvent désormais commercialiser plusieurs types de services décloisonne alors le crédit. Cette libéralisation du crédit favorise une réelle et saine concurrence entre les établissements. Le système bancaire entre en phase de déréglementation. Un an plus tard, alors président de la Commission européenne (1985-1994), Jacques Delors amorce la création de l’espace bancaire européen et prépare le traité de Maastricht (1992).
Sous le gouvernement de Jacques Chirac, en 1987, une première vague de privatisation bancaire est lancée : la Société générale, le Crédit commercial de France, Suez et Paribas. En 1988, la Caisse Nationale du Crédit Agricole (CNCA) est transformée en Société Anonyme et cédée par l’État pour 90 % aux Caisses régionales et pour 10 % au personnel. Le Crédit Agricole devient totalement indépendant de l’État.
Les années 90 sont marquées par une série de restructuration, de
réorganisation et de crises. Ces transformations s’accompagnent parfois de faillites, comme celle de la banque Pallas-Stern en 1995 ou de quasi-faillite, comme celle du Crédit Lyonnais en 1993, dont le Président, Jean-Yves Haberer avait pratiqué une stratégie expansionniste mal contrôlée. Les privatisations se poursuivent : BNP en 1993, le Crédit Lyonnais en 1999, la banque Hervet en 2001. Les banques désormais privées ou mutuelles sont plongées dans une conjoncture économique agitée : crise française de 1993, crise financière asiatique (1998). De nouvelles alliances et rapprochements s’opèrent, notamment en 1999 lors de la bataille boursière oppose la BNP et la Société générale pour la fusion avec Paribas.
En 1984, on comptait 1 556 banques. Elles ne sont plus que 1 000 en 1998. C’est une banque complètement transformée qui va affronter la crise de 2007.
En 2007, les ménages américains à faibles revenus ne peuvent plus rembourser les crédits qu’ils ont contractés pour l’achat de leurs biens immobiliers. C’est le début de la crise des « subprimes ». La crise se dissémine alors très rapidement. Le secteur bancaire est en quasi faillite et tout particulièrement les grandes banques d’affaires. L’Etat fédéral par l’intermédiaire de la Banque centrale américaine (FED) injecte alors d’énormes quantités de liquidités sur les marchés interbancaires. On frôle alors à une véritable crise systémique. Alan Greenspan, président de la FED entre 1987 et 2006, est l’une des figures de cette crise. L’application de sa conviction que les marchés financiers s’autorégulent et sa politique de taux bas suivi par un redressement spectaculaire des taux directeurs, sont aujourd’hui reconnues comme étant des facteurs essentiels de l’émergence de la crise des « subprime ».
Suite à cette crise qui s’est propagée dans le monde entier, de nouvelles mesures réglementaires sont adoptées. Notamment les accords de Bâle II qui vise à améliorer la stabilité financière des banques. Bien que cet accord date d’avant la crise de 2007, sa mise en œuvre se fera principalement après. Finalement, en 2010 les accords de Bâle III viendront renforcer les précédents, tout en corrigeant leurs défauts.
Les banques mettront quelques années à totalement se remettre, et des consolidations auront lieu. Cependant, en Europe, avec la crise des dettes souveraines, certaines banques espagnoles et grecques seront secouées. Puis, en 2022, les faillites surprises de banques régionales américaines comme la Silicone Valley Bank (SVB) sur fond de problème de liquidité dû à la hausse des taux directeurs post-crise pandémique rappelleront au monde financier une certaine fragilité du milieu bancaire. En Europe, le Crédit Suisse déjà en grande difficulté liée à une perte de confiance généralisée à la suite de nombreux scandales, va suivre le chemin de la SVB et entrer en faillite avant d’être reprise par UBS.
Le système bancaire tente encore de se consolider et les nombreux rapprochements entre certaines banques, notamment en Europe, illustrent ce phénomène. Le prochain chapitre de cet article s’écrit en ce moment.
trés interessante description historique. en revanche rien n’échappe à l’eurocentrisme decidement. Meme au 21e siecle « le monde » correspond résolument « l’europe » et juste cela visiblement. Pourtant l’essor des banques venitiennes et italiennes tirent leur source de leur liens avec le commerce florissant de l’empire islamique, et mettre en avant cette histoire est primordial quand on parle de l’histoire des banques modernes dans le monde. L’histoire des institutions bancaires depuis la chine impériale et l’invention de la monnaie fiduciaire mériterait également d’etre mentionné. l’histoire bancaire en asie centrale, et notamment en inde également. L’histoire contemporaine des banques de developpement en afrique, à travers des unions monetaire comme le franc CFA entre autre. La montée en puissance des institus bancaires en asie, comme la BoJ au japon, au poids dans l’histoire économique moderne puis contemporaine importante.
Enfin si on parle du monde bien sur, et pas juste de l’occident.
Bonjour,
Nous vous rejoignons sur le fait que cette présentation adopte un point de vue eurocentré. Il est malheureusement particulièrement difficile d’offrir une synthèse intégrant toutes les époques et les différentes sphères géographiques.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com