Le coût humain, économique et social du tabac
Le coût du tabac est élevé. Il est d’abord humain. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on compte chaque année plus de 8 millions de morts dans le monde directement imputables au tabac. En France, les autorités sanitaires estiment à environ 75 000 le nombre de décès annuels dus au tabac. Il est ensuite d’ordre économique et social. La consommation de tabac réduit ainsi la qualité de vie de la population et engendre des coûts pour les finances publiques (soins, dépenses de prévention, etc.). Ce coût social du tabac est difficile à estimer, mais certains spécialistes avancent le chiffre de 120 milliards d’euros par an. C’est, à titre de comparaison, autant que ce que l’État français dépense chaque année pour l’enseignement scolaire et la défense réunis.
Face à ce coût élevé, il peut être tentant de vouloir réduire la consommation de tabac en proposant d’en augmenter les prix. Ces derniers sont réglementés par l’État qui peut donc facilement agir dessus. Selon la « loi de la demande », la quantité demandée d’un bien ou d’un service évolue en sens inverse de son prix. Lorsque celui-ci est élevé, la demande est faible. Et inversement, quand le prix est faible, la demande est forte. Ainsi, en théorie, en augmentant le prix du tabac, de p1 à p2 sur le graphique ci-dessous, l’État en réduirait la demande, qui passera de q1 à q2.
Les résultats en demi-teinte des politiques tarifaires de lutte contre le tabagisme
En pratique, la France tente de lutter contre le tabagisme à l’aide de tout un éventail de mesures (prévention, interdictions de fumer dans certains lieux, etc.). La première d’entre elles, conformément aux recommandations de l’OMS, consiste en l’augmentation du prix du tabac.
L’augmentation du prix du tabac est également un moyen pour l’État d’augmenter ses recettes fiscales, ce qui lui permet, en retour, de financer d’autres dispositions de lutte contre le tabagisme. La fiscalité représente, en effet, plus de 80 % du prix d’un paquet de cigarettes. Une large partie de ces sommes est directement affectée au financement de la protection sociale.
Entre janvier 2000 et décembre 2022, les prix du tabac ont progressé en France de près de 270 % selon les données collectées par l’INSEE.
Dans le même temps, la part des 18-75 ans déclarant fumer quotidiennement a baissé d’environ 5 points de pourcentage, passant de 30 à 25,3 %. L’augmentation du prix du tabac a donc un effet négatif sur la consommation de tabac, mais celui-ci reste limité. Comment l’expliquer ?
Cette faible sensitivité de la consommation de tabac à la variation de son prix s’explique avant tout par l’absence de biens substituables et le phénomène d’addiction qu’elle provoque : même lorsque les prix augmentent, un fumeur aura du mal à se passer de cigarettes. Les économistes parlent, dans ce cas, d’une demande peu élastique au prix. Graphiquement, lorsque le prix augmente de p1 à p2, la demande baisse de q1 à q2, mais la variation des quantités demandées est relativement faible par rapport à celle de la variation des prix.
Selon une publication de Santé Publique France, l’élasticité-prix de la demande de tabac était de -0,4 entre 2000 et 2015. Cela signifie que lorsque les prix du tabac augmentent de 1 %, la demande de tabac diminue de 0,4 %, toutes choses égales par ailleurs. Autrement dit, il faudrait, selon ce calcul, augmenter le prix du tabac de 20 % pour en réduire les ventes de 10 %.
Le concept d’élasticité-prix de la demande est ici utilisé à propos de la consommation de tabac. Il peut toutefois s’appliquer à de multiples situations. On pourrait, par exemple, l’utiliser pour étudier le marché des sodas (pour lesquels la demande est très élastique) ou encore celui des carburants (autre cas de demande faiblement élastique). À vous de jouer !
super intéressant 👍