Politique de la concurrence en Europe : origines et fondements
La politique de la concurrence se fonde sur les articles 101 à 109 du TFUE (ou Traité de Rome) de 1957 et sur le protocole n°27 sur le marché intérieur et la concurrence du Traité de Maastricht de 1992.
Historiquement, les réflexions sur la nécessité d’instaurer une politique de la concurrence commune en Europe trouvent leurs origines dans l’ordo-libéralisme allemand des années 1930, mouvement de pensée spécifique du libéralisme classique. Portée en particulier par l’économiste allemand Walter Eucken, cette doctrine apparaît comme une réponse au planisme et au libéralisme en Europe, encourageant la mise en place de règles communes en amont, puis laissant faire le marché concurrentiel pour atteindre une situation d’optimum.
C’est en ce sens que le droit de la concurrence occupe une place prépondérante du Traité de Rome, instituant la Communauté économique européenne (CEE). En effet, l’objectif est de garantir une concurrence libre, loyale et non faussée, favorisant le progrès économique et social. En outre, une telle politique doit permettre, en théorie, d’atteindre une situation dite de concurrence “pure et parfaite”, idéal-type dans lequel l’atomicité de l’offre et de la demande permet une efficacité maximale et encourage l’innovation.
Principes et objectifs de la politique de concurrence européenne
Selon la définition proposée par le Parlement européen, « la concurrence est un processus qui permet aux entreprises de se mesurer les unes aux autres de façon égale entre les États membres, tout en les incitant à proposer aux consommateurs des produits de qualité au prix le plus avantageux. En retour, cela stimule l’innovation et la croissance économique à long terme. » La politique de la concurrence est également valable pour les entreprises en dehors de l’Union européenne qui ont une activité sur le marché intérieur.
Cette politique repose sur plusieurs piliers, faisant office d’instruments :
- Interdire les ententes anticoncurrentielles, comme les cartels (article 101 TFUE) ;
- Contrôler les processus de concentration en examinant les dynamiques de fusions et d’acquisitions de sorte à prévenir l’apparition de monopoles (règlement CE sur les concentrations (nº 139/2004)) ;
- Lutter contre les abus de position dominante des entreprises afin qu’elles n’évincent pas le jeu de la concurrence (article 102 TFUE) ;
- Contrôler les aides des États aux entreprises pouvant entraîner des distorsions de concurrence. En pratique, elles sont interdites, mais des exceptions peuvent être faites en cas de besoin spécifique d’importance supérieure (article 107 TFUE).
En France, le respect des règles de concurrence est assuré par l’Autorité de la concurrence, dans le respect des traités européens et en lien avec un certain nombre d’autres autorités nationales (DGCCRF, ART, Arcep, AMF, CRE…).
Mise en œuvre et efficacité de la politique de la concurrence en Europe
Le contrôle de l’application effective et rigoureuse de la politique de la concurrence est indispensable afin d’assurer la réalisation des objectifs définis. La Commission européenne est la principale instance en charge du contrôle de l’application de la politique de la concurrence. Cependant, les autorités et tribunaux nationaux compétents en matière de lutte antitrust jouent un rôle plus important dans le contrôle de l’application (règlement (CE) no 1/2003 du Conseil). Le réseau européen de la concurrence, composé des autorités nationales de concurrence et de la Commission européenne, assure la coordination entre les différents niveaux.
En 2014, une directive sur les dommages et intérêts a été mise en place dans le cadre de la lutte antitrust afin de renforcer l’effet dissuasif des accords interdits et protéger au mieux les consommateurs.
Quelles amendes peut infliger la Commission Européenne ?
La plus grosse amende infligée par l’Union européenne dans le cadre de la politique de la concurrence a été de 4,3 milliards d’euros à Google en juillet 2018. Cette sanction record a été prononcée pour abus de position dominante lié à son système d’exploitation mobile, Android. Plus récemment, la Commission européenne a ouvert le 25 mars 2024 une enquête contre Google, Apple et Meta pour suspicion d’entrave aux nouvelles règles des marchés numériques.
Pour autant, la politique de la concurrence européenne est loin de faire l’unanimité. En effet, certains pays tels que la France et de l’Allemagne jugent son fonctionnement inadapté à la concurrence internationale, en particulier face aux géants du numériques américains, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook/Meta, Apple, Microsoft), entravant l’émergence de “champions européens” pouvant tenir tête à ces mastodontes.
De plus, suite à l’échec de la fusion entre Alstom et Siemens en 2019, l’Italie et la Pologne avaient rejoint les positions de la France et de l’Allemagne et appelé la Commission européenne à réviser sa politique de la concurrence. À cela se sont ajoutées la crise du Covid-19, l’invasion russe en Ukraine et l’adoption de l’Inflation Reduction Act (IRA) aux Etats-Unis favorisant l’investissement vert, pesant sur les règles concurrentielles en Europe.
Dans ce contexte, la Commission, qui avait déjà adopté des mesures d’assouplissement lors de la crise Covid, a effectué un examen des mesures de sa politique en novembre 2021 envisageant un assouplissement dans le secteur des semi-conducteurs pour faire face aux risques de pénurie, ainsi que de l’énergie pour atteindre les objectifs climatiques. Elle adopte également le “Chips Act” le 11 juillet 2023, autorisant les gouvernements à recourir aux aides d’État pour développer la production de semi-conducteurs en Europe et réduire la dépendance à l’Asie.
Aujourd’hui, les nouveaux défis de la politique de la concurrence européenne portent sur les secteurs du numérique et des matières premières, faisant écho aux difficultés rencontrées depuis de la guerre en Ukraine notamment.
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