Cherche Midi, « Lot 49 », 2012. 630 pages
Né en 1957, Richard Powers est l’un des grands romanciers américains contemporains. Ses livres ont la particularité d’être épais et de dire comment les hommes vivent en entrecroisant histoires individuelles et histoire collective.
Gains, publié en France en septembre 2012 est paru aux USA en 1998. Il n’est donc pas question de la financiarisation des années 2000 et de la crise des subprimes. Mais il est question d’économie.
D’un côté, voici l’histoire de l’entreprise Clare, entreprise de savon créée à Boston au début du 19ème siècle par les enfants de Jephthah Clare qui lui-même avait prospéré dans le commerce maritime. Au rythme des innovations technologiques et des crises, la petite entreprise de savon devient également fabricant de plantes médicinales, de cosmétique, de détergent, d’insecticide, une entreprise chimique diversifiée, une multinationale qui se délocalise. D’entreprise familiale, elle se transforme en société par actions et devient un joyau de la bourse des valeurs. Elle passe de la réclame à la publicité, de la publicité au marketing, du marketing à la communication. A coup de sponsoring, de fondations et de mécénat, elle fait aujourd’hui dans l’écologie et la promotion sociale. Tout cela est décortiqué de main de maitre avec précision et ironie.
De l’autre côté, voici Laura Bodey, 42 ans divorcée, mère de deux enfants. Elle vit et travaille (dans l’immobilier) à Lacewood, lieu majeur d’implantation de Clare Inc. En fait une sorte de Clareville. Un cancer des ovaires fait basculer sa vie. Les deux récits croisés se relient de plus en plus lorsque Laura Bodey et sa famille veulent connaitre l’origine de ce cancer. De façon également précise, et ironique, Richard Powers nous dit tout de ce que devient la vie de Laura et celle de son entourage.
Vers la fin du livre, il est question d’une interview télévisée acceptée par l’actuel directeur général de Clare. « La première partie, lui a écrit le producteur de l’émission, sera consacrée à l’activité économique à son niveau le plus fondamental. Quel est son but ? Que voulons-nous la voir accomplir ? » Le directeur considère que ces questions « ne tiendraient pas cinq minutes dans le monde de la réalité » et prépare ses réponses en griffonnant une page de son bloc. Pas sûr que vous ne considériez pas, au contraire, comme l’écrivain qui y consacre 630 pages passionnantes, qu’il s’agisse là de bonnes questions.
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