Question
J’ai entendu dire que l’inflation était un « impôt sur les pauvres ». Quelle est l’origine de cette expression et que signifie-t-elle précisément ?
Par Patrick
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J’ai entendu dire que l’inflation était un « impôt sur les pauvres ». Quelle est l’origine de cette expression et que signifie-t-elle précisément ?
Par Patrick
« L’inflation, impôt pour les pauvres, prime pour les riches » : cette citation est généralement attribuée à François Mitterrand. Elle renvoie au caractère régressif de l’inflation, la hausse des prix touchant, en effet, davantage les ménages les plus modestes.
Les taux d’inflation calculés par les instituts statistiques, comme l’INSEE en France, constituent des moyennes élaborées à partir de l’observation des prix d’un panier de consommation standard. Ils masquent ainsi des disparités pouvant être fortes entre les ménages.
Cet effet hétérogène de la hausse des prix sur les ménages est lié au fait que les paniers de consommation diffèrent d’un ménage à l’autre. Ainsi, les ménages les plus modestes consacrent une part plus importante de leur budget à l’alimentation et l’énergie. Or, ce sont les prix des biens alimentaires et de l’énergie qui généralement tirent l’inflation vers le haut.
L’inflation peut donc être qualifiée « d’impôt sur les pauvres », dans la mesure où elle rogne davantage le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes.
Bonjour, je me demandais en quoi l’inflation serait une prime pour les « riches ».
Considérons que les pauvres ont un salaire proche du SMIC. D’une part, le SMIC est indexé sur l’inflation. Le SMIC ne perd donc pas en valeur face à l’inflation au cours du temps, contrairement aux salaires des « riches », lesquels ne sont pas automatiquement réévalués en fonction de l’inflation.
D’autre part, les riches ont par définition un capital plus élevé (et donc davantage exposé à l’érosion en valeur réelle à cause de l’inflation). Prenons un exemple, avec un taux d’inflation de 10% sur l’année N – 1:
1) Un salarié au SMIC (1425€ net par mois). Certes, l’indexation n’est jamais instantanée, ce qui crée un décalage temporel durant lequel le pouvoir d’achat se détériore. Mais, cette « détérioration » n’est qu’éphémère en réalité, puisqu’elle ne dure que dans la fenêtre temporelle entre deux réévaluations du SMIC (~ 1 an). On peut même la négliger complètement si on considère le taux d’inflation comme relativement constant au cours du temps. En effet, la réévaluation du SMIC lors de l’année N en fonction du taux d’inflation de l’année N-1 est alors toujours approximativement la même, ce qui permet de négliger le « décalage temporel » entre deux réévaluations (dont les effets sont alors strictement identiques).
2) Un patrimoine de 1 million d’euros totalement investi en bourse a un rendement annuel de 6% sur l’année N – 1. Il a donc sous-performé l’inflation (1.06/1.10≈0.963). Naïvement, on pourrait penser que sa valeur réelle a donc diminué de 3.7% seulement. Cependant, en plus de représenter une perte en valeur réelle pour l’investisseur, cet investissement a le malheur d’avoir un rendement nominal positif. Cela signifie qu’il sera un jour soumis à l’IR. Pour des raisons comptables assez évidentes (on ne peut pas indéfiniment échapper à l’IR), considérons que tout cet argent est retiré de la bourse à la fin de l’année N – 1 (afin qu’il soit imposable lors de l’année N). Grossièrement on peut estimer un taux d’imposition moyen de 25% (au titre de l’IR) sur les 60 000 euros de revenus nominaux (liés à l’investissement des 1 000 000). Déterminons combien il lui reste après impôt: 1060 000 – (60 000 * 0.25) = 1 045 000. Or, en valeur réelle notre investisseur termine avec 1 045 000 / 1.10 = 950 000 euros constants. A cause de l’inflation, notre investisseur a perdu 50 000 euros constants, tout en ayant couru le risque de perte en capital (lié aux aléas des marchés financiers), alors même que sa position était en bénéfice en valeur nominale. Alors imaginons un instant, si cette position de 1000 000 d’euros avait eu un rendement négatif sur l’année N…
L’intuition m’incite donc à penser que c’est pour les « riches » – et non pour les « pauvres » – que l’inflation est mathématiquement la plus désavantageuse, non ?
Bonjour,
Vous avez tout à fait raison de souligner que l’inflation touche également les riches, en particulier dans la mesure où ils ont un patrimoine. Il est courant de dire, en macroéconomie, que l’inflation est redistributive, elle fait fondre la valeur de l’actif (donc la valeur des placements), et fait également fondre la valeur des dettes (permettant une augmentation du patrimoine net de tous les ménages qui ont par exemple fait un crédit immobilier).
Cela étant, savoir quel est l’impact différentié de l’inflation sur chaque classe sociale est délicat. On considère souvent, en macroéconomie, que les classes moyennes sont celles qui peuvent y gagner le plus / perdre le moins. Les classes aisées, comme vous l’avez dit, peuvent voir la valeur réelle de leur patrimoine et de leurs salaires chuter.
Concernant les classes populaires, par exemple au SMIC, l’effet est tout de même considéré comme négatif. Tout d’abord car elles bénéficient peu de l’effet d’aubaine de la diminution de la valeur des dettes : elles n’ont qu’une faible capacité d’emprunt. Surtout, même si le SMIC suit l’inflation, il suit l’IPC, qui prend en compte l’évolution de prix de tous les biens et services. Or, il est courant que les prix alimentaires ou d’énergie augmentent plus que l’IPC dans son ensemble. Puisque ces biens représentent une grande part dans le panier de consommation des classes populaires, alors le pouvoir d’achat effectif de ces ménages peut baisser, même une fois le SMIC indexé.
Meilleures salutations,
L’équipe de Lafinancepourtous
Merci pour la démystification de cette expression. Toutefois, je reste sur ma faim, pourquoi est-ce une prime pour les « riches » ?
Merci par avance pour votre retour.
Bonjour,
La deuxième partie de la citation renvoie au fait que certains « riches » bénéficient directement de l’inflation.
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com