On distingue deux catégories de canaux : ceux qui s’activent à l’annonce du programme de QE, et ceux qui s’activent à son implémentation.
Ces canaux s’appuient sur des mécanismes économiques très divers, mais partagent les mêmes buts de relance de la croissance et des prix. Ils sont cependant des mécanismes théoriques, et leur activation dans la pratique est un sujet faisant l’objet de nombreux débats, aussi bien chez les praticiens, chez les banquiers centraux et chez les académiques.
Canal du crédit
Le canal du crédit se porte sur les opérations comptables qui ont lieu lors des opérations de QE. L’achat des titres par la banque centrale auprès de banques commerciales fait augmenter leurs réserves dont elles disposent. Les banques ont ainsi la capacité de prêter plus d’argent aux acteurs de l’économie, et à des taux d’intérêt moins élevés, ce qui favorise la consommation et l’investissement.
Canaux du prix des actifs
Selon ce canal, l’assouplissement quantitatif entraîne une hausse de la demande sur le marché des obligations, et donc une hausse des prix. Cette hausse des prix fait baisser le rendement des obligations (on paye plus cher quelque chose qui rapporte le même montant). Indirectement, le QE fait ainsi baisser le taux d’intérêt des obligations nouvellement émises, ce qui favorise l’investissement et la consommation.
Dans le même temps, la hausse du prix des obligations influence le prix de tous les actifs financiers. En effet, les investisseurs qui détiennent des portefeuilles diversifiés vont, face à la hausse du prix des obligations, en revendre une partie pour acheter d’autres actifs, comme des actions, faisant augmenter leur prix. Ils opèrent ce que l’on appelle un “rééquilibrage de portefeuille”. Ainsi, la valeur des portefeuilles financiers, dans leur ensemble, est revalorisée.
Devenus plus riches, ces investisseurs sont alors susceptibles d’accroître leur consommation, ce qui constitue un facteur supplémentaire de soutien à l’économie. C’est ce qu’on appelle un “effet richesse”.
Canal de confiance
Selon ce canal, l’annonce du quantitative easing pourrait rassurer les acteurs économiques et éclaircir leurs attentes en termes d’inflation et de croissance. Ainsi, le QE les encourage à consommer et à investir dans l’économie réelle. Autrement dit, les acteurs anticipent les effets du QE dès son annonce.
Canal du signal
De la même manière que le canal de la confiance reflète les anticipations des entreprises et des ménages sur les effets économiques du QE, le canal du signal reflète les anticipations des investisseurs sur les taux d’intérêt et prix futurs des actifs. Les réactions des investisseurs influencent les taux d’intérêt et les prix avant même que ce dernier ne soit implémenté.
Canal du taux de change
Le taux de change est une variable très importante économiquement, mais dont la réaction aux annonces de QE n’est pas très claire.
D’un côté, les investisseurs internationaux pourraient considérer qu’un programme de QE entraînera une baisse des taux d’intérêt, et donc de la profitabilité. La demande de monnaie domestique diminue donc : on dit qu’elle se déprécie. La dépréciation bénéficie alors aux exportations, car les entreprises domestiques deviennent plus compétitives. En contrepartie, le prix des importations augmente. La majorité du temps, ces effets sur les échanges ont un impact positif sur la croissance.
Supposons un constructeur automobile européen, qui exporte ses voitures aux États-Unis. Il produit une voiture en France et, en prenant en compte sa marge, la vend à 20 000 euros. Il l’exporte aux États-Unis et la vend pour 20 000 dollars (le taux de change est de 1 euro pour 1 dollar). Supposons que l’annonce de QE fasse se déprécier l’euro (un euro vaut maintenant 0,9 dollars). Le constructeur la vend toujours pour 20 000 euros en France, mais sa valeur en dollars est maintenant de 20 000*0,9 = 18 000 dollars. Il peut donc ainsi gagner des parts de marché, puisqu’il vend moins cher, ou bien augmenter sa marge.
D’un autre côté, on peut imaginer que les investisseurs, en considérant les bénéfices économiques post-QE via d’autres canaux, anticipent la hausse du prix des actifs domestiques. Ils souhaitent alors investir dès à présent pour réaliser de futurs gains en capitaux. Ces comportements se traduisent par une augmentation de la demande de la monnaie domestique : on dit qu’elle s’apprécie.
Enseignante de SES dans un lycée dijonnais, je trouve votre site extrêmement bien fait, réactualisé et pédagogique. Je le conseille à mes élèves mais m’en sers aussi pour mes cours en T° (Les crises financières) et en P° car les chapitres sur le financement de l’économie et la création monétaire sont franchement « abuser (és?) » comme ils disent….à raison d’ailleurs. Un grand merci donc.
Bonjour,
Et merci pour vos encouragements ! Nous sommes ravis que nos articles puissent vous être utiles.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Bonjour,
Vous ecrivez : « Les ménages détenant des actifs financiers voient donc la valorisation de leurs placements progresser sensiblement du fait du programme d’assouplissement quantitatif de la banque centrale. […] Se sentant plus riches, ces ménages sont alors susceptibles d’accroitre leur consommation, ce qui constitue un facteur supplémentaire de soutien à l’économie. »
Combien de ménages detiennent des actifs financiers ? Ne s’agit-il pas déja de ménages aisés dont une augmentation de revenue ne se traduira pas pas une consomamtion significative et donc ne soutiendra que faiblement l’économie ?
Un grand merci pour votre travail, avez vous déja pensé à éditer vos décryptages en livres ?
Cldt.
Bonjour,
Et merci pour vos encouragements ! Il y a quelques années maintenant, certains de nos décryptages avaient été adaptés et publiés dans l’ouvrage « Le tour de la finance en 10 étapes ». Concernant votre question principale : selon les données de l’INSEE, en 2018, 15,4 % des ménages français détenaient des valeurs mobilières (actions, obligations) en direct et 45 % disposaient d’une assurance vie et/ou de produits d’épargne retraite. Le patrimoine est, toutefois, réparti de manière très inégalitaire : 10 % des ménages les plus aisés détenaient, toujours en 2018, la moitié du patrimoine total des ménages. L’effet richesse a donc, comme vous le soulignez, un impact plus faible que les autres effets d’une politique monétaire accommodante.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
bonjour, concernant la politique de QE de la BCE (2600 Mds en 2015 puis 1350 Mds en 2020), je suppose que cette politique est majoritairement mise en oeuvre par les BCN ?
Je suppose cela en regardant le bilan des banques à fin 2019 : 457 Mds pour BCE, 1141 Mds pour BDF. (et 1453 Mds pour une banque commerciale comme la SG)
Quel commentaire pouvez-vous apporter sur ces différentes tailles de bilan entre BCE, BCN, BC ? La BCE est-elle un « nain » économique par rapport aux banques commerciales ?
merci
Bonjour,
Les Banques centrales nationales (BCN) jouent effectivement un rôle majeur dans la mise en œuvre des mesures de politique monétaire non conventionnelle de la Banque centrale européenne (BCE). Plus précisément, chaque BCN intervient sur son marché national à la hauteur de la clé de répartition dans le capital de la BCE. Ainsi, la Banque de France prend à sa charge environ 20 % de l’exécution du programme d’achats d’actifs de la BCE. Pour avoir une idée plus précise de l’ampleur de ces opérations de politique monétaire non conventionnelle, il convient donc de considérer le bilan de l’Eurosystème (qui regroupe la BCE et les BCN des pays membres de la zone euro). Fin 2019, celui-ci représentait plus de 4 671 milliards d’euros. Sous l’effet du programme d’achats de titres, le bilan de l’Eurosystème est passé, début octobre 2020, à plus de 6 700 milliards d’euros.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
bonjour, vous dites, concernant le QE :
« la banque centrale va simplement créer ex nihilo la monnaie dont elle a besoin pour ce rachat d’actifs. Les banques pourront accorder de nouveaux crédits aux ménages ou aux entreprises, puisque leurs réserves détenues auprès de la banque centrale s’accroissent ».
Je ne comprends pas le lien entre la possibilité de crédit par les banques commerciales et leur réserve banque centrale. Qu’est-ce-qui limite le crédit des banques ? je croyais que le crédit était encadré par les ratios prudentiels du règlement BALE III (TX de dépôts, Tx de fonds propres…)
Merci
Bonjour,
Comme vous le soulignez, le crédit des banques est effectivement encadré. En rachetant certains titres détenus en particulier par des banques, les opérations menées dans le cadre de politiques monétaires non conventionnelles permettent de libérer des liquidités que les banques peuvent à nouveau utiliser pour accorder de nouveaux crédits aux ménages et/ou aux entreprises.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Je vais être assez consensuel, mais quand les gens font du bon boulot il faut leur dire. Très remarquable ! Le bémol histoire de… pour expliquer le lien entre delta de la demande sur obligations du marché secondaire et delta du taux, vous partez justement d’une variation du taux qui fait s’ajuster le prix des anciennes obligations. Je serais parti d’un delta de demande sur anciennes obliobligations ayant pour effet un delta du taux. Mais je ne suis pas économiste et je dis peut-être une bêtise…
En tous cas, bravo !
Bonjour,
En effet, la corrélation peut s’expliquer dans les deux sens.
Meilleures salutations.
L’équipe Lafinancepourtous.com
bonjour et merci pr votre site tres clair. cependant hier 31 juillet 2019 par exemple la baisse des taux us (assouplissement quantitatif) a provoque une hausse du dollar vis a vis euro et diverses autres monnaies. Non pas une baisse du dollar.
Bonjour,
Nous ne suivons pas l’évolution du marché des changes au jour le jour. Cependant, une baisse des taux aux États-Unis conduit, toutes choses égales par ailleurs, à une dépréciation du dollar puisque les investisseurs sont moins désireux de détenir des actifs en dollar (mais cette relation n’est pas mécanique car elle peut être contrebalancée par d’autres évolutions).
Néanmoins nous ne sommes pas d’accord quand vous associez la baisse des taux de la Fed du 31 juillet 2019 à de l’assouplissement quantitatif (QE). Le QE implique des rachats d’actifs par la Fed, ce qui n’a pas été le cas, la Fed a « simplement » baissé ses taux directeurs.
Meilleures salutations.
L’équipe Lafinancepourtous.com
Merci vos explications sont très claires et concises.
Vos articles sont vraiment claires. Merci beaucoup, après des heures de révisions je vois enfin la lumière.
A travers vos exemples, c’est bien plus concret.
Bonne continuation !
Bonjour,
Je voulais vous remercier infiniement de faire des articles aussi précis et clair. Ils sont vraiment simple d’accès et mon refuge de prédilection pour reprendre tous mes cours d’économie qui sont si confus et complexes.
Merci de continuer à développer les grands concepts et à les rendre clairs pour nous pauvres étudiants perdus dans le jargouin économique parfois incompréhensible.
Bonjour,
Nous vous remercions de vos encouragements. Continuez à nous lire!
Meilleures salutations.
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Absolument remarquable clair, précis, explicatif donc pédagogique ,comme d’ailleurs la plupart des articles sur ce site.
Bonjour,
Merci pour vos encouragements!
Meilleures salutations.
L’équipe Lafinancepourtous.com