Le thème choisi cette année, en rapport avec les débats économiques actuels et les programmes d’économie des classes du second cycle des lycées, portait sur les inégalités territoriales en matière de financement des investissements. Animée par Catherine Fenet, économiste du pôle Education nationale de l’IEFP, la table-ronde réunissait :
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Caroline Larmagnac, directrice de cabinet du Commissariat général à l’égalité des territoires(CGET) ;
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Patrice Dautel, chargé de mission à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du Travail et de l’Emploi en Ile-de-France ;
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Marie Adeline-Peix, directrice exécutive des partenariats régionaux et de l’action territoriale de Bpifrance;
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Dominique Gromas, président du Comité Val de Marne de la Fédération bancaire française et directeur régional PME à la Caisse d’Epargne Ile de France ;
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Philippe Laurent, secrétaire général de l’Association des Maires de France et maire de Sceaux (92).
Les territoires sont-ils égaux face à la question du financement ?
Les nouvelles lois de décentralisation, en particulier la loi Notre d’août 2015, mettent en place une véritable réforme territoriale, jugée sans précédent depuis les années 1980. Cette reconfiguration territoriale s’appuie sur deux changements majeurs : la recomposition de nouvelles régions élargies (13 nouvelles régions contre les 22 existantes) et la création du statut de métropoles régionales.
Cette réorganisation des territoires sera-t-elle réellement efficace en termes de croissance globale et de compétitivité globale ? La concentration des investissements publics sur les grandes métropoles, induite par cette réforme, ne risque-t-elle pas de renforcer le clivage traditionnel entre des villes dynamiques et compétitives, fortement insérées dans la mondialisation, et des territoires dits périphériques, que sont les campagnes, petites villes et quartiers péri-urbains… ?
Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé les principaux acteurs économiques qui interviennent pour tenter de corriger les inégalités territoriales : l’Etat, les collectivités locales et les banques.
Une réforme ambitieuse, productrice d’effets territoriaux importants
Caroline Larmagnac souligne, cartes détaillées à l’appui, que la réforme territoriale de 2015 a rapproché les régions à tous points de vue :
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les régions sont plus homogènes en taille et poids de population. ;
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les régions sont plus homogènes également, dans leur contribution à la croissance économique. Mis à part le cas spécifique de l’Ile de France, les régions représentent chacune près de 150 000 millions d’euros de PIB, en 2012 ;
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les régions sont moins inégales, au regard des leviers de développement. En 2014, les régions comptent chacune environ entre 4 et 6 pôles de compétitivité et en tout cas au moins un;
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les métropoles sont motrices au sein d’un maillage urbain qui est plus équilibré. La création des trois grandes métropoles, le Grand Paris, Aix-Marseille/Provence et Lyon, comptabilisent près de la moitié de la population française, le reste étant réparti entre les 11 métropoles ;les territoires sont désormais mieux organisés et plus solidaires. En 2016, 35 656 communes sont regroupées au sein de 2062 intercommunalités ;
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la création de la commune nouvelle permet un regroupement « sans douleurs » puisque chaque commune ancienne conserve son maire.
Ce travail de simplification et de recomposition intercommunale est bien visible si l’on prend l’exemple des Pyrénées-Atlantiques. On est passé de 30 à 9 EPCI à fiscalité propre.
Pour conclure, Caroline Larmagnac réaffirme qu’au vu de ces statistiques, la capacité d’action des régions a été renforcée par la réforme territoriale.
L’action de l’Etat : un équilibre sur tous les territoires pour favoriser le développement au bénéfice de tous
Patrice Dautel souligne que l’action de l’Etat, au niveau des territoires, vise à corriger les inégalités régionales, en favorisant le développement sous toutes ses formes. Pour ce faire, une structure unique, la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, du Travail et de l’Emploi, la DIRECCTE, a été créée en 2010. La Direccte a pour mission essentielle d’accompagner les entreprises à chaque étape de leur évolution.
Cette mission est incontournable en IDF, compte-tenu du poids de cette région. Celle-ci représente près de 12 millions d’habitants, plus de 6 millions d’emplois, 30 % du PIB métropolitain et 900 000 entreprises, dont plus du tiers emploie au moins un salarié.
Pour cette seule région, la Direccte emploie 1700 agents et gère un budget de 110 millions d’euros, dont 80 % en crédits d’intervention, auxquels s’ajoutent les crédits du Fonds social européen.
Patrice Dautel conclut en soulignant que si les territoires ont leurs spécificités, en matière de développement économique et financement, l’action de l’Etat grâce à la Direccte est d’assurer un équilibre sur tous les territoires, pour favoriser le développement au bénéfice de tous.
L’action de La Banque publique d’investissement : accompagner les entreprises dans leurs projets
Marie Adeline-Peix souligne que la Banque publique d’investissement des crédits à l’exportation, afin qu’elles puissent faire face notamment à la concurrence mondiale ;
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elle monte des projets de financement qui permettent à des entreprises d’emprunter grâce à la garantie en cas de non-remboursement donnée par la BPI.
La BPI est du fait de ses missions un vrai financeur pour les entreprises.
Sur la question de l’égalité des territoires Marie Adeline-Peix conclut en affirmant que la BPI est « au plus près du terrain » en coordonnant ses actions avec l’ensemble des acteurs publics, notamment les services régionaux.
D’autre part, la BPI aune véritable logique d’égalité territoriale en intervenant aussi bien en région parisienne que dans le Limousin.
Le financement des entreprises et des PME : une priorité stratégique des banques françaises
Dominique Gromas, de la Fédération bancaire française, nous présente l’action des banques qui interviennent dans le financement des territoires.
Cette action est positive, comme l’illustre la conclusion d’une analyse des Etudes économiques de l’OCDE : « l’offre de crédit ne semble pas limiter l’activité économique : la majorité de la demande de financement des entreprises paraît être satisfaite, même pour les PME ».
Le système bancaire a donc bien joué son rôle en matière de financement des entreprises et des PME, ces dernières années.
Non seulement les banques ont financé les entreprises et les ménages-plus de 2000 milliards d’euros de crédits à l’économie en France en 2015- mais elles l’ont fait sur l’ensemble du territoire, de façon relativement équitable.
Il communique une série de données chiffrées montrant que les banques se sont mobilisées pour accorder des crédits aux entreprises et notamment aux TPE/PME.
Sur la question des inégalités territoriales face au financement bancaire, Dominique Gromas rappelle les initiatives de la FBF pour mettre en place un dialogue constructif entre les PME régionales et les banques. Depuis 2009, des Rencontres entre les banques et les PME en région sont organisées régulièrement sur des thématiques actuelles (innovation, numérique…). En 2015, une vingtaine de réunions ont eu lieu dans différentes villes pour nourrir les relations entre les banques et les PME régionales.
Le rééquilibrage territorial passe par le renforcement du fait communal
Philippe Laurent aborde la question des territoires et des inégalités entre les régions, de manière plus institutionnelle et moins financière.
La réforme territoriale de 2015 a mis l’accent essentiellement sur la taille des régions, en les élargissant pour leur donner plus de poids économique et financier, à la manière des Länder allemands. Mais la taille n’est pas le seul critère pour apprécier la question des inégalités territoriales et y remédier.
Ce qui importe, rappelle Philippe Laurent, c’est de défendre comme base territoriale la commune, quelles que soient ses nouvelles formes. Que ce soit par le regroupement des communes au sein de l’intercommunalité ou par la création des communes nouvelles, cet échelon territorial est fondamental pour construire un tissu économique solide, capable de réduire les inégalités de développement entre les régions.
La question qui se pose à l’heure actuelle est celle des ressources financières des communes. Le partage des recettes fiscales entre l’Etat et les communes, au détriment de ces dernières, pose un réel problème. Les communes ont de moins en moins les moyens de maintenir les services qui sont nécessaires à la population, notamment la moins aisée, et de continuer à investir.
Si le « fait métropolitain » existe, s’il est souhaitable, il ne doit pas pour autant conduire à « la dissolution » de la commune. Or, la commune c’est un tissu économique de PME, c’est aussi un lieu de partage des solidarités locales, qui peut contribuer à réduire effectivement les inégalités socio-économiques entre les régions et les populations.
Très instructif permet de mieux appréhender la réforme des territoires et ses enjeux