Nationalisations et privatisations en France
Les nationalisations étaient assez rares avant la Seconde Guerre mondiale et se sont multipliées après. Mais depuis la fin des années 1980, la tendance est à la privatisation des entreprises.
Les nationalisations
La nationalisation d’une société est le passage, pour une entreprise, d’une propriété privée à une détention publique. Pour la contrôler, l’Etat doit détenir plus de 50 % de son capital.
Première nationalisation : les chemins de fer
La première nationalisation française date de 1848. Suite à l’éclatement d’une bulle boursière en 1847, l’Etat nationalisa des lignes de chemins de fer (Paris-Orléans, Bordeaux-La Teste, La ligne de Sceaux, Marseille-Avignon, Paris-Lyon) pour ne pas risquer leur fermeture ou l’abandon de nouvelles constructions. Ces étatisations, symboles d’expropriations, ne durèrent pas mais posèrent la question de la gestion, par le privé, des secteurs à lourds investissements.
Nationalisations du Front Populaire
Avec l’arrivée au pouvoir du Front Populaire de Léon Blum, la Société nationale des chemins de fer (SNCF) est créée en 1938. Elle se compose des compagnies de chemins de fer à nouveau nationalisées, après avoir souffert de la crise de 1929. Mais le motif de régulation n’est pas le seul : le gouvernement du Front Populaire entend aussi contrôler les secteurs servant à la Défense nationale (l’armement en 1936, la construction aérienne en 1937). Ces nationalisations associeront aux gouvernements de gauche les prises de participation au capital des entreprises.
Nationalisations d’après-guerre
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la préoccupation principale des gouvernants est la reconstruction. Pour ce faire, les étatisations portent sur les secteurs où les coûts d’investissement sont massifs, comme le charbon, l’électricité et le gaz (création d’EDF et GDF en 1946), sur le secteur financier (Banque de France, Le Crédit Lyonnais, Société Générale) et sur le secteur industriel (Air France, Renault).
En 1945, Renault fait partie des entreprises nationalisées à cause de sa proximité avec les occupants allemands durant la guerre. Les nationalisations d’après-guerre ont donc aussi un enjeu politique.
Nationalisations de 1981-1982
En 1982, après l’arrivée au pouvoir du gouvernement de gauche de François Mitterrand en 1981 et de son programme où prime l’interventionnisme économique, une trentaine de banques sont nationalisées, tout comme des sociétés industrielles : Suez, Saint-Gobain, Thomson, etc. Des prises de participations (l’État détient moins de 50 % de la société) sont aussi réalisées pour assurer le contrôle d’autres entreprises. L’État nationalise des segments clés afin d’intervenir directement dans le fonctionnement de l’économie.
Privatisations et nationalisations temporaires
Privatisations sur fond de libéralisme
Mais cela sera de courte durée : 1986 marque le début des privatisations, avec l’arrivée de Jacques Chirac au gouvernement (première cohabitation gauche-droite de la Ve République). Alors que le paradigme d’une économie libérale s’installe en France et dans la plupart des pays occidentaux (avec Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, Donald Reagan aux États-Unis), le gouvernement fait machine arrière et privatise des entreprises nationalisées, et notamment : Saint-Gobain, TF1, Paribas, Société Générale, etc. Dans la même lignée, des privatisations partielles ont eu lieu, sous la forme de cession d’activités ou de réduction de capital. Et pour cause, il s’agit de « libéraliser » l’économie, de prôner le laisser-faire, de réduire les interventions de l’État dans l’économie au profit d’une économie financée par les capitaux privés et d’une régulation basée sur la concurrence.
Les privatisations se sont poursuivies jusqu’en 2005 avec des périodes plus ou moins soutenues. Sur la période 1986-2005, qu’elles soient totales ou partielles, leur montant s’est élevé à 82 milliards d’euros, ce qui leur a conféré un rôle déterminant pour les ressources de l’État.
Retour de l’interventionnisme de l’État
Toutefois, il serait erroné de penser que l’État actionnaire ne soit guidé que par ses intérêts financiers : durant les années 2000, il n’a pas hésité à entrer au capital d’Alstom (2004-2006, puis 2014-2017) ou des Chantiers de l’Atlantique (depuis 2017) afin de sauver des emplois et des activités. Plus précisément, dans ces cas-ci, l’État a joué un rôle d’actionnaire intérimaire en faisant des nationalisations temporaires, afin d’influer sur les négociations de fusions et/ou acquisitions des entreprises nationales par des sociétés étrangères. Mais il peut aussi prendre des participations pour des raisons stratégiques s’il considère que c’est dans l’intérêt de son industrie.
L’État actionnaire
L’Agence des participations de l’État (APE)
Créée en 2004, l’APE est l’administration publique dépendant du ministère de l’Économie et des Finances qui gère le portefeuille d’actifs de l’État. C’est l’agence par laquelle l’État joue son rôle d’actionnaire et investit dans des entreprises jugées stratégiques, pour contribuer à leur développement. Son directeur général, Commissaire aux participations de l’État, est Alexis Zajdenweber, depuis le 14 septembre 2022.
En termes de valorisation, la prédominance du secteur de l’énergie (avec EDF et Engie), qui représente 53,4 % de la capitalisation boursière, est particulièrement marquée, loin devant le secteur aéronautique/défense (27,9 %), infrastructures/transport aérien (8,9 %), télécoms (64,9 %) et automobile (2,2 %).
L’État actionnaire passe également par la Banque Publique d’Investissement (BPI), notamment lorsqu’il souhaite prendre des participations minoritaires dans des PME et ETI.
Les stratégies de l’Etat actionnaire
L’Etat n’est pas un investisseur comme les autres, et ses participations se font sur le long terme, tout comme les retours sur investissement. De ce fait, il va pouvoir investir dans des projets stratégiques correspondant à sa politique industrielle sans que les rendements financiers soient le premier critère d’investissement.
Plus précisément, le Gouvernement a fixé trois axes prioritaires pour ses investissements dans les entreprises. Ainsi, il entend intervenir dans trois types d’entreprises :
- entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté du pays (défense et nucléaire) ;
- entreprises participant à des missions de service public et pour lesquelles la régulation serait insuffisante ;
- entreprises en difficulté dont la disparition pourrait entraîner un risque systémique.
La valorisation des participations de l’Etat
Au 30 juin 2022, la valorisation boursière du portefeuille de l’État s’élevait à 70,3 milliards d’euros et 83 entreprises relevaient de son périmètre (dont 11 cotées), dans des secteurs très variés. Cela va de Safran dans l’industrie aéronautique, à Orange dans les télécommunications, en passant par l’audiovisuel avec France TV.
La Loi Pacte au service de l’innovation
Les privatisations sont revenues dans le débat public puisque la loi Pacte de 2019 avait prévu que l’Etat se sépare de trois de ses actifs, à savoir : Aéroports de Paris (ADP), la Française des Jeux (FDJ) et Engie, afin de récolter environ 15 milliards d’euros. A la suite de la crise du Covid 19, seule la privatisation de FDJ a été mise en oeuvre.
lors d’une nationalisation visant le contrôle complet, l’Etat peut-il néanmoins laisser une place aux salariés actionnaires qui étaient déjà présents dans le capital via un FCPE ? Dans ce cas, comment peuvent être valorisées les actions que deviendront encore les salariés ?
Bonjour,
A priori, rien n’empêche l’Etat de ne procéder qu’à une nationalisation partielle. Il nous semble, toutefois, peu probable que l’Etat ne laisse de côté qu’un faible pourcentage du capital de côté.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
tres loin.
Bonjour, merci pour cet article ! Est-ce que la nationalisation permet une facilitation des emprunts garantis par l’Etat (aux intéressants taux de 2% par rapport à ceux du privé) par rapport à une entreprise qui ne serait détenue qu’en partie (même majoritaire) par l’Etat ? Merci à vous.
Bonjour,
Une nationalisation peut effectivement faciliter le financement d’une entreprise, surtout si celle-ci éprouve des difficultés financières.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Bonjour, je voudrais une explication en français facile (je ne suis pas économiste).
Si dans une entreprise dont l’Etat participe à hauteur de 51% arrive à dégager un bénéfice de 16 Milliards d’euros, dans cette circonstance,io doit recevoir combien ?
Merci !
Bonjour,
Les dividendes sont distribués aux actionnaires en fonction du nombre d’actions qu’ils détiennent, que ceux-ci soient des acteur privés ou public. Parfois, certaines actions peuvent donner droit à des dividendes préférentiels, mais ce n’est pas le cas le plus fréquent.
Meilleures salutations
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Et donc, les entreprises où l’Etat est aux manettes décisionnelles, bonnes ou mauvaises affaires pour les actionnaires minoritaires ?
Bonjour,
En effet, si l’Etat contrôle le capital d’une entreprise c’est lui qui la contrôle. Quant à l’impact sur les actionnaires minoritaires, nous ne saurions vous dire si le contrôle par l’Etat est plutôt bénéfique ou non à la rentabilité de leurs actions.
Meilleures salutations
L’Equipe de Lafinancepourtous.com