Crise et Rénovation de la finance

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Crise et renovation de la finance

Le précédent livre de Michel Aglietta« La Crise. Pourquoi en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? » est le livre contemporain le plus cité par les 120 personnalités du monde économique et politique invitées par le journal les Echos (du 03 juillet 2009) à dresser la liste de leurs ouvrages de référence à l’heure de la crise.

« Crise et rénovation de la finance », dont il est le co-auteur avec Sandra Rigot est lui aussi déjà salué comme un nouvel ouvrage de référence pour comprendre et agir face à la crise, aussi bien par le site Melchior, site de ressources pédagogiques créé à l’initiative de l’Institut de l’entreprise que par la revue Alternatives Economiques. Attention, cependant ! l’ouvrage est nettement plus difficile d’accès que le précédent.

Instabilité intrinsèque

Les auteurs diagnostiquent la crise globale d’un régime de croissance fondé sur le crédit à tout-va, le laisser-faire des autorités de régulation de la finance et une fuite éperdue dans l’endettement des agents privés. S’inscrivant dans les hypothèses de J.M. Keynes formulées dans les années 1930, Ils analysent l’instabilité intrinsèque de la finance exacerbée par ses innovations et le développement de nouveaux marchés.

Pompe aspirante

Selon eux, loin d’avoir été efficace dans l’allocation du capital, la finance a capté une rente gigantesque et a nourri des déséquilibres insoutenables. « En 1980, soulignent ils, les profits captés par le secteur financier américain faisaient 10 % du total des profits des sociétés privées, mais 40 % en 2007. Ce dernier chiffre se compare à un rapport de 5 % des emplois salariés dans les sociétés privées et 15 % de la valeur ajoutée. La finance a donc joué le rôle de « pompe aspirante » de la valeur dans l’économie, valeur dissipée dans les rémunérations exorbitantes du trading et dans les commissions léonines des opérations de restructuration du capital, de titrisation de la gestion des actifs ».

Autre point clé de cette analyse de la crise : la finance articulée au pouvoir prépondérant des actionnaires dans les entreprises a imposé une focalisation excessive des investissements sur la rentabilité à court terme.

Mais pour Michel Aglietta et Sandra Rigot, « il ne suffit pas d’analyser la crise. Il faut… se préoccuper des moyens de rendre le capitalisme viable en dépit de l’instabilité financière ».

Profonde réorganisation

De toutes façons, la crise actuelle est trop grave pour que la finance en sorte comme elle y est entrée« Une profonde réorganisation de la finance est désormais à l’ordre du jour ».

Le livre dessine les contours d’une telle réforme : instaurer des règles de comportement et des principes de gouvernance capables de réintroduire une responsabilité sociale dans le système bancaire et établir des contre-pouvoirs.

Il s’agit premièrement de mettre en place une politique « macro-prudentielle ». Acteur principal de ce contre-pouvoir, les Banques Centrales qui devraient avoir pour objectif non plus seulement de lutter contre l’inflation mais de lutter aussi contre l’instabilité financière. Deuxièmement il s’agit de réaliser les conditions d’une discipline de marché efficace. Non pas supprimer la titrisation mais l’encadrer sérieusement. La responsabilité incombe ici aux pouvoirs publics et aux régulateurs.

Investissement de long terme

Enfin expliquent les auteurs, l’enjeu de la rénovation de la finance est de réduire la pression de la rentabilité à court terme et de développer une finance de long terme plus favorable à l’investissement humain et productif. Les « investisseurs institutionnels » (publics ou parapublics, fonds de retraite…) devraient être des acteurs essentiels de cette mutation vers une nouvelle logique d’investissement. Deux chapitres très détaillés sont entièrement consacrés à cette dernière question. A coup sûr, un apport majeur de l’ouvrage.

Michel Aglietta est professeur émérite à l’université Paris X Nanterre, conseiller scientifique au Cepii et à Groupama-Asset Management.

Il est également l’auteur de :

  • La Crise, en 10 questions posées par Pierre Luc Séguillon (Michalon 2008).

  • Macroéconomie financière, (La découverte 2008).

  • Désordres dans le capitalisme mondial, (avec Laurent Berrebi) Odile Jacob, 2007.

  • Dérives du capitalisme financier, (avec Antoine Ribérioux) (Albin Michel 2004).

  • La Monnaie : entre violence et confiance, (avec André Orléan), Odile Jacob, 2002.

Sandra Rigot est doctorante en économie.

Michel Aglietta et Sandra Rigot Odile Jacob, Economie Paris Mars 2009, 365 pages

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