JECO 2015 : COP-21 : la finance au service de la lutte contre le réchauffement climatique

la finance pour tous

La question de la transition énergétique était au centre des débats de cette conférence des Journées de l’Economie de 2015. Objectif : réformer la finance au profit du climat.

L’institut pour l’Education Financière du Public a organisé, le 13 octobre 2015, dans le cadre du thème « Qu’attendons-nous pour agir ? » des Journées de l’Economie à Lyon, une conférence sur le rôle de la finance dans la lutte engagée contre le réchauffement climatique et ses conséquences.

Après la présentation générale de l’IEFP faite par Pascale Micoleau-Marcel, déléguée générale de l’institut, le débat est ouvert par Catherine Fenet, modératrice, qui part du constat suivant : le réchauffement climatique est, d’après le dernier rapport du GIEC de 2014, une réalité irréfutable et irréversible et ce pour l’ensemble de la planète.

Le rôle, longtemps débattu, joué par les activités économiques dans ces dysfonctionnements climatiques, fait aujourd’hui consensus. Le soutien actif du secteur financier et des acteurs privés est et sera décisif dans les négociations internationales qui se dérouleront, à Paris, du 30 novembre au 11 décembre 2015 lors de la vingt et unième conférence, la fameuse COP-21, organisée par les Nations-Unies.

L’enjeu est considérable car il s’agit d’arriver à un accord international engageant les 195 pays (+ l’Union européenne) participants pour renforcer leurs actions et leurs politiques énergétiques vers une économie dite décarbonée.

Est-il raisonnable d’espérer arriver à un accord, respecté par tous les pays ? Un accord qui permette de lever les conflits d’intérêt entre les pays occidentaux et les pays émergents ?

JECO 2015 COP 21 la finance au service de la lutte contre le rechauffement climatique

Après avoir visualisé la vidéo de l’interview de Christian de Perthuis, professeur d’économie et fondateur de la chaire d’Economie du climat à l’université Paris-Dauphine, les trois intervenants de la table-ronde Dominique Morin, prospectiviste, Bernard Marx, économiste et Florian Bercault, responsable investisseur de Grenn Channel, plateforme de financement participatif incubée par Engie, ont échangé leurs analyses et confronté leurs « solutions ».

Le climat a-t-il un prix ? Le prix du carbone

 

Oui, affirme avec force conviction Christian de Perthuis. Le climat est un bien commun à la disposition de tous. Mais, déplore-t-il dans son ouvrage publié en collaboration avec R.Trotignon (Le Climat, à quel prix ? la négociation climatique), l’usage que nous en faisons est gratuit, si bien que nous ne sommes pas encore arrivés à l’intégrer dans nos décisions économiques. Ceci tient au fait que, comme tout bien commun, le climat n’a pas de prix de marché.

Cet usage gratuit de l’atmosphère a des conséquences redoutables, pointées par le dernier rapport du Groupement international des experts sur le climat (GIEC). Les émissions mondiales des gaz à effet de serre se sont accélérées depuis 2000.

Arriver à inverser la courbe des températures nécessite plus qu’une simple prise de conscience. Il faut arriver, lors de la négociation climatique, à un véritable accord entre les pays qui les incite à renforcer et coordonner leurs actions contre le réchauffement pour faire face au risque climatique.

Le nœud gordien de la négociation est que tous les pays reconnaissent leurs responsabilités, prenant ainsi leur part de ce fardeau planétaire. Le principe de« la responsabilité historique mais différenciée »,qui reconnaît la part prise par les pays développés dans l’accroissement des émissions de carbone, n’exonère pas pour autant le reste du monde de toute contrainte. Les pays émergents et les pays exportateurs d’énergie fossile doivent s’engager aussi à réduire leurs propres émissions. C’est la seule solution pour progressivement réussir la transition énergétique, et adopter un modèle de croissance économique « bas carbone ».

Comment mettre en place cette solution? La réponse de Christian de Perthuis repose sur une proposition de bon sens. Evaluons les perturbations climatiques, liées à un usage gratuit et abusif de l’atmosphère, car elles ont des conséquences dramatiques sur la planète. Pour ce faire, la conférence de Paris doit commencer à poser les jalons d’une tarification internationale du carbone entre 2015 et 2020, seul moyen d’éviter les comportements de « passager clandestin ». Si l’on arrive à « faire payer un prix significatif pour chaque tonne de CO2 rejetée dans l’atmosphère, tous les acteurs seront incités à réduire leurs émissions… ».

Si cette solution semble effectivement être la plus efficace, encore faut-il que tous les pays l’acceptent, sans parler des difficultés techniques pour fixer le prix du carbone.

Une taxe carbone plus efficace

Dominique Chauvin Dominique Chauvin rappelle dans un premier temps les points essentiels au débat, analysé par l’ouvrage de Christian de Perthuis et de R.Trotignon :

  • La « mécanique onusienne » avec ses lenteurs et ses échecs historiques risque de peser, une fois de plus, sur la prochaine conférence de Paris. Or, devant l’urgence climatique, un accord « juridiquement contraignant » entre les parties est fondamental, l’ensemble de la planète doit se décider à agir.

  • On assiste à un  véritable changement de paradigme lié à la géopolitique mondiale. L’introduction d’une nouvelle valeur dans l’économie internationale est un changement des règles du jeu. Ceci montre de fait la valeur que nous accordons collectivement au climat.

  • Le carbone est une externalité sans prix, il faut donc lui donner un prix pour rétablir l’équilibre entre le carbone d’en bas– le pétrole, le gaz et le charbon- et le carbone d’en haut– le CO2 stocké dans l’atmosphère.

  • La COP-21 ne sera un succès que si et seulement si les pays aboutissent à une tarification internationale du carbone.

Après avoir rappelé ces principaux points, Dominique Chauvin souligne que mettre en place une taxe carbone serait sans doute plus efficace que la tarification internationale du carbone. Le marché mondial des permis d’émission, mécanisme économique privilégié par l’Europe au protocole de Kyoto, n’a pas eu l’efficacité escomptée.

Instituer une taxe serait plus efficace, comme le montre ce qui a été mis en place en Suède. La taxe de 100 € par tonne de CO2 émise n’a pas affecté véritablement l’économie suédoise. Il faut donc trouver un système de « bonus-malus ».

Imposer des normes est aussi un moyen plus efficace qu’un prix mondial du carbone. Dominique Chauvin affirme que les normes imposées aux constructeurs automobiles en Europe ont eu les résultats attendus, à la différence des permis d’émission. La norme a, selon lui, une « puissance de feu remarquable ».

Dominique Chauvin conclut sur une question : et s’il n’y avait pas d’accord climatique à la conférence de Paris ? Tout dépend de l’évolution des rapports de force entre les pays du Nord et du Sud, du duopole Chine/Etats-Unis et de l’inclusion des pays émergents et des pays pétroliers.

Les intérêts nationaux peuvent prendre le pas sur les responsabilités de chacun et le volume des investissements financiers à mettre en œuvre pour aller vers une économie bas carbone. C’est là que le volet financier de l’accord climatique, moins apparent, est fondamental pour arriver à un accord.

Le secteur financier peut-il devenir vertueux ?

Bernard Marx Avant de répondre à cette question, Bernard Marx observe qu’il y a bien une prise de conscience de « l’urgence climatique », liée à notre modèle productiviste, fondé sur les énergies fossiles depuis la Révolution industrielle au 19eme siècle. Face aux solutions réformistes, on peut comme l’écrit Naomi Klein dans son ouvrage «  Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique » considérer que « ramener nos émissions de gaz à effet de serre aux niveaux recommandés par les climatologues implique une transformation économique radicale ».

Il faut souligner, nous rappelle Bernard Marx dans un premier temps, que la conséquence de ce modèle productiviste est une mauvaise allocation des ressources. « Les capitaux ne vont pas là ou il faut » c’est-à-dire vers les secteurs et les équipements, susceptibles de décarboner progressivement nos économies.

Bien que l’on sache quels sont les investissements à réaliser pour lutter contre le réchauffement climatique, il n’en reste pas moins qu’il faut une vraie volonté politique pour les développer. Le rapport Canfin Grandjean, publié en 2015, chiffre entre 7 et 13 % seulement la part verte du total des investissements en infrastructures, ce qui est notoirement insuffisant au regard de « l’urgence climatique ».

Dans les pays les plus pauvres, cet impératif peut être en contradiction avec l’éradication de la misère et le développement. La mise en place du fonds vert pour les aider à financer des investissements bas carbone peine à se mettre en place.

L’enjeu majeur reste à donner un prix du carbone pour donner un prix à la pollution. Différentes modalités ont été mises en place en Europe et aux Etats-Unis : la taxation, le développement des marchés de permis d’émission, les réglementations. Les retours d’expériences donnent des résultats contrastés.

Toute la question est alors de savoir comment donner un prix à un bien commun ? Bernard Marx explique que l’on a deux propositions, fondamentalement opposées.

  • La proposition de J.Tirole est le retour au marché. Il faut imposer un prix à l’émission de carbone, fondé sur un accord mondial contraignant fixant une limite aux émissions de chaque pays en fonction du nombre de ses habitants.

  • La proposition de M. Aglietta est la monétarisation sans marché. Il faut fixer un prix notionnel de la tonne de carbone économisée au niveau européen et créer un nouveau circuit de financement avec des certificats d’économie d’émissions de gaz à effet de serre (l’inverse des permis à polluer).

Bernard  Marx reprend ensuite la question du rôle du secteur financier dans le combat climatique. Oui, celui-ci peut être vertueux car il a pris conscience du coût potentiel du risque climatique. L’impact croissant des problèmes climatiques et de leur coût dans le secteur des assurances, les nouvelles règlementations financières risquent de peser sur la rentabilité des secteurs producteurs de carbone.

La finance, qu’il s’agisse des acteurs publics ou privés, a son rôle à jouer car, elle seule, a les capacités nécessaires au  financement à long terme d’infrastructures vertes par l’émission d’obligations vertes et à l’évaluation et à l’intégration du risque climatique.

Bernard Marx termine son propos sur la question-clé : la conférence de Paris prendra-t-elle les mesures nécessaires ?

Si cette conférence, très médiatisée, se présente bien (87 % des pays ont rendu leurs contributions sur leurs engagements), il reste qu’il n’y a pas de négociation directe sur l’établissement d’un prix du carbone… Le projet du 07 octobre 2015 n’évoque pas dans sa version actuelle de désinvestissement dans les énergies fossiles et ne prévoit pas de mécanismes de soutien financier aux énergies renouvelables.

Le rôle de la finance participative : le« crowdfunding » énergétique

Florian Bercault Florian Bercault explique, dans un premier temps, le fonctionnement et le mécanisme de la finance participative (ou crowdfunding) de manière générale. Plus précisément, le crowfunding dédié à la transition énergétique est une façon originale et citoyenne, par rapport aux circuits classiques, d’apporter son concours financier aux innovations et aux investissements décarbonés. La finance participative, avec des modalités bien spécifiques, a toute sa place dans la lutte contre le réchauffement grâce à une palette d’outils innovants.

Elle fait partie de ce que l’on appelle « l’agenda des solutions » en créant des synergies entre les acteurs publics et les acteurs privés.

Ensuite Florian Bercault  présente GreenChannel, plateforme digitale d’investissement participatif dédiée aux projets d’énergies vertes. Filiale d’Engie, Green Channel, s’appuyant sur la prise de conscience des populations  et sur la loi Royal sur la croissance verte, propose à ceux qui le désirent de financer des projets locaux innovants. GreenChannel participe au financement des énergies renouvelables (le solaire, l’éolien, l’efficacité énergétique industrielle, le biogaz…).

Florian Bercault montre en quoi les intérêts des porteurs de projets et des souscripteurs se croisent. Pour ces derniers, être acteur de la transition énergétique et choisir ses projets locaux est une des principales motivations de ce choix d’investissement. C’est affaire de valeur et de conviction…face au défi climatique.

Enfin, Florian Bercault explique la procédure très codifiée qu’utilise GreenChannel pour démontrer aux investisseurs potentiels « l’acceptabilité »  du projet qu’elle propose. Elle met en œuvre une vraie campagne de communication pour les convaincre, en insistant notamment sur la proximité et la transparence (présentation par vidéo, description technique du projet, description financière, simulateur d’investissement…). 

 

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