Des experts débattent de la politique budgétaire en Europe
Cette conférence réunissait trois économistes spécialistes des questions de politique budgétaire dans l’Union européenne :
Emmanuel Massé, chef du service Affaires européennes, direction générale du Trésor, a rappelé quelles sont les règles budgétaires européennes.
Xavier Ragot, président de l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et professeur à Sciences-Po Paris a traité des obstacles et difficultés dans l’application des règles budgétaires européennes.
Philippe Martin, président délégué du Conseil d’analyse économique (CAE) a apporté des propositions de réforme.
La conférence était animée par Rémi Jeannin, professeur d’économie en classes préparatoires et vice-président du Printemps de l’économie.
Les règles budgétaires européennes : utiles mais complexes
Les intervenants se sont accordés sur l’importance de règles budgétaires en Europe, comme l’a souligné Emmanuel Massé. En effet, avec l’euro, les États n’ont plus de contrôle direct sur leur monnaie et une crise affectant un pays peut se transmettre à d’autres, comme cela s’est vu dans le cas de la crise grecque. D’où l’importance de règles budgétaires plus drastiques que dans d’autres régions du monde.
La règle budgétaire initiale (le Pacte de Stabilité et de Croissance), instaurée en 1997 lors du traité d’Amsterdam, prévoyait qu’un pays ne doit pas dépasser 3 % du PIB de déficit public et 60 % du PIB de dette publique.
Les trois intervenants ont souligné le caractère arbitraire de ces limites. En effet, les économistes ne parviennent pas à déterminer de seuil précis à partir duquel le déficit et la dette risquent de poser un risque sérieux de crise.
Xavier Ragot a rappelé que, dans les années 1990, la grande majorité des pays de l’UE parvenaient sans difficulté à atteindre ces objectifs budgétaires qui étaient vus comme une limite haute du déficit et de la dette.
Cependant, les performances économiques ont été médiocres dans les années 2000, et la crise de 2008 a fait exploser les déficits dans tous les pays. De ce fait, les seuils du Pacte de Stabilité et de Croissance, dépassés par tous les pays, ont perdu de leur pertinence et ont été redéfinis au cours de réformes successives.
Ainsi, aujourd’hui, les règles budgétaires se basent sur le déficit structurel de façon à prendre en considération la situation économique de chaque pays.
Le déficit public structurel est le déficit qu’aurait un pays si sa croissance était égale à la croissance potentielle. Pour lisser les aléas de la conjoncture, les économistes calculent une croissance dite « potentielle » qui correspond à la croissance moyenne que peut atteindre un pays grâce à ces capacités productives. Philippe Martin a rappelé que la croissance potentielle, et le déficit structurel qui en découle, résultent de calculs imprécis ce qui complique la conduite de la politique économique.
Les modifications apportées aux règles budgétaires européennes sont cependant très complexes, à tel point que les intervenants, pourtant experts du sujet, ont admis ne pas être capables d’en connaître l’exhaustivité. Pour Philippe Martin, cette complexité pose un vrai problème de transparence et de légitimité démocratique des politiques menées.
Les intervenants prônent une clarification des règles budgétaires, mais pas leur abandon. Des réformes pourraient également être apportées, par exemple en se concentrant sur la croissance des dépenses budgétaires plutôt que le seul déficit public.