Pour mesurer l’évolution des prix, on utilise notamment l’Indice des Prix à la Consommation Harmonisé (IPCH) publié tous les mois par l’Insee. Il se calcule à partir de l’évolution du prix d’un panier de produits consommés par les ménages entre deux périodes. Il est nécessaire que cet indice soit négatif pendant plusieurs trimestres pour que l’on puisse parler de déflation.
La déflation ne se confond pas avec la désinflation, qui constitue un simple ralentissement du rythme de l’inflation. C’est le cas par exemple actuellement en zone euro où l’indice général des prix ne cesse de diminuer depuis plusieurs mois tout en restant en territoire positif.
Les différentes causes de la déflation
Les exemples de déflation sont rares. Dans les pays développés, on n’en recense que deux exemples au cours des 100 dernières années : la déflation des années 1930, qui a touché les États-Unis puis l’Europe, et celle, plus récente, qui a atteint l’économie japonaise à la fin des années 1990.
Dans les deux cas, la déflation s’est déclarée à la suite d’un choc financier (krach boursier aux États-Unis en 1929, krach boursier puis immobilier au Japon en 1990-1992) auquel les autorités monétaires ont apporté des réponses inadaptées ou trop tardives qui ont précipité l’économie dans une crise profonde.
Aux États-Unis, la banque centrale, la Réserve fédérale (FED), décide, face à la chute de la bourse en octobre 1929, d’augmenter ses taux d’intérêt. Il en résultera une contraction du crédit et de l’activité qui plongera l’économie dans la déflation. La leçon de cette erreur sera retenue. Ainsi, en 2008, la FED réagira en effet très rapidement au krach immobilier et boursier en injectant des liquidités et en abaissant ses taux directeurs. Toujours au cours des années 1930, des politiques de déflation sont mises en œuvre en Europe afin dans l’espoir d’effacer la forte inflation née de la Première guerre mondiale et de pouvoir ainsi renouer avec l’étalon-or.
Au Japon, les krachs boursier et immobilier du début des années 1990 fragilisent les banques qui avaient accordé de nombreux prêts gagés sur la valeur des actifs immobiliers, et qui se retrouvent en difficulté.
Pour y faire face, elles vendent massivement les actifs financiers qu’elles détiennent, actions et obligations, et réduisent la distribution de crédit. L’activité se contracte et les agents économiques cherchent à se désendetter plutôt que d’investir dans des actifs dont les prix baissent.
Une spirale de type baisse des prix des actifs –> désendettement -> report des investissements -> baisse des prix des actifs se met en place et finit par peser sur l’activité via la baisse des investissements et l’absence de revalorisation des salaires. La Banque du Japon tarde à réagir. En effet, l’économie japonaise avait déjà basculé dans la déflation quand la politique du taux zéro et des mesures non conventionnelles d’achats d’actifs financiers ont été adoptées.
Déflation : les effets néfastes
La déflation procure aux ménages un gain de pouvoir d’achat, puisque les prix des biens et services s’orientent à la baisse. A priori, on pourrait penser que cela est bénéfique à la consommation et donc à l’activité économique et à la croissance. Or, il n’en est rien, bien au contraire. La déflation provoque en effet des réactions attentistes de la part des agents économiques qui se révèlent particulièrement néfastes pour l’économie :
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D’une part, la baisse régulière des prix incite les ménages à reporter leurs décisions d’achats dans l’attente de nouvelles chutes de prix. Ce comportement conduit à thésauriser la monnaie, baisser la consommation globale et à gonfler les stocks des entreprises qui n’arrivent plus à écouler leurs productions. En réaction, celles-ci réduisent leur production et leurs investissements. Les salaires baissent, les embauches se raréfient et le chômage progresse, ce qui finit par affecter le revenu des ménages. Il s’ensuit une nouvelle baisse de la consommation qui génère la formation d’un cercle vicieux car auto-entretenu. La Grèce a connu ainsi une période de déflation de 2013 à 2015.
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D’autre part, la déflation provoque une dégradation de la situation financière des particuliers et institutionnels qui ont recours à l’emprunt. En effet, le coût réel de la dette (c’est-à-dire une fois l’évolution des prix prise en compte) augmente avec la baisse du niveau général des prix car les remboursements des emprunts ne sont généralement pas indexés sur l’inflation. Il en résulte une moindre capacité à investir pour les entreprises et une moindre capacité à consommer pour les ménages endettés, ce qui renforce le cercle vicieux précédemment décrit.
La déflation « sectorielle »
Lorsque les progrès techniques sur un secteur particulier entraînent des gains de productivité ou une baisse des coûts, la baisse des prix qui en résulte est bénéfique. Cela conduit à renforcer la demande pour ces produits et à en démocratiser l’usage. Les exemples les plus récents sont la téléphonie mobile ou encore les ordinateurs portables, dont le prix a presque été divisé par dix depuis le début des années 1990. On parle alors de « déflation sectorielle ». Mais tant que cette baisse reste contenue à quelques produits, sans qu’elle concerne l’indice général des prix, il ne s’agit pas de déflation à proprement parler.
La déflation est donc un piège en ce sens où elle génère une spirale néfaste à l’économie toute entière. Elle est en outre très difficile à combattre par les autorités monétaires car elle se nourrit des anticipations auto-réalisatrices des agents économiques : tant que ceux-ci pensent que le phénomène de baisse des prix généralisée va se poursuivre, ils adopteront toujours le même comportement attentiste qui est à l’origine de l’apparition de la déflation.
Le Japon a ainsi connu une phase prolongée de déflation depuis la fin des années 1990 que la politique monétaire n’a pas réussi à combattre efficacement. Les autorités monétaires japonaises ont en effet réagi trop tardivement alors que la déflation était déjà présente, si bien que ni les baisses de taux d’intérêt ni les politiques d’injection de liquidités dans le système financier n’ont réussi à endiguer la spirale de baisse des prix.
Tout l’enjeu pour les autorités monétaires est donc d’agir préventivement afin d’éviter que l’économie ne tombe dans la déflation.
La zone euro a frôlé la déflation de 2013 à 2016
Les statistiques d’inflation publiées mensuellement par Eurostat, l’office européen des statistiques, ont fait état depuis plusieurs mois d’une désinflation importante en zone euro.
Ainsi, entre octobre 2012 et janvier 2016, le taux d’inflation annuel est passé de 2,5 % à seulement 0,3 %. Au cours du premier trimestre 2015, ainsi que pour le mois de février 2016, Eurostat a même publié une évolution du niveau général des prix négative en rythme annuel et certains pays comme la Grèce ont connu une période prolongée de baisse du niveau général des prix.
Par ailleurs, le rythme mensuel de l’inflation est momentanément passé en territoire négatif dans plusieurs grands pays européens, comme l’Espagne, l’Italie et même la France (-0,3 % entre juin et juillet 2014 pour cette dernière).
Il y a donc clairement eu un risque que la déflation s’installe en zone euro. Pour autant, la zone euro n’est pas entrée en déflation, pour plusieurs raisons :
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En premier lieu, il convient de souligner que si l’indice général des prix en zone euro s’est inscrit en baisse, c’est notamment en raison de la chute des prix de l’énergie (ceux-ci diminuent de 8 % en rythme annuel en février 2016, après -5,4 % en janvier, -5,8 % en décembre 2015 et encore -7,3 % en novembre).
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En second lieu, il convient également de mentionner que l’inflation sous-jacente (inflation sans les biens et services les plus volatils comme l’énergie) est restée en territoire positif.
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Enfin, les anticipations d’inflation sont restées ancrées en territoire positif. Les anticipations d’inflation sont mesurées par la BCE à travers deux instruments : une enquête auprès de prévisionnistes, et les informations que fournit le marché des produits dérivés traitant des titres sensibles à l’évolution de l’inflation en zone euro (essentiellement les obligations souveraines en euro indexées sur l’inflation). Or, ces deux indicateurs ont montré que les anticipations d’inflation sont restées positives.
Pour lutter contre le risque de déflation, la BCE a réduit ses taux d’intérêt directeurs au niveau le plus bas possible et qu’elle s’est en outre lancée dans un vaste programme de rachat d’actifs sécurisés auprès des institutions financières afin que celles-ci puisent aisément se procurer des liquidités et qu’elles puissent distribuer des crédits aux entreprises et aux ménages à très faible coût.
Vidéo : pourquoi la déflation peut-elle être dangereuse ?
Par Dessinemoileco
super
Bonjour,
La déflation ne serait-elle pas un outil de redistribution ultime?
Il a été constaté empiriquement que la redistribution la plus importante avait lieu en temps de destruction de valeur, ces destructions de valeur les plus importantes étant celles connues lors des guerres mondiales.
Une déflation forte ne saurait êre que temporaire et limitée dans le temps, car les ménages ne sauraient repousser indéfiniment la réponse à leurs besoins.
Les besoins non nécessaires seraient les premiers à n’être pas assouvis.
L’économie se recentrerait sur les besoins élémentaires.
La capitalisation est un besoin primaire jusqu’à un certain niveau individuel, qu’on peut appeler l’épargne de sûreté.
Au-delà de ce niveau, la capitalisation serait non nécessaire.
La déflation viendrait entamer en premier les capitalisations non nécessaires.
La reprise d’activité sur les besoins essentiels amènerait de la valeur sur les secteurs primaires, amenant une reprise des salaires.
Ainsi, la destruction des capitalisations non nécessaires par la déflation amènerait un retour de valeur sur les salaires.
Bonjour,
La déflation porte en elle des effets redistributifs potentiellement très forts. Toutefois, il est à espérer qu’une meilleure redistribution des richesses soit possible en l’absence d’une destruction massive de richesse (et l’exemple des guerres mondiales que vous citez est, à ce titre, édifiant !) ou d’une déflation durable. En outre, l’une des particularités de la déflation est qu’il s’agit d’un phénomène auto-entretenu : puisque les prix baissent, les ménages retardent leur consommation (puisqu’un même bien sera moins cher demain qu’aujourd’hui), ce qui entraîne une baisse de la demande et donc une nouvelle baisse des prix. Il est dès lors particulièrement difficile de sortir d’une telle situation, comme l’ont montré des exemples historiques, que ce soit en Europe dans les années 1930 ou plus récemment au Japon.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Mais faut-il comparer le comportement japonais à celui de la France ou de l’Europe ?
Bonjour,
Il existe bien évidemment un contexte et des comportements économiques propres à chacune des économies citées. L’exemple japonais est toutefois utile puisque le Japon fournit l’une des rares expériences récentes d’une économie avancée ayant connu une entrée en déflation.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Merci très bel article
Bonjour,
La déflation a des effets économiques très négatifs sur la consommation et la production. Elle engendre en effet un cercle pernicieux de baisse de l’activité économique et de baisse des prix. Cela affecte les marchés financiers qui anticipent la poursuite de cette spirale déflationniste. Le prix des actifs financiers chute, ce qui entraine des effets de richesse négatifs et renforce par ce biais la dépression.
Meilleures salutations.
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Bonjour,
Pourquoi l’augmentation de la déflation ne se traduit pas par l’actif financier