Calculez le taux d’intérêt réclamé par Harpagon

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Dans l’Avare de Molière, Cléante, fils d’Harpagon qui souhaite s’enfuir avec Marianne doit emprunter de l’argent. Le prêteur avec qui il a pris contact en passant par un intermédiaire et qui en fait n’est autre qu’Harpagon, dicte ses conditions dans un mémoire exposé dans la scène qui suit entre Cleante et son valet La Flèche (Acte II Scène 1).

Saurez-vous retrouver le taux d’intérêt réclamé par Harpagon ?

moliere illustration copie 2 jpg CLEANTE : J’aurai les quinze mille francs que je demande ?

LA FLECHE : Oui, mais à quelques petites conditions qu’il faudra que vous acceptiez, si vous avez dessein que les choses se fassent […] Voici quelques articles qu’il a dictés lui-même à notre entremetteur, pour vous être montrés avant que de rien faire.  « Supposé que le prêteur voie toutes ses sûretés, et que l’emprunteur soit majeur et d’une famille où le bien soit ample, solide, assuré, clair et net de tout embarras, on fera une bonne et exacte obligation par-devant un notaire, le plus honnête homme qu’il se pourra, et qui pour cet effet sera choisi par le prêteur, auquel il importe le plus que l’acte soit dûment dressé. »

CLEANTE : Il n’y a rien à dire à cela.

LA FLECHE : « Le prêteur, pour ne charger sa conscience d’aucun scrupule, prétend ne donner son argent qu’au denier dix-huit. (1)« 

CLEANTE : Au denier dix-huit ? Parbleu, voilà qui est honnête ! Il n’y a pas lieu de se plaindre.

LA FLECHE : Cela est vrai. « Mais, comme ledit prêteur n’a pas chez lui la somme dont il est question, et que pour faire plaisir à l’emprunteur il est contraint lui-même de l’emprunter d’un autre sur le pied du denier cinq, il conviendra que ledit premier emprunteur paye cet intérêt sans préjudice du reste, attendu que ce n’est que pour l’obliger que ledit prêteur s’engage à cet emprunt. »

CLEANTE : Comment diable ! Quel Juif, quel Arabe est-ce là ? C’est plus qu’au denier quatre (2) […]  Il y a encore quelque chose ?

LA FLECHE : Ce n’est plus qu’un petit article. « Des quinze mille francs qu’on demande, le prêteur ne pourra compter en argent que douze mille livres (3)« , et, pour les mille écus restants, il faudra que l’emprunteur prenne les hardes, nippes et bijoux dont s’ensuit le mémoire, et que ledit prêteur a mis de bonne foi au plus modique prix qu’il lui a été possible.} »

CLEANTE : Que veut dire cela ?

LA FLECHE : Ecoutez le mémoire. « Premièrement, un lit de quatre pieds, à bandes de point de Hongrie, appliquées fort proprement sur un drap de couleur d’olive, avec six chaises, et la courtepointe de même, le tout bien conditionné et doublé d’un petit taffetas changeant rouge et bleu. Plus un pavillon à queue, d’une bonne serge d’Aumale rose sèche, avec le mollet et les franges de soie.« 

CLEANTE : Que veut-il que je fasse de cela ?

LA FLECHE : Attendez. « Plus une tenture de tapisserie des Amours de Gombaut et de Macée. Plus une grande table de bois de noyer, à douze colonnes ou piliers tournés, qui se tire par les deux bouts, et garnie par le dessous de ses six escabelles.« 

CLEANTE : Qu’ai-je affaire, morbleu ?

LA FLECHE : Donnez-vous patience. « Plus trois gros mousquets tout garnis de nacre de perle, avec les trois fourchettes assortissantes. Plus un fourneau de brique, avec deux cornues et trois récipients, fort utiles à ceux qui sont curieux de distiller« .

CLEANTE : J’enrage !

LA FLECHE : Doucement. « Plus un luth de Bologne garni de toutes ses cordes, ou peu s’en faut. « Plus un trou-madame et un damier, avec un jeu de l’oie renouvelé des Grecs, fort propres à passer le temps lorsque l’on n’a que faire. « Plus une peau d’un lézard de trois pieds et demi remplie de foin, curiosité agréable pour pendre au plancher d’une chambre. « Le tout, ci-dessus mentionné, valant loyalement plus de quatre mille cinq cents livres, et rabaissé à la valeur de mille écus (4) » par la discrétion du prêteur. »

CLEANTE : Que la peste l’étouffe avec sa discrétion, le traître, le bourreau qu’il est ! A-t-on jamais parlé d’une usure semblable ? Et n’est-il pas content du furieux intérêt qu’il exige, sans vouloir encore m’obliger à prendre pour trois mille livres les vieux rogatons qu’il ramasse ? Je n’aurai pas deux cents écus de tout cela (5) » ; et cependant il faut bien me résoudre à consentir à ce qu’il veut, car il est en état de me faire tout accepter, et il me tient, le scélérat, le poignard sur la gorge.

(1) – Cela veut dire que pour 18 deniers prêtés, il faut verser 1 denier d’intérêt (le denier est une ancienne monnaie française d’argent. Sa valeur n’influence pas le calcul).

(2) – Pour 4 deniers prêtés, il faut verser 1 denier d’intérêt, soit 25 %.

(3) – Francs et livres sont équivalents. Il faut comprendre qu’Harpagon ne prêtera que 12 000 francs en liquide. Le reste sera prêté sous la forme du don de divers objets.

(4) – Soit 3000 livres ou 3000 Francs. 1 écu = 3 livres ou 3 Francs.

(5) – Soit 600 livres

Après avoir lu attentivement ce texte et avoir effectué vos propres calculs, comparez le taux d’intérêt que vous obtenez avec le taux d’intérêt que réclame réellement Harpagon.

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