Les cygnes sont d’ordinaire blancs. Aussi, les premiers Européens qui découvrirent l’Australie furent-ils bien surpris quand ils virent des cygnes noirs. Taleb en conclut que voir une multitude de cygnes blancs ne permet pas d’affirmer que tous les cygnes sont blancs, mais que voir un seul cygne noir invalide le postulat selon lequel tous les cygnes sont blancs.
L’auteur retranscrit cette même idée dans le monde de la finance : constater une évolution des marchés selon un mouvement donné ne permet pas d’affirmer que le marché se comportera toujours ainsi. La finance, et le monde en général, seraient influencés par des « cygnes noirs », c’est-à-dire des évènements hautement improbables mais avec un impact notable sur le cours de l’histoire, par exemple l’invention de la roue ou d’internet, la catastrophe de Pompéi ou le krach de 1987. Etant donné l’importance que Taleb accorde à l’imprévisible, il remet en cause l’utilisation de la courbe de Gauss en finance et préfère les idées mathématiques de Benoît Mandelbrot. En effet, la courbe de Gauss implique que les évènements économiques sont aléatoires et tendent à se rapprocher d’une moyenne. Alors que pour Taleb, les fluctuations des marchés peuvent s’écarter de la moyenne.
Cette critique, qui peut sembler une querelle de spécialistes, a des répercussions considérables sur la façon de considérer la finance, l’économie, et plus généralement de multiples aspects de la vie. Dans la vision de l’auteur, le monde est beaucoup moins « moyennisé » que dans la théorie financière traditionnelle. Si les bulles et krachs font des dégâts à intervalles réguliers, c’est parce que les agents sous-estiment l’occurrence des évènements extrêmes car ils basent leurs raisonnements sur la courbe de Gauss. Taleb, ancien trader, lance un pavé dans la mare de la finance traditionnelle, et ça fait des vagues !
Un livre provoquant, incisif, parfois drôle, souvent déconcertant, mais jamais ennuyeux.
Editions Les belles lettres
608 pages
23,50 €
Paru en 2012 (dans la version française)