D’autres classes de l’académie pouvaient se connecter en visio-conférence, ce qui a permis aux élèves de deux terminale ES du lycée Mireille Grenet de Compiègne et aux étudiants des classes préparatoires ECE (Economique et commerciale voie économique) du lycée Michelis d’Amiens de suivre également cette conférence en direct.
Rappelons que Christian Noyer, qui a été entre autres directeur du Trésor au ministère des finances, vice-président de la BCE et gouverneur de la Banque de France pendant 12 ans, s’est vu confier en 2016 une mission d’évaluation des enjeux du Brexit et de défense de l’attractivité de la place de Paris.
Pourquoi le Brexit ?
Après un bref rappel de la formation du terme BREXIT, Christian Noyer aborde les causes profondes qui expliquent cette décision britannique de sortir de l’Union Européenne.
L’Europe a souvent été tenue pour responsable de bien des maux. Et particulièrement au Royaume-Uni où, historiquement, l’adhésion à l’Union européenne ne s’est pas effectuée facilement. Cette réticence à participer à l’Union européenne, s’est concrétisée par des difficultés à accepter le versement de sa contribution financière. Au point que le Royaume-Uni a obtenu un « rabais » sur le montant de sa contribution.
L’adhésion à la zone euro a été repoussée par le Royaume-Uni qui a ainsi bénéficié, comme le Danemark, d’une clause d’exception. Enfin, le Royaume-Uni n’a pas ratifié les accords de Schengen.
Par ailleurs, le Royaume-Uni a toujours conservé la nostalgie de sa puissance passée du temps de l’Empire et une forte identité nationale liée à sa situation insulaire.
A ces causes anciennes et profondes, Christian Noyer ajoute une cause immédiate, liée aux libertés fondamentales de l’Union européenne, en particulier la libre circulation des personnes qui a soulevé un sentiment nationaliste, surtout apparu lors de l’adhésion des pays de l’Europe de l’est, qui présentent des niveaux économiques très inférieurs à celui du Royaume-Uni.
On a assisté à une montée de mouvements nationalistes anti immigration surtout depuis une quinzaine d’années (UKIP : United Kingdom Independence Party)
Dans le même temps, au sein du parti conservateur, un certain nombre d’opposants ont manifesté leur mécontentement et ont milité pour une sortie de l’Union européenne.
Pour lutter contre cette montée des dissensions, et maintenir une certaine cohésion du parti conservateur, David Cameron (Premier Ministre) a souhaité organiser un référendum sur la question de la sortie ou du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Néanmoins le parti reste divisé.
Concomitamment, le parti travailliste voit arriver à sa tête un leader très ambigu, Jeremy Corbyn, qui est un eurosceptique.
Cette conjoncture a créé une situation propice à un vote en faveur du Brexit.
Bien que les sondages aient laissé présager un vote en faveur du maintien dans l’Union européenne, le résultat du référendum du 28 juin 2016 a vu le Brexit l’emporter avec 51,9 %.
L’analyse des votes souligne des différences liées à l’histoire du Royaume-Uni (Irlande du nord et Ecosse) mais aussi des différences liées à la situation géographique : les zones urbaines votant majoritairement contre le Brexit et les zones rurales pour le Brexit. L’âge des votants a aussi été un facteur clivant : les jeunes votant majoritairement contre le Brexit et les plus âgés votant pour la sortie.
L’issue de ce référendum se concrétise le 29 mars 2017, lorsque Thérésa May notifie officiellement le souhait du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne (application de l’article 50 du Traité de Lisbonne).
Comment sortir de l’Europe ?
La sortie du Royaume Uni devra suivre une procédure précise définie par le traité de Lisbonne. Le Royaume-Uni dispose d’un délai de deux ans pour rendre effective la sortie (au 30 mars 2019).
Tout d’abord, il s’agit de négocier le retrait en évaluant le montant de la contribution financière à régler pour couvrir les dépenses votées au budget mais aussi pour financer les dépenses de fonctionnement liées aux charges de personnel.
Ensuite, il faut désimbriquer les relations à tous les niveaux.
Tout d’abord au niveau des accords commerciaux (OMC par exemple). En effet, chaque pays de l’Union européenne est adhérent en tant que « sous-participant ». La sortie du Royaume-Uni va déséquilibrer les accords et va nécessiter que le Royaume Uni négocie directement en tant que membre à part entière. Ce travail de renégociation va être très complexe et très long à mener.
Mais des questions doivent être aussi réglées au niveau de la gestion de l’espace aérien, de la sûreté nucléaire ou des échanges universitaires.
Certains aspects de cette situation ont été prévus mais pas tous. De nombreuses discussions ont été menées et ont débouché sur un accord signé le 15 décembre 2017.
L’accord du 15 décembre 2017
Cet accord, bien qu’ambigu a fixé quelques principes :
- L’aspect financier :
Montant de la contribution à verser qui s’élève à 50 milliards d’euros. - L’aspect humain :
Les Européens vivant au Royaume-Uni conserveront leur droit à résidence. - Le problème irlandais :
La frontière intérieure en Irlande sera maintenue ouverte. - La période transitoire :
Le Royaume-Uni devra continuer à accepter les règles européennes, la souveraineté de la CJUE et à contribuer au budget.
Le droit national intègrera toute la législation européenne d’application directe.
Dans le même temps, des discussions concernant le régime futur sont menées.
Les conséquences du Brexit
Après un rappel sur les notions économiques d’union douanière, de marché commun, de marché unique, qui s’appliquent à l’Union européenne, Christian Noyer présente l’éventail des régimes possibles, en présentant les différentes solutions adoptées par les pays qui n’appartiennent pas à l’Union européenne (Norvège, Suisse, Ukraine/Turquie, etc)
Sous l’influence des anti-européens, le Royaume-Uni refuse de nombreux points (libre circulation des personnes, contribution budgétaire significative, politique commerciale commune, etc) et il semble difficile de voir se concrétiser un accord autre qu’un accord type CETA (traité de libre-échange conclu entre l’Union Européenne et le Canada en 2016).
Dans cette hypothèse, les conséquences seront nombreuses, importantes et impacteront fortement l’économie britannique (rupture possible des chaînes de valeur, risque de baisse des investissements, conséquences au niveau des services financiers, etc)
Au vue de ce futur, la France pourrait tirer son épingle du jeu. En effet, la France possède de nombreux atouts de par sa situation géographique centrale mais aussi du fait de son attractivité dans de nombreux domaines (financier, technique, santé, recherche, universitaire, etc ).
Le gouvernement actuel a anticipé les besoins et a engagé certaines réformes pour régler quelques aspects souvent soulevés : la rigidité du travail (la mise en place des ordonnances Macron) la fiscalité antiéconomique (baisse programmée de l’IS), la fiscalité changeante (le gouvernement actuel s’est engagé à préserver une certaine stabilité dans la fiscalité).
Néanmoins, la France présente encore quelques aspects considérés soit comme des handicaps (règlementation tatillonne, lourdeur des charges sociales pour les emplois qualifiés, etc) soit comme des faiblesses (formation défectueuse, apprentissage peu développé, etc).
Si la poursuite de la politique de réformes est maintenue, la France pourra espérer accueillir des relocalisations et donc à terme, des créations d’emplois.