Christian Jacques Berret, Directeur régional Auvergne-Rhône-Alpes de la Banque de France a tout d’abord accueilli le public. Ensuite, Pascale Micoleau-Marcel, déléguée générale de La finance pour tous, a rappelé brièvement les grandes missions de notre association.
Monnaies locales et crypto-actifs : une conférence en pleine actualité !
Le sujet de l’avenir des monnaies locales et des crypto-actifs était abordé par quatre spécialistes du sujet :
Emmanuelle Assouan, Directrice de la Direction des systèmes de paiement et des infrastructures de marché à la Banque de France.
Jérôme Blanc, Professeur de sciences économiques à Sciences po Lyon, spécialiste des monnaies alternatives.
Domitille Dessertine, Directrice de la division Fintech, innovation et compétitivité de l’Autorité des Marchés Financiers.
Odile Lakomski-Laguerre, maître de Conférences à l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens, spécialiste des questions monétaires et des crypto-actifs.
Les thèmes abordés faisant l’objet de définitions parfois mouvantes, les intervenants ont dans un premier temps clarifié le sujet.
Jérôme Blanc a tout d’abord rappelé qu’une monnaie locale est un instrument de paiement qui ne peut être utilisé que sur un territoire restreint, généralement une ville ou une région. Elle est gérée par une association avec pour objectif de développer l’économie locale (souvent avec des visées sociales ou écologiques comme le développement des circuits courts).
La définition d’un crypto-actif est plus difficile, comme l’a expliqué Odile Lakomski-Laguerre. On peut le définit comme étant un actif numérique utilisant un réseau informatique ainsi qu’une blockchain afin de pouvoir valider et effectuer des transactions entre deux, voire plusieurs entités. Le plus célèbre de ces crypto-actifs est le bitcoin.
Crypto-actifs ou crypto-monnaies ?
Rappelons que la monnaie se définit par ses trois fonctions : échanger, épargner, compter.
Si l’on prend l’exemple du bitcoin, il sert très rarement à échanger. Même les commerces ou restaurants acceptant les paiements en bitcoin n’effectuent que peu de transactions dans cette « monnaie ». Le bitcoin n’est pas non plus un instrument d’épargne du fait de sa forte volatilité (son prix est passé de moins de 1 000 dollars début 2017 à plus de 16 000 dollars fin 2017, avant de retomber en dessous de 6 000 dollars en 2018). Enfin, sa forte volatilité explique qu’on n’évalue pas le prix des biens et services en bitcoin, mais plutôt en euros ou en dollars, beaucoup plus stables. Comme le bitcoin et les autres crypto-actifs ne remplissent pas (ou très imparfaitement) les trois fonctions de la monnaie, il convient selon les intervenants de les considérer plutôt comme des actifs que comme de la monnaie, étant précisé que pour la Banque de France, le sujet ne fait pas débat et les crypto-actifs ne sont en aucun cas des monnaies.
Un actif est un bien ou un droit constituant un patrimoine, comme une action ou une maison. La différence avec la monnaie tient notamment à la liquidité. C’est-à-dire que de la monnaie est directement utilisable pour échanger, alors qu’un actif doit être transformé en monnaie (donc vendu) avant de pouvoir servir à effectuer un échange.
Domitille Dessertine a rappelé le risque élevé que représente l’investissement en crypto-actifs (arnaques, fluctuation des cours, absence de garanties et de contrôles…) et a appelé à la prudence toute personne souhaitant investir dans ce type d’actif, message qu’a également fait sien Emmanuelle Assouan.
Quel avenir pour les monnaies locales et les crypto-actifs ?
Les intervenants ont noté que prévoir l’avenir est un exercice périlleux, notamment en matière économique et financière, et se sont gardés de toute conclusion définitive.
Odile Lakomski-Laguerre a notamment rappelé que lorsque la monnaie s’est progressivement détachée de l’or au cours du XIXème siècle, elle n’a pas tout de suite été considérée comme de la monnaie en tant que telle. En effet, si la monnaie n’a aujourd’hui plus aucun rapport avec l’or, le fait qu’un système monétaire puisse fonctionner sans être rattaché à un métal précieux n’a pas été spontanément accepté. Cette évolution doit nous rendre modestes quant à notre vision des crypto-actifs, que nous ne voyons pas aujourd’hui comme de la monnaie.
Globalement, pour les intervenants, il est peu probable que les monnaies locales ou les crypto-actifs prennent un rôle central dans nos économies ou qu’ils remplacent les monnaies actuelles.
L’Odyssée des espèces
La monnaie était au centre d’une autre conférence des Jéco, organisée par la Banque de France. Au menu, notamment, la distinction entre la monnaie, système de référence qui sert à mesurer ce qui peut être échangé et basé sur la confiance et les monnaies qui en sont le support. Quand on pose la question de l’avenir de la monnaie, c’est, selon Catherine Distler de la Monnaie de Paris, moins la monnaie que les monnaies qui pourraient disparaître.
Cette conférence fut également l’occasion pour un représentant de Finance et Pédagogie de revenir sur l’importance de l’éducation financière, notamment en direction des populations que la digitalisation croissante du rapport à l’argent et à la banque rend plus vulnérables.
Qu’est-ce que la blockchain ?
Les crypto-actifs utilisent la technologie de la blockchain. Le fonctionnement de cette technologie a fait l’objet d’une autre conférence dans le cadre des Journées de l’économie le mardi 6 novembre.
Les transactions en crypto-actifs comme le bitcoin s’effectuent sans passer par le système bancaire traditionnel grâce à la technologie de la blockchain. Chaque participant au réseau blockchain peut vérifier les transactions de façon décentralisée.
Ce type d’échange peut s’apparenter aux transactions qui seraient effectuées dans un village, ou chaque habitant connaît et peut vérifier les transactions. Cette technologie permet de reproduire un fonctionnement similaire au niveau mondial.
La blockchain peut donc se définir comme étant une technologie qui permet une relation de confiance entre personnes qui ne se connaissent pas. Il convient de préciser qu’il n’existe pas un seul type de blockchain. On peut par exemple distinguer les blockchains publiques (accès ouvert à tous) et les blockchains privées (accès restreint).
La Banque de France a justement mis au point un projet de blockchain permettant de gérer le fichier des Identifiants Créanciers SEPA (ICS).
Pour l’instant, il est moins coûteux d’effectuer des échanges par carte bancaire qu’en bitcoin, ce qui expliquer entre autres le faible développement des transactions avec cette technologie (moins de 0,5 % des échanges mondiaux).
Cependant, la blockchain peut trouver des applications en dehors du système monétaire, par exemple pour échanger des titres de propriété. Elle pourrait entre autres révolutionner le métier de notaire et l’établissement des cadastres.